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Ce qu’il se passe au Venezuela n’a rien à voir avec le Venezuela
par Deeplo
Publie le jeudi 24 août 2017 par Deeplo - Open-PublishingCe qu’il se passe au Venezuela n’a rien à voir avec le Venezuela. C’est un cas d’école universel que nous devons approcher comme s’il nous concernait personnellement, immédiatement. Cette histoire s’est répétée 30 fois et nous avons toujours accepté le rapport de force. Il faut maintenant s’intéresser au problème et réagir.
Il s’agit d’un pays ciblé par l’Empire pour ses réserves en pétrole, un pays qui subit le sort de tant d’autres depuis 100 ans. Avec une pensée particulière pour les tragédies chiliennes, salvadoriennes, nicaraguayennes ou guatémaltèques, pays dont les populations ont été martyrisées par une extrême droite financée par les US, extrême droite quelquefois importée de France par les US pour la triste qualité de ses méthodes de répression (anciens d’Algérie notamment).
Que Maduro soit un démocrate ou un autocrate, qu’il soit devenu un autocrate ou soit resté un démocrate, tout ceci n’est pas le sujet au regard des forces mises en mouvement pour mettre le pays à genoux. La violence de l’attaque déplace le débat car il s’agit d’un véritable siège organisé au moyen d’attaques économiques très performantes que Maurice Lemoine explique très clairement ici en 4 articles de grande qualité : http://www.medelu.org/La-guerre-economique-pour-les-Nuls
Alors les quelques articles ci-dessous sont destinés à mettre en perspective l’épisode actuel de troubles avec ce qu’il s’est passé dans ce même pays il y a 15 ans, de montrer comment les médias se comportent, et de relater les faits du point de vue de la population vénézuélienne. C’est important car il est probable que le pays soit victime d’une invasion militaire US dans les prochaines années, sinon les prochains mois, même s’il semble que l’extrême droite là bas est aussi bête qu’ici, et qu’ils ont encore perdu une bataille, retardant les plans de l’Empire.
En exergue, pour bien prendre la mesure des choses :
le coup d’état de 2002 a fait l’objet d’un documentaire traduit en français qui contient des images stupéfiantes tant les officiels US tiennent le même discours aujourd’hui. Et c’est l’occasion d’observer cette alliance de l’extrême droite et de l’argent dans sa réalité crue. https://www.youtube.com/watch?v=TLbVK09v87s
Compte tenu de la très grande difficulté à démêler le vrai du faux dans cette guerre impérialiste, je fais miennes les sages paroles d’Olivier Berruyer sur son site les-crises.fr :
Nous vous proposons cet article afin d’élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie nullement que nous "soutenons" le Président Maduro. Par principe, nous ne "soutenons" aucun gouvernement nulle part sur la planète. Nous sommes au contraire vigilants, tout gouvernement devant, pour nous, justifier en permanence qu’il ne franchit aucune ligne jaune. Mais nous sommes évidemment également attachés à lutter contre le deux poids 2 mesures, et à présenter tous les faits. Au final, notre vision est que le peuple vénézuelien puisse choisir librement et démocratiquement son avenir, sans ingérences extérieures, et nous condamnons toutes les atteintes aux Droits de l’Homme des deux camps...
1. 2002 : coup d’état US au Venezuela. Extraits tirés de l’article Wikipédia (on ne fait pas plus consensuel !). comme celui-ci : "D’importants groupes médiatiques vénézuéliens comme El Universal, El Nacional, El Nuevo País, Globovisión, Televen, CMT et RCTV ont soutenu le coup. En même temps, le point de vue de l’opposition anti-Chávez a été relayé dans les dépêches de nombreuses agences de presse et média internationaux."
2. 2012 : santé de l’économie locale du point de vue d’un trader et détail des réalisations chavistes avec cette phrase : "Selon les observations de l’ancien président des Etats-Unis, Jimmy Carter, sur ces élections, « Je pense que les élections au Venezuela - bien que certaines personnes en aient critiqué les résultats qui disent que Hugo Chávez a gagné - il n’y a aucun doute dans notre esprit, ayant surveillé de très près le processus électoral, qu’il a gagné honnêtement. En fait, sur les 92 élections que nous avons surveillées, je dirais que le processus électoral au Venezuela est le meilleur au monde. Ils ont un système de vote vraiment merveilleux, où vous entrez [dans le bureau de vote], touchez un écran et votez comme vous voulez, et, instantanément, le résultat de cet écran tactile est enregistré et transmis par voie électronique au centre du comptage électoral. »
3. 2017 : preuves de la collusion compagnie pétrolière US et représentants politiques US pour déstabiliser le pays.
4. une explication des raisons pour lesquelles le coup d’état 2017 n’a pas eu lieu. "La droite est retombée dans des vieux travers qui ont pourtant montré jusqu’ici leur inefficacité : pousser la population à bout pour récolter le mécontentement dans les urnes ; et en appeler ouvertement à l’intervention états-unienne."
5. mise au point de la BBC sur les sornettes anti Venezuela reprises par les médias pro US. Assez rare pour être cité ici…
6. et un très beau travail du remarquable site LVSL (Le Vent se lève, à soutenir et financer !!!) sur les médias, avec cette belle formule implacable : "C’est qu’au-delà du parti pris atlantiste de la classe dominante française, le Venezuela est également instrumentalisé à des fins de politique intérieure. Autrement dit, avec le Venezuela, le camp néolibéral fait d’une pierre, deux coups : relayer l’agenda géopolitique de Washington qui n’exclut pas une intervention militaire et donner des uppercuts à la gauche de transformation sociale (FI et PCF) »
Une longue introduction. 6 articles. C’est long, c’est beaucoup de lectures, mais c’est nécessaire. Nous devons nous muscler et raconter. Le Venezuela c’est le cas d’école. C’est le monde des Trump et des Macron qui menace de gagner. Si nous ne sommes pas capables de l’expliquer autour de nous, nous n’arriverons pas à grand chose. Nous avons vu que 19% des électeurs avaient pris la mesure des choses. Nous devons en convaincre encore 20% parmi les abstentionnistes et les dégoutés de la République qui votent Le Pen. Il nous revient de nous informer au maximum et d’être capables de dire le monde, de contrecarrer les médias des oligarques comme Arnault, Dassault, Niel ou Drahi, de dire nos convictions, de convaincre nos interlocuteurs. La France changera quand les citoyens Français regarderont le Venezuela comme une victime d’un Empire qui nous condamne tous à brève échéance.
