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Argentine : prison à perpétuité pour l’assassin de Carlos Fuentealba

Publie le jeudi 17 juillet 2008 par Open-Publishing

Dans un jugement historique, la Justice a considéré que le brigadier Jose Dario Poblete a tué l’enseignant qui participait à une manifestation. Les plaignants espèrent que maintenant la justice avance vers les responsables politiques comme l’ex-gouverneur Jorge Sobisch.

A quinze mois de l’assassinat du professeur de Chimie Carlos Fuentealba, la Chambre Criminelle de Neuquén a émis un jugement historique : elle a condamné le policier Jose Dario Poblete à la prison à perpétuité comme auteur matériel de cette mort. "Un homicide qualifié, aggravé doublement pour abus de sa fonction comme policier et pour sa trahison", dit le texte de la sentence. Sandra Rodriguez, veuve de Fuentealba, a reçu le jugement au côté de ses filles et de dizaines de professeurs de l’Association des Travailleurs de l’Education provinciale (Aten) qui remplissaient la salle d’audiences. L’émotion qui inondait l’enceinte s’est réflétée dans la manifestation de plus de trois mille travailleurs qui ont rappelé le nom de leur compagnon assassiné et réclamaient que la Justice "arrive jusqu’aux responsables politiques" de la répression. L’ex-gouverneur Jorge Sobisch, l’ex-sous-secrétaire de Sécurité Raul Pascuarelli et les responsables de la police sont les cibles de cette revendication. A part l’ex-mandataire provincial, tous sont inculpés dans le dossier Fuentealba 2.

Le 4 avril de l’année passée, quand une manifestation enseignante se retirait de la route 22, Poblete a tiré une grenade de gaz lacrymogène qui a défoncé le crâne de Fuentealba, qui était assis à l’arrière d’un véhicule. Les juges Mario Rodriguez Gomez, Luis Fernandez et Hector Dedominichi ont accordé de l’importance au témoignage de l’enseignante Marcela Roa, considérée le "témoin clef" du procès. Roa a signalé Poblete comme l’exécuteur de la décharge qui a mis fin à la vie de Fuentealba. Peu de jours après le meurtre, elle a identifié le maintenant ex brigadier lors d’un visionnage de photos. Pour les juges, son témoignage a été "convaincant", "déterminant" et n’a laissé "aucune marge de doute à propos de sa véracité".

Les magistrats ont réfuté tous les éléments de la défense du policier et son avocat a qualifié l’investigation comme "frauduleuse" et a demandé l’annulation de toutes les preuves pour les considérer comme "sans aucune valeur".

Rodriguez Gomez, président du tribunal, a signalé dans son jugement que la répression policière sur la route 22 "a été exagéré et injustifiée". Sur la déclaration de la témoin Roa, il a dit qu’elle a été "fondamentale" et d’une "valeur remarquable pour l’accusation contre Poblete". Et au sujet de la théorie ébauchée par le défenseur du policier, qui en est arrivé à déduire dans sa plaidoirie que "les propres compagnons de Fuentealba l’ont tué, le frappant avec une barre de fer en essayant de le sortir du véhicule dans lequel il se trouvait", Rodriguez Gomez a souligné que "cette possibilité tient seulement dans l’imaginaire du défenseur".

Après avoir argumenté pourquoi Poblete est coupable d’homicide aggravé, le juge a signalé que "il n’a été laissé à Carlos Fuentealba aucune possibilité de réaliser la plus élémentaire des défenses : s’échapper, se protéger, courir" et "l’imputé a mis ce manque de défense à profit pour l’attaquer comme il l’a fait, en sachant ce qui allait arriver", en faisant feu à moins de dix mètres avec son pistolet lance-gaz.

Quand Rodriguez Gomez a lu la sentence qui condamne à la prison à perpétuité à Poblete, dehors et à l’intérieur de l’auditoire, le public a éclaté en cris, larmes, applaudissements et chants. "Ce n’est en rien des réjouissances. C’est seulement un soulagement face à ce qui semblait impossible d’obtenir il y a un an. Ce que nous avons atteint est une réussite en vue d’une vraie justice et pour qu’il n’y ait pas d’impunité", a dit à Página/12 le secrétaire général du syndicat enseignant de Neuquen, Marcelo Guagliardo. "Ceci est le produit de l’effort de milliers de compagnons ici et dans le reste du pays. Cette condamnation est réellement un exemple : pour que plus jamais un policier n’ose faire ce qu’a fait Poblete avec Carlos", a ajouté le dirigeant, pour qui "ce jugement ouvre le chemin pour la cause Fuentealba II, où nous obtiendrons qu’aucun gouverneur n’autorise ni n’ordonne une répression comme celle qu’a ordonné (l’ex-gouverneur) Sobisch à Arroyito".

Sobisch a déclaré comme témoin et a rejeté toute responsabilité dans l’opération qui a provoqué l’homicide de Fuentealba. Il a mis en cause la police. Les plaignants dans le procès ont maintenant devant eux la tâche d’avancer vers les responsables politiques de la répression qui a mis fin à la vie de Fuentealba.

Eliot Brat, Pagina/12, 09 juillet 2008.

http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1-107468-2008-07-09.html