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COLOMBIE : Contrôle Paramilitaire à Cacarica

Publie le mardi 15 avril 2008 par Open-Publishing
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Communiqué 59
Cacarica – Cavida

REACTIVATION DU CONTRÔLE DES DENREES ALIMENTAIRES ET DE LA POPULATION PAR LES AIGLES NOIRS

Déplacements forcés à cause des combats. Risque de détérioration environnementale. Risque pour la Vie des afro-colombiens et des indigènes. L’impunité favorise les violations du droit.

« Non, nous ne sommes pas satisfaits, et nous ne serons satisfaits que le jour où la justice se déchaînera comme les eaux et que le bien sera comme un fleuve puissant. » Martin Luther King

RESUME

A Cacarica, le contrôle paramilitaire par des structures qui se prénomment « Les Aigles Noirs » est redevenu actif depuis janvier de cette année. Leurs actions se réalisent en particulier le long du fleuve Atrato, entre l’embouchure du fleuve et Travesia, sur une distance de 62 kilomètres bordant le Parc National des Katios ; paradoxalement, dans toute cette zone, se trouve une présence importante des Forces Armées. Cette structure s’est installée de façon presque permanente autour des habitations de Tumarado. La détention pour identifier les personnes, la réquisition des embarcations, la vérification des factures alimentaires des communautés de Cacarica sont mises en place pour le contrôle.

Il y a quelques jours, au port de Turbo, ils ont ordonné aux propriétaires d’embarcations et aux travailleurs de s’abstenir de transporter des vivres à Cacarica. Le contrôle paramilitaire de la zone a été précédé par le recrutement de « démobilisés » à la caserne de Riosucio, l’an dernier. Selon les informations reçues, plus d’une vingtaine de jeunes, dont certains « démobilisés », ont été incorporés récemment dans les structures de type paramilitaire des « Aigles Noirs ». Ceux-ci ont initié une dispute avec la fraction dénommée « Les Renaissants » pour le contrôle territorial (Terres, Population, Projets).

Comme l’avait annoncé la guerilla des FARC EP en août 2007, par des déclarations à la presse internationale au sujet de leurs mouvements dans le Bas Atrato, les combats semblent se confirmer entre la guerrilla et des unités de la Brigade 15 à Cacarica. En effet, le lundi 24 mars, près d’une dizaine de familles d’afrodescendants provenant des zones de Biodiversité de Cavida, des indigènes et d’autres habitants de la zone, ont été forcés à se déplacer jusqu’à la zone humanitaire « Nouvelle Vie », après que des unités militaires de la Brigade 15 avaient annoncé des combats avec la guerilla des FARC EP.

De 8 heures du matin environ jusqu’à 13 heures, des explosions et des coups de mitraillettes tirés depuis un hélicoptère ont été entendus. Jusqu’à mardi dernier, les familles étaient déplacées sans aucune espèce d’aide institutionnelle.

C’est dans ce cadre de stratégies militaires que notre Commission de Justice et Paix a été informée de discussions internes dans les Conseils communautaires, concernant l’approbation ou non de l’extraction de l’ « arracacho » pour la firme Ecopulpa. Alors que les familles de Cacarica associées à Cavida s’opposaient à ce projet en raison des désastres environnementaux qui s’ensuivraient et des conséquences pour la survie des communautés, 5 membres des « Aigles Noirs » ont fait acte de présence limitant ainsi la liberté d’expression et la libre discussion. Si le développement du commerce agraire de l’ « arracacho » venait à être accepté, les conséquences sociales et environnementales seraient irréparables pour la survie des afro-colombiens et des indigènes de Cacarica.

Depuis 11 ans, les problèmes territoriaux sont liés à la stratégie économique et sociale paramilitaire. Facilité par l’omniprésence et la complicité de la Brigade 17 en 1996, ce projet criminel, au départ protecteur d’entreprises comme Maderas de Darien (filiale de Pizano S.A.) est devenu lui-même gestionnaire, par l’intermédiaire de C.I. Multifruits S.A, par exemple.

Dans le cas de cette société, les enquêtes sont inexistantes en dépit des requêtes permanentes des afro-colombiens. Ont été membres de cette entreprise : JUAN MANUEL CAMPO ELJACH, ex-dirigeant du Directoire National du Parti Conservateur et ENRIQUE RENDON alias « German Monsalve », membre des groupes paramilitaires selon le quotidien El Tiempo. A ce jour, aucune investigation efficace n’a été réalisée.