Deeplo
Coup d’État de 2002 au Venezuela — Wikipédia
Le coup d’État du 11 avril2002 au Venezuela désigne une tentative avortée de destitution forcée du président du VenezuelaHugo Chávez, qui fut détenu et empêché d’exercer son pouvoir pendant 47 heures. Durant cette période, le pouvoir fut exercé par Pedro Carmona. Une combinaison de force militaire et de manifestations populaires fit avorter le coup d’État et permit de remettre en place Hugo Chávez.
Prémices
Le 13 novembre 2001, Hugo Chávez fait voter un ensemble de 49 lois en utilisant un « pouvoir habilitant » dont la période de validité était sur le point de se terminer. Deux décisions en particulier suscitent la controverse : une renforçant le contrôle du gouvernement sur PDVSA, que Chávez accusait d’être devenue un « État dans l’État », et une loi portant sur la réforme agraire, qui comportait l’expropriation de latifundiums avec indemnisation au prix du marché[5].
En février 2002, quatre officiers supérieurs, dont un général et un contre-amiral, ont appelé publiquement Chávez à démissionner. Le 7 février 2002, le colonel de l’armée de l’air Pedro Vicente Soto et le capitaine de réserve Pedro Flores Rivero ont dirigé un rassemblement à Caracas, accusant le président Chávez de pratiques antidémocratiques et autoritaires. Le contre-amiral Carlos Molina Tamayo (es) déclare à la télévision que si Chávez ne démissionne pas, il devrait être destitué. En plus des accusations contre Chávez portant sur des entraves à la liberté d’expression, les officiers dénonçaient aussi le plan Bolívar 2000 et l’utilisation qu’il en faisait des ressources des forces armées à des fins sociales, plutôt qu’à assurer la défense du territoire. Ils déclaraient également que Chávez était en train de s’aliéner les États-Unis en se rapprochant de la guérilla colombienne et des pays de l’OPEP considérés comme hostiles par les États-Unis, y compris l’Irak de Saddam Hussein[9]. Le 5 mars, l’ambassade des États-Unis signale dans un câble à Washington que Fedecámaras, le syndicat CTV et l’Église catholique sont parvenus à un accord sur les « fondements d’une action démocratique », que le câble décrit comme « dix principes guidant un gouvernement de transition[10]. » Un employé de l’ambassade, commente le câble en notant que « […] cet accord… pourrait bien être le cadre de référence et le code de conduite d’un gouvernement de transition[11]. »
Le 7 avril 2002, Hugo Chávez annonce à la télévision le licenciement des cadres dirigeants de PDVSA. S’ensuit une intensification des manifestations de l’opposition. Le 9 avril, le syndicat CTV (Confédération des travailleurs du Venezuela) et Fedecámaras (syndicat patronal) déclenchent une grève générale de 24 heures pour soutenir les dirigeants de PDVSA.
Déroulements
Préparations
Le soir du 11 avril, un des auteurs du coup déclare à la télévision qu’« il y a neuf mois un mouvement a commencé à s’organiser plus fermement, un mouvement sérieux qui heureusement a porté ses fruits aujourd’hui »[12]. Un groupe de militaires soutenant le coup, dont le général Enrique Medina Gomez, l’attaché militaire de l’ambassade du Venezuela à Washington qui s’était rendu à Caracas au début de la journée, déclarent au général Jorge Garcia Carneiro, alors à la base de Fuerte Tiuna (es), que le coup avait été planifié pendant des mois. Ils lui disent également qu’un plan pour provoquer quelques décès avec des snipers – comme une manière de limiter le nombre de morts dans l’éventualité d’un coup – était envisagé depuis des années. Le général Lucas Rincón Romero (es), qui s’était rendu à Fuerte Tiuna à ce moment-là, témoignera plus tard à l’Assemblée nationale avoir entendu des choses similaires, et que le vice-amiral Héctor Ramírez lui avait avoué être impliqué dans la préparation depuis six mois[13]. Le correspondant de CNN au Venezuela, Otto Neustald, enregistre un message d’un groupe d’officiers supérieurs conduits par le vice-amiral Héctor Ramírez, qui sera diffusé plus tard dans la journée. Le message, enregistré au moins deux heures avant l’annonce du premier mort, accuse Chávez de massacrer des innocents en utilisant des snipers, faisant allusion à au moins six morts et des douzaines de blessés[14],[15].
Le 10 avril, le brigadier général Nestor Gonzalez (es) apparaît à la télévision et exige la démission de Chávez en lui adressant un ultimatum. L’objet de la déclaration était d’inciter Chávez à annuler son déplacement au Costa Rica car les plans d’opération du coup nécessitaient sa présence au Venezuela. Le message est enregistré au domicile du journaliste José Ovidio Rodriguez (Napoleon Bravo), de l’émission 24 Horas, ce qu’il reconnaît lui-même lors de l’émission du 12 avril, dans une discussion avec le contre-amiral Molina Tamayo[16]. À la même émission participe Victor Manuel Garcia (président de l’institut de sondage CECA), qui évoque sa direction d’un poste de commandement civil depuis la base de Fuerte Tiuna, qui était, d’après lui, en communication constante avec les postes de commandement militaires des généraux Nestor Gonzalez Gonzalez et Efrain Vazquez Velasco. Garcia déclare avoir eu une coordination détaillée avec le contre-amiral Molina Tamayo pendant la manifestation de l’opposition[17]. Le 10 avril également, un brouillon de ce qui deviendra l’acte constitutif du gouvernement de Carmona est montré à l’intellectuel Jorge Olavarría (es) pour qu’il y apporte ses commentaires. Olavarría avertit que cet acte violerait les normes démocratiques et provoquerait une réaction internationale[13].
Coup d’État
Cinq minutes après l’intervention de Chávez, Lameda et le contre-amiral Molina Tamayo apparaissent sur Venevisión, où beaucoup des chefs de l’opposition s’étaient rassemblés, rendent Chávez responsable des violences et appellent les forces armées à intervenir[15]. Une heure plus tard, Carmona et, entre autres, l’ex-ministre de Chávez Luis Miquilena (es), font des déclarations similaires et le message des officiers supérieurs enregistré dans la matinée par Otto Neustald est diffusé[15]. À environ 19 h 30, Venevisión commence à diffuser sa version des événements, montrant les tireurs du pont Llaguno, juxtaposés avec des images de manifestants morts ou blessés, accusant les pro-Chávez de tirer sur des manifestants désarmés et de préparer une embuscade[32] (cette version est largement reprise par les médias internationaux les jours suivants). Peu après, le commandant de l’armée de terre, le général Efrain Vasquez Velasco, accompagné d’autres hauts gradés, déclare que Chávez a perdu leur soutien[33].
