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Attac. 100 % confusion

Publie le dimanche 30 mai 2004 par Open-Publishing

Élections. L’apparition des listes « 100 % altermondialistes » bouscule Attac. Et met de côté les débats de fond européens.
Attac. 100 % confusion Par Ivan du Roy

L’initiative provoque bien des remous au sein d’Attac. Ces vagues risquent aussi d’éclabousser les autres composantes du mouvement altermondialiste hexagonal. Dans quatre régions, une liste intitulée « 100 % altermondialistes » sera présente aux élections européennes. Au moins trois d’entre elles seront conduites par des militants d’Attac : en Île-de-France par Christophe Ventura, ancien permanent trentenaire de l’association ; dans le Sud-Ouest par Dominique Mourlane, ancien militant du PC et membre de la direction d’Attac ; dans le Nord-Ouest par Gérard Lalot, ancien élu communiste en Picardie, lui aussi adhérent d’Attac. Le mystère plane encore sur la tête de liste dans le Sud-Est (Corse, Paca et Rhône-Alpes). Les motivations de ces citoyens militants ? Œuvrer à la traduction politique des idées du mouvement altermondialiste et créer un débat de fond sur le traité constitutionnel, jugé ultra-libéral. En guise de programme, les candidats reprennent mot pour mot les « vingt-et-une exigences d’Attac » sur l’Europe et des textes de la Confédération paysanne et de la fondation Copernic.

Ce « copier-coller » dérange au sein de l’association, dont la direction dit avoir été prise par surprise, certains s’étonnant plus que d’autres de voir ces listes débarquer de nulle part. Résultat : la fracture entre le pôle « souverainiste », autour du président Jacques Nikonoff et du président d’honneur Bernard Cassen – et du pôle « syndicaliste », Pierre Tartakowsky (CGT), Pierre Khalfa (G10 solidaires) et Christophe Aguiton (syndicat Sud), s’est creusé. Les seconds reprochent aux premiers d’avoir secrètement fomenté l’affaire. Ceux-ci répondent que les idées d’Attac sont faites pour être reprises – les Verts n’ont-ils pas annoncé leur plein accord avec vingt des propositions ? – et que des membres de l’association ont déjà été candidats à des élections (notamment sur les listes du PC ou des Verts).

« Qu’il y ait des listes altermondialistes me paraît normal et plutôt positif. La question des débouchés politiques se pose. Mais d’une manière ou d’une autre, ces listes concernent Attac. Le problème est qu’il n’y a pas eu de réelle discussion sur leur opportunité », réagit Gustave Massiah, vice-président d’Attac. « Certains, au conseil d’administration, auraient voulu en discuter. Cela aurait complètement mouillé Attac. Nous n’avons pas la vocation à nous transformer en parti politique, estime, de son côté, Michèle Dessenne, secrétaire générale. Je crois que cette initiative est assez spontanée. Le mérite de cette liste est de susciter le débat. Mais s’il s’avérerait que ces candidats trahissent les idées du mouvement, cela poserait un problème grave. »

« Nous sommes issus du mouvement altermondialiste, nous ne le représentons pas », assure Marc Le Glatin, porte-parole des 100 % altermondialistes et membre d’Attac. « Personne n’a le monopole du mouvement », ajoute Christophe Ventura. Reste que leur choix diffuse un certain malaise dans les cercles concernés. Pourquoi le débat n’a-t-il pas été posé lors du dernier forum social européen ? « Impossible, cela ne peut être qu’exogène. » Pourquoi, face à cet enjeu crucial qu’est l’Europe, ne pas avoir présenté des listes dans d’autres pays de l’Union ? « Nous nous y sommes pris trop tard », répondent les futurs candidats. Les listes ne sont pas bouclées, des discussions sont encore possibles, promettent-ils. Un appel du pied à ceux qui se sont vus refuser l’entrée sur les listes communistes. Marie-George Buffet les voulait d’ouverture, les orthodoxes ont refusé (1). Quoi qu’il en soit, le 13 juin, l’électeur séduit par les thématiques altermondialistes aura l’embarras du choix entre les « 100 % altermondialistes », les Verts, le PC, voire le PS ou la LCR qui se revendique du mouvement, malgré son alliance avec Lutte ouvrière hostile aux « alter ». La bataille européenne, si importante, sera menée en ordre dispersé. L’efficacité politique des éventuels élus n’en sera que plus réduite... Ainsi que les perspectives de changements.

(1) Plusieurs candidatures d’ouverture, dont celle du président de Copernic Yves Salesse (région Sud-Est), restent incertaines.

Réveil tardif

« Nous appelons les forces antilibérales engagées dans la construction d’une autre Europe pour un autre monde [...] à tout mettre en œuvre afin de se rassembler sur des listes de véritable alternative européenne dans toutes les circonscriptions. » Tel est l’appel « Tous ensemble pour une autre Europe », lancé le 29 avril par des dizaines de militants associatifs, syndicalistes et politiques issus du PC et des Alternatifs. Énième appel au rassemblement ou véritable volonté de faire bouger les lignes ? Un mois avant l’échéance, il est sans doute un peu tard.