Banlieues : la CGT alerte sur la multiplication des agressions d’agents EDF-GDF

Agressions physiques, menaces de mort, caillassages de véhicules. La CGT s’alarme des conditions de travail de plus en plus dangereuses des agents d’EDF et de GDF dans certains quartiers sensibles, des fonctionnaires qui, au même titre que les pompiers ou les policiers, se retrouvent souvent confrontés à la violence au quotidien.

Ce constat émane d’un travail entamé depuis près de dix ans par Thierry Gerber, responsable CGT à EDF et auteur d’un rapport sur "la problématique des agressions physiques des agents du service public de l’énergie survenues en service et commises par des tiers".

Ce rapport, dont quelques extraits sont publiés dans le "Nouvel Observateur" paru jeudi, a fait l’objet d’une rencontre au ministère de l’Intérieur le 28 septembre dernier, mais le document était resté jusqu’à présent confidentiel.
S’il ne donne pas de statistiques précises sur une augmentation récente des violences à l’encontre des agents, ce rapport de 200 pages dont l’Associated Press a obtenu une copie, témoigne d’une situation générale.

A ce sujet, Thierry Gerber affirme que l’encadrement d’EDF fait régulièrement pression sur les agents agressés pour que ces faits ne soient déclarés "ni en accident du travail, ni en accident bénin, ce qui fait que le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) n’a aucune visibilité et ne peut pas jouer son rôle".

"Contrairement à d’autres entreprises, EDF ne s’est pas mise en capacité d’avoir des données précises", martèle-t-il.

L’entreprise a répondu vendredi qu’elle prenait "très au sérieux les risques d’agressions auxquelles son personnel et les prestataires qu’elle emploie peuvent être confrontés". Dans ce but, elle a ainsi "mis en place un ensemble de mesures concrètes", citant "des formations spécifiques (...) pour permettre aux salariés de détecter les comportements pouvant déboucher sur des situations conflictuelles ou violentes, et leur donner ainsi les moyens de les anticiper et de les gérer". De plus, "une cellule psychologique et juridique intervient en outre en cas de besoin pour accompagner les salariés confrontés à des agressions physiques ou verbales".

Lors de leurs interventions dans certains quartiers, "les agents trouvent de plus en plus souvent des armes, de la drogue, ou des stocks d’objet volés. Tous ceux qui vont dans les sous-sols, dans les gaines de compteurs, ou dans les parties communes en haut des immeubles sont susceptibles d’être agressés parce qu’ils trouvent des objets qu’ils ne devraient pas voir. On a des agents menacés de mort", dénonce M. Gerber.

Quant aux phénomènes de caillassages, apparus dès 1985, "ils se sont développés sans qu’on n’arrive à évaluer les motifs exacts : éventuelles représailles après une coupure pour impayés, volonté de montrer à ceux qui sont extérieurs à la cité qu’ils n’ont rien à y faire, ou encore jeux pour atteindre des cibles avec des pierres".

"Tout agent en vêtement de travail ou circulant en véhicule bleu EDF-GDF est une cible potentielle", affirme en tout cas M. Gerber, qui parle d’une "diffusion sociale et géographique de cette violence".

Sur la question des coupures, M. Gerber explique que "la Fédération de l’énergie CGT s’est déclarée depuis des années en faveur d’un droit à l’énergie" et pour qu’on "redonne aux agents de terrain des marges de manoeuvre pour pouvoir négocier avec les usagers concernés et éviter certaines situations de violence".
Mais depuis quelques années, "on a un resserrement de la direction pour que les délais de paiement soient refusés pour des raisons de trésorerie, au sein d’une société désormais cotée en bourse, ce qui aggrave les tensions".

Confrontés à des phénomènes de violence, "les agents des transports publics ont pris l’habitude de riposter collectivement", souligne-t-il. "La fédération Energie a incité depuis 2001 les collègues d’EDF et de GDF à prendre exemple sur ceux des transports, mais à part quelques grèves localisées et courtes, il n’y a pas eu de protestations à la hauteur des souffrances et des enjeux".
Selon lui, tout se passe comme s’il fallait attendre des "choses très graves pour qu’un mouvement collectif se déclenche. Mais les agressions isolées ne débouchent sur rien, sauf sur de la désespérance".