Chávez tente de diffuser la version des faits du gouvernement, mais se heurte à une forte opposition. La télévision vénézuélienne refuse d’interroger des membres du gouvernement, et celui-ci doit se contenter d’émissions depuis le palais de Miraflores via la chaîne publique Canal 8 Venezolana de Televisión (VTV). À environ 22 h, ce signal est aussi perdu lorsque la police de l’État de Miranda occupe les installations de VTV, les employés lançant la diffusion d’un vieux documentaire sur la vie animale avant de quitter les lieux[33]. Peu avant l’occupation par la police, le gouverneur de l’État de Miranda Enrique Mendoza déclare que « cette chaîne de […] doit arrêter[34]. » À 22 h 20, le général Alberto Camacho Kairuz, de la Garde nationale, déclare à la télévision que Chávez a « abandonné » ses fonctions. Chávez se trouve pourtant à Miraflores, en communication avec des ambassadeurs de plusieurs pays pour les tenir informés des évènements et demander leur aide en tant que médiateurs[35]. Autour de minuit Fidel Castro appelle et l’incite à ne pas partir et à suivre l’exemple de Salvador Allende dans le coup d’État de 1973 (qui est mort dans le palais présidentiel, bombardé par l’aviation et une unité de blindés). José Vicente Rangel déclarera plus tard que Castro avait insisté sur le fait qu’il n’y ait pas de suicide. « C’était le facteur déterminant. Son conseil nous a permis de mieux voir[35]. »
Détention de Chávez
Dans les premières heures du 12 avril, les auteurs du coup demandent la démission de Chávez. Chávez déclare qu’il va y réfléchir pour éviter un bain de sang s’il y avait des troubles impliquant la foule à l’extérieur du palais[36]. Cependant, il pose quatre conditions, dont celle de démissionner devant l’Assemblée nationale, avec une passation de pouvoirs vers le vice-président avant la convocation de nouvelles élections ; et de s’adresser à la nation en direct à la télévision[37],[36]. À 3 h, avec la menace d’un bombardement du palais de Miraflores par l’aviation, Chávez dit au général Lucas Rincón Romero qu’il est prêt à démissionner. Dans les vingt minutes Rincón Romero annonce à la télévision que « [à Chávez] lui a été demandée sa démission, ce qu’il a accepté (sic) »[38]. Quelques minutes plus tard Chávez est informé que ses conditions sont irrecevables et il répond qu’il se rend en tant que « président prisonnier »[38].
Manifestations pro-Chávez et échec du coup
Le 13 avril, dans la matinée, des manifestations de soutien à Chávez s’organisent dans plusieurs secteurs de Caracas. Contrastées avec les manifestations de l’opposition, les manifestations pro-Chávez sont majoritairement composées d’habitants des quartiers populaires de la périphérie de Caracas[50]. Ils bloquent les autoroutes qui vont vers l’est et vers la Guaira (où se trouvent le principal port du pays et l’aéroport de Caracas). Les émissions de certaines chaînes privées vénézuéliennes ne comportent alors que des dessins animés et des films.
Couverture médiatique
D’importants groupes médiatiques vénézuéliens comme El Universal, El Nacional, El Nuevo País, Globovisión, Televen, CMT et RCTV ont soutenu le coup[58]. En même temps, le point de vue de l’opposition anti-Chávez a été relayé dans les dépêches de nombreuses agences de presse et média internationaux[59],[60]. La une du 11 avril du quotidien El Nacional titrait « La bataille finale sera à Miraflores »[61]. Pendant le mois de mars, RCTV a donné une couverture médiatique extensive des manifestations anti-Chávez, tout en évitant de couvrir les manifestations pro-Chávez[62]. Le 11 avril, la manifestation anti-Chávez, le message « Chávez dehors » et l’appel à diriger la manifestation vers le palais présidentiel à Miraflores ont été « largement diffusés, promus et couverts par les chaînes de télévision privées, dont le soutien explicite à l’opposition est devenu évident. » Un flot continu d’annonces à la télé, diffusées gratuitement, appelait les Vénézuéliens à participer à la manifestation[63]. Andrés Izarra, alors directeur de production de l’émission El observador de RCTV, déclarera plus tard à l’Assemblée nationale qu’il a reçu des instructions précises du propriétaire Marcel Granier pour que le 11 avril et les jours suivants, il ne diffuse « aucune information sur Chávez, ses partisans, ses ministres et aucune autre qui pourrait avoir un quelconque rapport avec lui. »[64] Les auteurs du coup, en incluant Carmona, se sont réunis au siège de Venevisión[58]. Après la détention de Chávez, des protestations pro-Chávez, incluant des émeutes soldées par 19 morts, ont éclaté à divers endroits de Caracas[62]. RCTV les ignora et envoya ses équipes dans des secteurs calmes de la ville pour « émissions de tranquillité en direct »[62].
Suites judiciaires
Les manifestants filmés en train de tirer depuis le pont Llaguno étaient considérés comme étant quatre militants pro-Chávez : Rafael Cabrices, Richard Peñalver, Henry Atencio et Nicolas Rivera. Ils ont été arrêtés par la police et sont restés en prison pendant un an, en attendant leur procès, mais les chefs d’accusation ont été abandonnées avant qu’il ne commence. Rafael Cabrices est mort d’un infarctus trois ans plus tard, en août 2005[66]. En réalité une vidéo a prouvé que ceci était un coup monté par la CIA montrant ainsi sous un autre angle de vue que les tireurs tiraient dans le vide car sous le pont il n’y avait plus personne.[réf. nécessaire]
• Puente Llaguno : Claves de una masacre [archive] (Pont Llaguno : les clés d’un massacre) reprend la chronologie et la localisation des évènements (lien en espagnol).
• Maurice Lemoine, « Hugo Chávez sauvé par le peuple [archive] », Le Monde diplomatique, mai 2002.
• [vidéo]Coup d’État contre Chávez [archive] sur YouTube.
