Accueil > COLOMBIE : Hommage à Eduardo Umaña

COLOMBIE : Hommage à Eduardo Umaña

Publie le lundi 21 avril 2008 par Open-Publishing
2 commentaires

« Les Droits des Peuples, les droits de l’Homme sont une lutte de solitudes qui se rencontrent ».

Eduardo Umaña

"Mieux vaut mourir pour quelque chose...

...que vivre pour rien"

« Il y a bien longtemps, j’étais tout petit, mon père m’avait plus ou moins dit en m’offrant le Quichotte de Cervantès : « Soit toujours un Don Quichotte, jamais Sancho Panza » C’est ainsi que demeure une espèce de mysticisme, l’estimation de quelques principes, le fait de rêver de rêves et d’utopies en sachant qu’il n’y aura jamais de réalités, en laissant des semences de luttes pour les prochaines générations, en sachant que chaque moment qui passe en finit avec la vie et que chaque moment que tu vis est gagné contre la mort ».

18/04/2008 : Voir sur You Tube la video de Direkta en hommage à Eduardo Umaña Mendoza

Il y a 10 ans, le 20 avril vers midi sur la Place « Che » de l’Université Nationale, sous un soleil qui annonce les pluies, dans cet espace public plein de gens, avec ceux qu’il avait accompagné, avec ceux qu’il avait défendu, avec quelques détracteurs et des milliers de proches, son père Eduardo Umaña Luna a dit avant de commencer à marcher vers le lieu de la sépulture de son fils : « Eduardo est entré dans l’Histoire ».

Avec le temps, ces mots continuent à résonner. C’est peut-être la solitude et l’oubli qui nous parlent du passé et de l’histoire abandonnée…

Mais au-delà de ce passé, il y a le présent, là où se « cuisine » le futur. Sa façon d’être, sa manière d’agir, son but dans l’existence continuent à être valides et il est encore présent : Dans les expressions syndicales qui affrontent et construisent des alternatives au libéralisme, dans les télécommunications, face aux privatisations des richesses naturelles, dans les prisonniers politiques, dans les familles têtues des disparus de la cafétéria du Palais de Justice, dans les couloirs de l’Université Nationale, de l’Externado, de la Javieriana et de l’Université du Cauca… Sa solitude accompagne les salles d’audiences, les plaignants, les défenseurs qui assument de payer cher le risque de défendre des causes nobles.

Il continue à être présent dans les personnes poursuivies ou emprisonnées qu’il a défendues et qui ont appris le Droit pour se défendre. « Eux-mêmes, disait-il, sont les meilleurs défenseurs. Ce sont les gens, le peuple, qui doivent s’organiser, qui doivent se défendre. Nous, nous sommes des techniciens mais ce sont eux qui se la jouent vraiment, nous on se doit à eux. L’appareil de la justice est fait pour ceux d’en haut, ses normes sont là pour défendre les privilégiés. Les combattants populaires, les disparus, les personnes assassinées et leurs familles parcourent le chemin et se retrouvent à nouveau avec l’impunité, le masque de fer toujours verrouillé. Mais si nous ne faisons pas le nécessaire, si nous n’assumons pas la défense, nous ne pouvons ni défendre ni démontrer que cet « appareil d’injustice » est un appareil de guerre, de destruction des pauvres. C’est pour cela qu’IL FAUT DEFENDRE, ou alors mieux vaut renoncer ».

Eduardo a été assassiné à Bogotá le 18 avril 1998 vers midi, ses bourreaux voulaient qu’il sorte avec eux mais il avait dit quelques mois auparavant, alors qu’il recevait des menaces persistantes : « S’ils viennent pour moi, je ne vais pas me laisser faire… Je serai là, je résisterai, je ne plierai pas ».

José Eduardo Umaña Mendoza avait informé des personnes de confiance du Parquet qu’un groupe de personnes étaient en train d’organiser son assassinat. Parmi eux, se trouvaient des membres de la brigade XX, du Corps Technique d’Investigation (CTI) et des services de sécurité de ECOPETROL.

Deux hommes et une femme qui se sont présentés comme des journalistes sont entrés dans son bureau après avoir enfermé sa secrétaire dans une pièce. Devant son refus de les suivre, ses bourreaux ont tiré sur lui. La première orientation de l’enquête a permis de mettre en évidence le rôle joué par les forces armées et le CTI du Parquet. Alors que ces pistes semblaient se préciser, elles ont été abandonnées après le « témoignage spontané » d’un détenu de la prison de Guaduas qui a prétendu connaître les assassins de José Eduardo Umaña Mendoza.

Malgré les signes évidents de déséquilibre mental de ce « témoin », l’enquête s’est orientée exclusivement dans cette direction et a fini par inculper 5 accusés en se basant sur des charges extrêmement fragiles, bien que l’un d’entre eux vivait en Espagne au moment des faits, ce qui apparaît clairement dans le dossier. Une motivation très sévère pour le Ministère Public a amené le Tribunal à absoudre les 5 accusés. Le procureur a accepté cette décision sans pourvoir en appel.

Le cas continue à être ouvert au Bureau de l’Unité des Droits de l’Homme de Bogotá mais aucune démarche n’a abouti à des résultats significatifs. La manœuvre réalisée pour dévier l’attention et essayer de condamner des boucs émissaires n’a pas permis de poursuivre des enquêtes sérieuses recherchant les auteurs intellectuels de cet assassinat.

Plusieurs personnes proches d’Eduardo ont tenté de se porter partie civile dans le procès mais cela n’a pas été accepté par le Procureur Général de la Nation.

Ce crime d’Etat continue dans l’impunité mais le sens de la vie, la présence d’Eduardo continue à animer aujourd’hui, au cœur des solitudes, les aspirations des exclus et des peuples.

Messages