Depuis mi-2007, cette entreprise a mis fin à l’ « Alliance Stratégique » signée avec le Conseil Majeur Communautaire de Cacarica, prétextant que le climat créé par les ONG amenait à l’arrêt du commerce avec l’entreprise DEL MONTE pour les plantations de bananiers, d’autres arbres fruitiers et de palmiers à huile. Malgré l’aboutissement de la difficile négociation de l’annulation des « Alliances », les occupants de mauvaise foi qui ont été amenés à Cacarica depuis 2001 par FREDY RENDON, alias « commandant Allemand », et son frère DANIEL RENDON, alias « Don Mario » (tous deux venant des structures paramilitaires du Bloc Elmer Cardenas), sont restés dans le Territoire Collectif de la zone de la Balsa. Tout en connaissant cette situation, le gouvernement n’a rien entrepris efficacement pour que le droit à l’alimentation, à la terre et à la jouissance de l’environnement soit appliqué.

Pour compléter ce panorama du contrôle du périmètre autour de Cacarica, plusieurs « démobilisés » des structures paramilitaires vivent là-bas et déstructurent la convivialité des communautés noires. A ce jour, le gouvernement a renoncé à toutes ses promesses de suivi des « démobilisés » qui sont étrangers aux communautés. Au mois de février, des chefs paramilitaires opérant depuis Acandi ont fait savoir que 150 hommes supplémentaires pénétreraient dans cette même portion de territoire. Suite à la dénonciation de cette situation, ils se sont abstenus d’amener ces unités à La Balsa.

Parallèlement, contrevenant la loi 70 des communautés noires, les achats et ventes illégales des propriétés se sont accélérés avec l’ex-maire de Chigorodo AMADOR CAICEDO, membre de la junte de CORDESVIDA, qui se trouve lui-même chargé de l’investigation sur l’appropriation illégale de terres à Belén de Bajira.

NOUS DEMANDONS aux groupes de solidarité et de défense des droits de l’homme, d’exiger de l’Etat Colombien :

1.- Une action efficace, cohérente et transparente qui affronte et destructure tout type de paramilitarisme à Acandi, Ungia, Bocas de Atrato, Tumarado, Turbo, La Honda, La Larga et Riosucio.

2 .-Une évaluation des résultats opérationnels de la Police d’Urabá, de La Brigada 15 et 17 du Groupe d’Atrato et une intervention à leur encontre en cas d’action par omission, par commission ou interaction avec les « Aigles noirs ».

3.- La restitution totale de la propriété collective aux afro-colombiens de Cacarica, en particulier aux habitants de la Balsa.

4.- L’arrêt de tout type d’appui institutionnel ou financier d’Action Sociale, de Finagro ou du Ministère de l’Agriculture à des projets d’entreprises où se trouvent mêlées les entreprises Maderas de Darien Pizano S.A., C.I. Multifruits Ltda, Del Monte Usa ou Ecopulpa.

5.- La fin de l’impunité de plus de 85 crimes contre l’Humanité, particulièrement, celle qui entoure la disparition forcée de EDWIN SALAZAR à Tumarado et à La Balsa, lieu où s’est développé le projet illégal de l’entreprise Multifruits Ltda.

6.- L’investigation URGENTE sur les entreprises Maderas de Darien, filiale de Pizaro S.A., et C.I. Multifruits S.A., bénéficiaires des macabres Alliances Stratégiques avec les paramilitaires de FREDY RENDON et ENRIQUE RENDON « Don Mario », avec l’appui de la Brigade 17 depuis 1997 et ensuite par la Brigade 15.

7.- L’investigation URGENTE sur les sources de financement de CORDESVIDA et sur le rôle joué en son sein par AMADOR CAICEDO, ex-maire de Chigorodo.

8 .- Le respect des Zones Humanitaires et des Zones de Biodiversité comme mécanisme de protection de la vie et du Territoire des afro-colombiens face aux dommages irréparables contre la vie, l’intégrité personnelle et communautaire, et la destruction de la nature due au commerce agro-alimentaire.

9.- L’intervention immédiate du Ministère de l’Environnement et d’organismes de contrôle pour évaluer les impacts sur la survie des afro-colombiens et des indigènes et sur la Biodiversité.

Bogota, 7 avril 2008.
Commission Inter ecclésiale de Justice et Paix.

Traduction : Coordinadion Populaire Colombienne à Paris