Le Venezuela et les merveilles de l’égalité
Source URL : http://questionscritiques.free.fr/edito/Venezuela_Hugo_Chavez_socialisme_bolivarien_egalite_211012.htm
UK Progressive, le 22 octobre 2012
Par Robert Hunziker
article original : "Venezuela and the Wonders of Equality"
Hugo Chavez, Fidel Castro et le bolivien Evo Morales
Le président du Venezuela, Hugo Chávez, est l’un des présidents le plus diabolisé dans le monde. Pourtant, il est aussi le président latino-américain qui a le mieux réussi à faire émerger une part toujours plus grande de son pays. Figurez-vous !
Il y a un peu plus d’une semaine, Chávez a remporté son troisième mandat. NBC News : « Le vénézuélien Hugo Chávez remporte un troisième mandat et fait le serment de renforcer la révolution socialiste ». La participation électorale a été de 80% et Chávez a remporté 5[5]% des voix, contre 45% pour son opposant Henrique Capriles Radonski, qui gouverne l’Etat [de Miranda].
Selon la presse occidentale, le Venezuela est contrôlé de façon autocratique, la bureaucratie y est bouffie et le pays est rongé par les crimes violents. Mais Chávez est le premier dirigeant dont le peuple ressent vraiment qu’il se préoccupe au mieux de leurs intérêts. Voilà pourquoi ils sont sortis en masse pour soutenir sa réélection.
S’exprimant du balcon du Palais présidentiel néoclassique Miraflores, à Caracas, Chávez, brandissant l’épée de Simón Bolívar, a promis : « Le Venezuela poursuivra dans la voie du socialisme démocratique et bolivarien du XXIe siècle ». Le socialisme bolivarien tire son nom de Simón Bolívar, un chef militaire vénézuélien du XIXe siècle qui a triomphé du colonialisme de la monarchie espagnole. Le socialisme bolivarien du XIXe siècle se fonde sur les principes suivants : la démocratie et l’indépendance pour l’Amérique Latine, l’affranchissement des esclaves et la libération des peuples autochtones, la réforme foncière et l’éducation pour tous.
Que cela ait été publié ou non, c’est un quasi-fait que la presse occidentale pense que Chávez a frauduleusement truqué l’élection en sa faveur, mais un rédacteur américain de The Economist, Dan Rosenheck, entre en désaccord avec cette ligne de pensée. Selon lui, « Ce système aurait été plutôt difficile à manipuler. Il y avait une foule d’observateurs [...] L’opposition avait des gens dans tous les bureaux de vote [...] ». Rosenheck dit qu’il y a eu un très gros effort de l’opposition pour garantir une élection honnête, et il aurait été quasi-impossible de truquer le décompte réel de ce scrutin populaire. Aussi, le fait même que Chávez ait gagné de dix points a été décisif en lui-même.
Selon les observations de l’ancien président des Etats-Unis, Jimmy Carter, sur ces élections, « Je pense que les élections au Venezuela - bien que certaines personnes en aient critiqué les résultats qui disent que Hugo Chávez a gagné - il n’y a aucun doute dans notre esprit, ayant surveillé de très près le processus électoral, qu’il a gagné honnêtement. En fait, sur les 92 élections que nous avons surveillées, je dirais que le processus électoral au Venezuela est le meilleur au monde. Ils ont un système de vote vraiment merveilleux, où vous entrez [dans le bureau de vote], touchez un écran et votez comme vous voulez, et, instantanément, le résultat de cet écran tactile est enregistré et transmis par voie électronique au centre du comptage électoral. »
Chávez, qui a prouvé par le passé qu’il tient ses promesses électorales, a suivi les principes exposés au XIXe siècle par Simón Bolívar. Gabriel Furshong (responsable de « Justice pour la Colombie », basé à Londres) a visité les Missions vénézuéliennes de la classe ouvrière, c’est-à-dire les noyaux sociaux de développement autour des quartiers, dans des zones où le gouvernement a établi d’ambitieux programmes sociaux centrés sur l’éducation, la formation professionnelle, la nutrition et la santé. Selon Furshong, « Ces exemples visibles de progrès, dans un pays rempli de contradictions, sont des plus impressionnants ». Il s’est rendu dans une usine de chaussures et une usine textile, toutes deux des coopératives qui fonctionnent avec une efficacité remarquable. Il a passé du temps dans un projet agricole biologique qui est utilisé dans des buts à la fois pratiques et éducatifs, ainsi que dans une clinique libre pourvue en personnel par des médecins cubains, qui procurent des soins médicaux gratuits à des milliers de personnes, « dont beaucoup n’avaient jamais vu de médecin auparavant », dixit le Pr Wilfredo Roche, le directeur de ce projet.
Selon Arturo Contreras, un militant qui travaille avec les Cercles Bolivariens, « Le fossé entre les riches et les pauvres s’est résorbé ; nous sommes désormais le pays le plus égalitaire d’Amérique Latine » ; en outre, si l’on se fonde sur les rapports de la Banque Mondiale et de l’ONU, la pauvreté et l’inégalité ont baissé radicalement durant le régime de Chávez. Contreras soutient que « Chávez a montré aux gens que les riches bénéficiaient de tous les avantages aux dépens des pauvres ».
Selon la presse occidentale, Chávez et ceux de son genre, comme le Président bolivien Evo Morales, sont des socialistes chimériques qui ne voient que le rouge (qui se trouve être la couleur préférée de Chávez) et qui exploitent la réussite passée des classes supérieures. Newsweek (dont la publication semble être sous l’influence des révélations étasuniennes anti-Chávez) a été particulièrement efficace pour lancer des piques à Chávez. Par exemple, Newsweek a récemment (en octobre 2012) lancé une rumeur selon laquelle Chávez avait simulé son cancer pour gagner la sympathie des électeurs. Par contre, le Center for Economic and Policy Research [centre de recherche économique et politique], à Washington, soutient que Newsweek ne fait que des reportages négatifs sur le Venezuela : « Newsweek n’a jamais rapporté que le gouvernement vénézuélien avait divisé la pauvreté par deux, réduisant l’extrême pauvreté de 70%, ou même que le Venezuela a connu une forte croissance économique après que son gouvernement eut pris le contrôle du secteur pétrolier ».
Les économistes occidentaux prédisent continuellement la mort de l’économie du Venezuela, mais : « Les prédictions d’effondrement économique, sur les balances des paiements ou les crises de la dette, et autres pronostics sinistres, sans parler des nombreuses prévisions économiques, se sont régulièrement avérés faux ». Le redressement économique du Venezuela : est-il durable ? En septembre 2012, pour Mark Weisbrot et Jake Johnston, du centre de recherche économique et politique : « Nous considérons que la croissance économique actuelle du Venezuela est durable et qu’elle peut se poursuivre au rythme actuel, voire à un rythme encore plus soutenu, pendant de nombreuses années ».
Selon Global Finance et le World Factbook de la CIA, la photo de l’économie du Venezuela ressemble à ceci : Taux de chômage = 8% ; dette du gouvernement (dette publique/PIB) = 45,5% (par contre, la dette publique de l’Union Européenne est de 82,5%) ; l’inflation de base est de 21,7% ; en 2011, la croissance réelle du Venezuela a été de 4,2% et elle est montée à 5,6% pour le premier semestre 2012 ; le PIB par tête d’habitant est de 13.070 dollars. La situation fiscale et d’endettement favorable du Venezuela, avec un taux d’endettement très largement en dessous de celui des Etats-Unis et du Royaume-Uni, est meilleure que celle des pays européens, mais la notation S&P (Standard & Poor’s) du Venezuela pour ses obligations d’Etat est BB-, une note spéculative. Cela pourrait être le résultat du choix qu’a fait le Venezuela du socialisme et de son système socio-économique, de même que le penchant de Chávez pour la nationalisation des ressources naturelles. Par ailleurs, le taux d’inflation du pays est un problème qui doit être maîtrisé, sinon Chávez finira par perdre le soutien de sa base électorale. A cet égard, le taux d’inflation au Venezuela a baissé au cours du dernier trimestre pour atteindre un plus bas de quatre ans, à 13,7%.
Si l’on se fonde sur le fait que les bourses reflètent, et anticipent également, la performance économique, le Venezuela semble en forme, sous réserve que les actions vénézuéliennes ne soient pas poussées à la hausse par les pressions inflationnistes plus que par les revenus « réels ». Selon le Wall Street Journal, la bourse de Caracas est de loin celle qui a les meilleurs résultats au monde, atteignant un plus haut absolu en octobre 2012, et les obligations vénézuéliennes sont parmi les plus performantes des marchés émergents. Selon le site internet Emerging Markets : « En contraste aigu avec l’Europe, les taux d’endettement dans toute l’Amérique Latine sont faibles et en baisse, réduisant ainsi les besoins financiers des emprunteurs ». Le capitalisme vénézuélien prospère au milieu d’un gouvernement socialiste, et selon Russell Dallen, de Caracas Capital Markets, « Le Venezuela est la patrie de quelques sociétés vraiment superbes, même si celles-si se trouvent être dans un mauvais environnement ».
La représentation que fait la presse nord-américaine du Venezuela est celle d’un de ces vieux scénarios, façon Far West, d’échange de coups de feux dans les rues de Caracas, mais cette caractérisation est hypocrite. Les Etats-Unis ont 5% de la population mondiale et 25% de la population incarcérée dans le monde (Source : MSNBC). Selon Nationmaster, une source de données qui réunit l’information institutionnelle en provenance de diverses sources comme le CIA World Factbook, l’ONU et l’OCDE, le Venezuela est classé de façon significative derrière les Etats-Unis dans pratiquement toutes les catégories des principaux crimes. Par exemple, sur la base d’une classification mondiale : (1) les Etats-Unis sont numéro un pour la plupart des poursuites judiciaires, alors que le Venezuela est classé 23ème ; (2) en nombre de détenus, les Etats-Unis sont numéro 1 et le Venezuela 22ème ; (3) pour l’ensemble des crimes, les Etats-Unis sont numéro 1 et le Venezuela est 30ème ; (4) en nombre de détenus par tête d’habitant, les Etats-Unis sont numéro 1 et le Venezuela est 107ème ; (5) en matière de fraudes, les Etats-Unis sont numéro 2 et le Venezuela est 23ème. Toutefois, le taux d’homicides au Venezuela est 10 fois plus élevé qu’aux Etats-Unis, 48 contre 4,8 pour 100.000 habitants en 2010, et celui-ci continue d’augmenter. L’une des promesses de campagne de Chávez est de le réduire.
Selon Seumas Milne, rédacteur associé au Guardian, la victoire de Chávez est ressentie ainsi dans le monde : La victoire de Chávez sera ressentie bien au-delà de l’Amérique Latine (9 octobre 2012), « La transformation de l’Amérique Latine est l’un des changements les plus concluants pour refaçonner l’ordre mondial. La marée de changement progressiste qui a balayé la région au cours de la dernière décennie a vu l’arrivée au pouvoir d’une kyrielle de gouvernements socialistes et socio-démocrates élus qui ont redistribué la richesse et le pouvoir, rejeté l’orthodoxie néolibérale occidentale et défier la domination impériale. Dans ce processus, ils ont commencé à construire la première Amérique du Sud véritablement indépendante depuis 500 ans et ont démontré au reste du monde qu’il y a, après tout, des alternatives économiques et sociales au XXIe siècle ».
Hugo Chávez, en conduisant le changement radical, a été central dans le processus d’innovation sociale dans toute l’Amérique Latine. Si Henrique Capriles, le challenger oligarque de Chávez, avait remporté l’élection, la révolution de l’Amérique Latine aurait connu un sérieux revers, programmes de privatisations et coupes sombres dans les programmes sociaux, similaires aux objectifs du Parti Républicain aux Etats-Unis qui est infesté par la droite. Selon Seumas Milne, « A Caracas, même les diplomates occidentaux chevronnés ont les yeux qui sortent des orbites face à l’absurdité de la propagande anti-Chávez dans les médias occidentaux ». Il est diabolisé parce qu’il est anti-néolibéral et opposé aux tendances capitalistes de remettre entre les mains de quelques aristocrates les richesses naturelles, comme le pétrole ou le bois de construction. Sa théorie est que ces richesses appartiennent au peuple de son pays, non aux riches individus ou aux grandes entreprises internationales. En détournant du contrôle de quelques privilégiés les revenus des ressources naturelles directement vers le gouvernement, Chávez a a) considérablement réduit la pauvreté, b) étendu massivement les soins de santé gratuits et l’éducation, c) poussé considérablement le salaire minimum et les pensions, d) tout en réduisant par deux le taux de chômage et e) en donnant aux communautés déshéritées le contrôle direct sur les programmes sociaux. En même temps, et en contraste flagrant, les démocraties occidentales vont dans la direction opposée !
Si l’on se base sur la supposition politique que les résultats électoraux correspondent aux promesses de campagne, il est clair que Chávez remporterait les élections présidentielles dans plusieurs pays capitalistes et démocratiques occidentaux où les mêmes programmes qu’il soutient sont soumis à des coupes et à des mesures d’austérité, voire qui n’existent tout simplement pas. Chose intéressante, Chávez a mené sa première tentative de renversement du gouvernement du Président Carlos Andres Perez, en 1992, au beau milieu d’une colère croissante contre des mesures économiques d’austérité similaires à celles qui hantent l’Europe aujourd’hui, mais il a finalement remporté le scrutin présidentiel en 1998.
La plupart des pronostiqueurs occidentaux ont eu tout faux sur l’élection vénézuélienne, en prétendant que l’aile progressiste était épuisée et assurée de perdre. Cependant, les gouvernements de gauche et de centre-gauche continuent d’être réélus, de l’Equateur au Brésil et à l’Argentine, parce qu’ils réduisent la pauvreté et l’inégalité en prenant le contrôle des ressources naturelles au bénéfice du peuple. L’Amérique Latine est en train de vivre le rêve, vieux de 200 ans, de Simón Bolívar.
Chávez a prouvé qu’il était le dirigeant de la gauche radicale le mieux élu de l’histoire, à un moment où le modèle socio-économique du capitalisme est en faillite, notamment dans plusieurs pays européens, tandis que le Venezuela et ses alliés latino-américains, qui s’enorgueillissent d’avoir des finances saines, ont institué des programmes sociaux innovants, des expériences de démocratie directe, et prouvé qu’il est possible d’être à la fois véritablement progressiste et démocratiquement populaire.
Robert Hunziker, ancien directeur de fonds spéculatif, est un négociateur indépendant sur le marché physique des matières premières. Il écrit pour des publications progressistes et des revues d’entreprises. Il a publié plusieurs articles dans CounterPunch, The Firebrand Magazine et Engineering & Mining Journal.
Traduction : [JFG-QuestionsCritiques]
A propos de Marco Rubio et des alliances avec la Russie et la Chine
Source URL : http://www.les-crises.fr/le-venezuela-en-question-a-propos-de-marco-rubio-et-des-alliances-avec-la-russie-et-la-chine/
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Source : Venezuela infos, Thierry Deronne, 02-08-2017
Aux côtés de Donald Trump et du vice-président Pence, le sénateur d’extrême droite Marco Rubio (droite) et Lilian Tintori – ex-speakerine d’une télévision privée au Venezuela, épouse de Leopoldo Lopez, leader de l’extrême droite vénézuélienne, co-organisateur du coup d’État manqué contre le président Chavez en avril 2002, condamné pour l’organisation de violences meurtrières qui ont causé la mort de 43 personnes en 2014, et aussitôt transformé par les médias internationaux en « prisonnier politique ». Membre de l’oligarchie vénézuélienne, formé dans une institution étroitement liée à la CIA – la Kennedy School of Government de Harvard, il a pour mentor principal l’ex-président colombien Alvaro Uribe. Pour une galerie non-complaisante de photos de ce « combattant de la liberté » et de ses amis paramilitaires, voir « Venezuela : la presse française lâchée par sa source ? », http://wp.me/p2ahp2-20J
Rien de ce qui se passe dans la géopolitique mondiale n’est étranger au Venezuela. La lutte pour des territoires, des influences et des ressources entre puissances pétrolières, d’état ou privées, maintient notre pays sur le devant de la scène dans cet hémisphère, avec les États-Unis à l’offensive de par leur appui à l’opposition vénézuélienne dans leur désir de renverser le chavisme.
Exxon-Mobil derrière les plans de coup d’État
Ces trois derniers mois de violence se sont inscrits dans le cadre d’une lutte des grandes corporations énergétiques privées pour s’emparer du pétrole et des ressources naturelles sur le territoire vénézuélien. Parmi elles, Exxon-Mobil s’impose comme celle qui a le plus investi pour « le changement de régime » dans le pays.
Deux des hommes politiques les plus belliqueux à l’adresse du Venezuela au sein du Sénat étatsunien sont Marco Rubio et Ed Royce, tous les deux financés par Exxon, tout comme le président Donald Trump qui bénéficie de l’appui financier et politique de la compagnie pétrolière. Les sénateurs, de leur côté, ont fait des sanctions un point clé de leur agenda législatif ; ils fournissent également un appui politique et un aval diplomatique à l’agenda du coup d’état qu’opère l’opposition vénézuélienne avec laquelle ils se sont réunis en diverses occasions.
Exxon-Mobil, de la même façon, a exercé des manœuvres de pression pour que soit approuvée une loi au Sénat (des personnalités politiques telles que Marco Rubio, Ileana Ros et Bob Menéndez servant d’opérateurs) qui met en avant le rôle du Département d’État américain dans le financement de groupes d’opposition vénézuéliens (sous le couvert d’ ONG de la « société civile ») pour quelques 5 millions 500 mille dollars et autres fonds additionnels, dans l’objectif de générer de la violence au Venezuela. Tout en appuyant, dans le même temps, « les organisations régionales engagées dans le développement des réformes au Venezuela, en particulier l’Organisation des États Américains (OEA) », et en étendant les appuis de l’Initiative de Sécurité Énergétique dans la Caraïbe afin d’avoir une incidence négative sur les alliances politiques et pétrolières du Venezuela avec les pays caribéens.
L’actuel secrétaire d’État, chef de la politique extérieure des Etats-Unis, est l’ex-directeur exécutif de Exxon-Mobil, Rex Tillerson. Les intérêts de la compagnie et l’attitude ouvertement favorable à un coup d’état au Venezuela de la part de la diplomatie « gringa » prennent un accent plus « va-t-en guerre » avec Tillerson à la tête.
Les menaces de Marco Rubio
Les États-Unis ont tenté d’établir un siège international contre le Venezuela depuis différentes zones pour atteindre l’objectif final, enlever le chavisme du pouvoir. Contribuer à un encerclement politique et diplomatique à travers l’OEA, sous la tutelle du pouvoir états-unien et avec Luis Almagro à sa tête, a été décisif, autant que l’annonce et l’application de sanctions économiques et financières de la part du Sénat et du Département du Trésor.
Cependant l’encerclement international n’a pu se concrétiser. Les alliances que maintient le Venezuela avec la Caraïbe et d’autres pays hors de l’hémisphère mais aussi importants que la Russie et la Chine, sont parvenues, pour le moment, à atténuer les conséquences du siège multifactoriel.
Pour cela il serait prévu d’attaquer directement le cœur économique du Venezuela : l’industrie du pétrole, représentée par la compagnie d’état PDVSA. Le 4 juin l’agence britannique Reuters laissa filtrer que la Maison Blanche étudiait la possibilité d’un embargo ou d’une interdiction sur l’importation de pétrole vénézuélien depuis les Etats-Unis, ce qui renforcerait le siège imposé pour faire pression sur le Gouvernement Bolivarien et, surtout, sur la population vénézuélienne dans l’actuel contexte de blocages de rues et d’intervention.
Au cours de la matinée du 11 juillet le sénateur Marco Rubio (Exxon) a confirmé la possibilité de voir les Etats-Unis appliquer de nouvelles et « sévères sanctions » à l’encontre du Venezuela si les demandes états-uniennes ne sont pas parfaitement tenues.
L’éventualité que les « sévères sanctions » puissent s’appliquer contre l’industrie vénézuélienne du pétrole est plausible avec Rubio comme porte-parole sur ces mesures.
Manoeuvres « gringas » contre le Venezuela
En mars de cette année le chef du Commando Sur, Kurt Tidd, a déclaré devant leSénat des Etats-Unis que la Russie, la Chine et l’Iran « voient l’espace économique, politique et de sécurité latino-américain comme une opportunité pour atteindre des objectifs de longue haleine et pour promouvoir leurs intérêts, lesquels ne peuvent être compatibles avec les nôtres ni avec ceux de nos associés ». Les Etats-Unis voient en ces pays une menace pour leurs intérêts en Amérique Latine, par conséquent leur objectif de sanctions contre Pdvsa pourrait être une tentative d’intimider et d’effrayer des entreprises (surtout russes et chinoises) afin qu’elles n’investissent pas au Venezuela, dans le but de renforcer le blocus financier contre le pays.
C’est ainsi que huit magistrats, le président du Tribunal Suprême de Justice inclus, ont également été sanctionnés par les Etats-Unis en vertu des clauses 155 y 156, alors supprimées. La 156, entre autres attributions, déléguait au pouvoir exécutif la mise en place d’entreprises mixtes compte tenu de l’état de manque de respect de l’Assemblée Nationale, chargée, à l’origine, de ce type de responsabilités.
La compagnie nationale du pétrole (PDVSA) dans le collimateur
En réponse à ces mesures prises par les Etats-Unis, Pdvsa a annoncé le 9 juin l’installation du Secrétariat de la Commission Mixte de Haut Niveau entre la Chine et le Venezuela, où « ont été signés divers accords pour la création d’une société mixte chargée de consolider la mise en fonctionnement de la raffinerie Nanhai, située dans la zone sud du pays asiatique ».
Et la note de presse continue ainsi : « L’accord passé entre Petróleos de Venezuela, S.A. (PDVSA) et la Corporation Nationale du Pétrole de Chine (CNPC) envisage le début des opérations de cette raffinerie pour la fin 2020, avec une capacité de traitement de près de 400 mille barils de pétrole par jour, principalement du brut vénézuélien Merey 16. En supplément, elle traitera 120 mille barils de brut léger en provenance d’Iran, de pays arabes et de nations voisines de la Chine ».
Par ailleurs, le 30 juin PVSA a annoncé que la compagnie d’état inaugurait la base opérationnelle de Perforosven, une nouvelle entreprise mixte entre la Russie et le Venezuela, située sur la commune de San José de Guanipa de l’état de Anzoátegui, dans le bloc Ayacucho de la Faja Petrolífera (la bande pétrolifère) de l’Orénoque Hugo Chávez.
Le président de Pdvsa, Eulogio del Pino, a déclaré « cette alliance stratégique incorpore 108 nouveaux emplois, avec un capital investi de 16 millions de dollars répartis sur 4 forages qui produiront à court et moyen terme 800 mille barils de brut, ceci dans le cadre de Motor Hidrocarburos ». Ainsi Rosneft, la principale compagnie pétrolière russe, atteint les 6 accords nationaux avec le Venezuela, trois d’entre eux situés dans la Faja.
Une telle manœuvre, qui élargit à d’autres niveaux la coopération énergétique et partant, politique, entre la Russie et le Venezuela, est, entre autres choses, une réponse à la stratégie de blocus et de coup d’état développée par Exxon-Mobil contre le Venezuela. Les russes, qui constituent le plus grand exportateur de pétrole du monde et le troisième en réserves, ont manifesté le rejet de tout type d’ « ingérence destructive » dans les affaires internes du pays.
Géopolitique en mouvement
La politique de nationalisation de la Faja Petrolífera del Orinoco del presidente Hugo Chávez (la Ceinture Pétrolifière de l’Orénoque du président Hugo Chavez) a eu comme conséquence l’incapacité pour Exxon-Mobil de remplir les conditions pour demeurer dans la zone et de là, sa sortie du pays. Le tableau suivant illustre la répartition des entreprises mixtes, à l’exception du dernier et troisième projet entamé entre Rosneff et Pdvsa.
Bassin pétrolier de l’Orénoque « Hugo Chávez »
L’arrêt de ses opérations au Venezuela (2007) lui a causé, selon le dénommé « coût occasionnel », une perte en extraction de près 200 mille barils par jour, c’est-à-dire que pour un prix moyen de 100 dollars le baril, l’on peut calculer que la compagnie pétrolière états-unienne n’a plus touché, sur 10 ans, la somme de plus de 73 mille millions de dollars en revenus nets.
En raison de ses pertes économiques, du manque de réserves, de la diminution de son influence dans la zone avec le Venezuela à sa tête, avec en plus la cooperation énergétique et politique que protège le pays avec la Russie et la Chine, voilà ce qui fait que Exxon-Mobil canalise sa violence et l’engage dans un coup d’état à travers le financement et l’extorsion politique.
La guerre au Venezuela, par conséquent, ne peut s’expliquer par le seul affrontement de forces locales mais par le combat géopolitique qui a pour nœud du conflit les ressources énergétiques. Les menaces de Marco Rubio et les pouvoirs réels qui sont derrière sa personne sont le signe de la pression qu’ils sont prêts à exercer pour empêcher que les alliances avec la Russie et la Chine ne s’étendent.
Source : http://misionverdad.com/la-guerra-en-venezuela/venezuela-en-disputa-cinco-notas-petroleras
Traduction : Michele ELICHIRIGOITY
Source : Venezuela infos, Thierry Deronne, 02-08-2017
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La droite vénézuélienne : cartographie d’une défaite (Hasta el Nocau) — Marco TERUGGI
Source URL : https://www.legrandsoir.info/la-droite-venezuelienne-cartographie-d-une-defaite-hasta-el-nocau.html
Marco TERUGGI
Photo : Manifestation des partis de droite à Caracas en dehors des plans serrés des télévisions internationales.
A cette heure, la droite vénézuélienne devrait, selon ses calculs, se trouver dans un tout autre rapport de forces : elle devrait soit être installée au palais présidentiel de Miraflores, soit en pleine installation d’un gouvernement parallèle accompagné de manifestations de masse et d’une violence civile, voire militaire, accrues. En initiant les violences qui ont fait 130 morts elle avait fait le pari du tout ou rien, du maintenant ou jamais ! Et la voici qui se retrouve à se déchirer sur la voie à suivre pour essayer de survivre et de renaître dans les urnes après ces 100 jours de déchaînement. Ce massacre, étrangement imputé au président Maduro par les médias (1) aurait donc pu être évité : il lui suffisait de rester dans le champ démocratique et dans le calendrier électoral.
Qu’est-il arrivé à cette droite ? Ce qui lui arrive d’habitude : une erreur d’analyse. Surestimation de ses propres forces, sous-estimation des chavistes, mauvaise lecture de l’état d’esprit de la population, mauvais calculs des données du champ de bataille à investir… Et dans les batailles si les responsabilités sont collectives, certaines sont plus importantes que d’autres : en particulier celles des généraux – comme nous l’explique si bien Marc Bloch dans son livre « L’étrange défaite ». Car cette défaite, certes tactique dans un contexte de déséquilibre à long terme, est une défaite certaine. Ce qui implique changements, comptes à rendre, débandades et repositionnements.
Interrogeons-nous sur les erreurs d’appréciation qui ont conduit à l’échec d’une prise de pouvoir par la violence. Il y a une combinaison de plusieurs éléments. D’abord la sociologie des dirigeants. La direction du mouvement reste aux mains d’une oligarchie de classe moyenne-haute (15 % de la population) avec un imaginaire spécifique : une vraie « bulle politique ». Il serait faux de dire qu’elle n’a pas gagné d’espace dans les milieux populaires mais cela reste très marginal. A ce premier constat s’en ajoute un deuxième, qui est déterminant pour comprendre l’échec de la stratégie : une partie des dirigeants, qu’ils soient vénézuéliens ou américains, vivent à l’étranger, et en particulier aux États-Unis.
Leurs analyses, résultant de cette distance sociologique et géographique, se sont trouvées confortées par l’effet d’auto-suggestion de leur point fort : les réseaux sociaux. Ils ont considéré que la dynamique qui s’y développait exprimait vraiment l’état d’esprit de la majorité de la population. Ils ont cru dur comme fer que leurs investissements millionnaires sur les comptes Facebook, Instagram, Twitter auraient des résultats palpables, et que la radicalité qui s’y exprimait était bien celle de la majorité de la population.
Ils en ont donc conclu que le gouvernement était à deux doigts de tomber, qu’il était dans les cordes, que son assise populaire était des plus réduites, que les masses populaires mécontentes suivraient leurs consignes de faire tomber le « régime », et qu’enfin ils avaient la dynamique suffisante pour se déployer en force transversale à la société. Accessoirement, tout cela n’allait pas être sans incidence sur des factions minoritaires du chavisme qui, au vu de ce qu’ils percevaient comme une ascension irrésistible des masses, optèrent pour retourner leur veste. Exemple, la procureure générale de la Nation, qui s’est affichée très vite dans des meetings de la droite, ou quelques cadres intermédiaires du chavisme ; certains de ces revirements de dernière minute ne se sont pas produits tant en raison de l’apparente force de l’opposition que par calcul politicien, voire pour anticiper des enquêtes sur la corruption et pouvoir jouer internationalement aux victimes de la « dictature ». Mais le plus important dans ce plan insurrectionnel était de faire basculer les Forces Armées Nationales Bolivariennes dans le camp du coup d’État : hélas pour la droite, Pinochet n’est toujours pas arrivé au Venezuela !
Le plan prévoyait un dénouement au bout de cent jours de violences, avec des moments forts tels que l’élection du président de la « transition » via des primaires de la droite ; ainsi l’avait proclamé Ramos Allup (ce même dirigeant « social-démocrate » d’opposition qui une fois échoué le plan violent s’est rallié à l’idée d’une participation aux élections municipales, régionales et présidentielles de 2018 !). Au milieu de tout ça , l’élection de l’Assemblée Nationale Constituante du 30 juillet dernier, a représenté un succès incontestable où plus de 8 millions d’électeurs se sont exprimés contre la violence et en faveur de la solution démocratique proposée par le chavisme. Malgré le refus de la droite de reconnaître les résultats, l’impact fut indéniable, comme en témoignent les repositionnements et changements de tactique qui s’ensuivirent.
Au bout du compte, les résultats du plan de bataille ne furent pas ceux qui étaient prévus : le chavisme n’est pas du tout KO et la leçon qu’il a donnée est historique. Les secteurs populaires ont observé de loin les tentatives des dirigeants de l’opposition et sont restés éloignés de la violence de cette droite qui, malgré ses troupes de choc, ses secteurs paramilitaires et sa base sociale élargie, est restée impuissante à inverser le cours des choses. Prendre le pouvoir par la force était de fait impossible avec de telles données. L’un après l’autre, les principaux dirigeants de la MUD se sont trouvés contraints d’accepter le cadre initialement prévu par les institutions : la participation aux élections régionales, municipales et présidentielles, élections encadrées par un Conseil National Électoral que ces mêmes dirigeants n’avaient cessé de fustiger comme illégal, illégitime et frauduleux ! Même le plus extrémiste des leaders de la droite, Freddy Guevara, du parti Voluntad Popular (Volonté Populaire) a admis que « l’issue était électorale »…
Certes, certains d’entre eux résistent et ne se sont pas prononcés : tout cela en raison de disputes internes, d’inhabilitation électorale -c’est le cas de Maria Corina Machado- , de l’expression de la frustration d’une base frustrée (à qui on avait promis un dénouement imminent et qui, après ces 100 jours, doit maintenant avaler la couleuvre d’une « issue électorale »). Au bout de ces mois intenses, la droite a opéré une recomposition en trois tendances qui malgré des positions différentes -par conviction ou pragmatisme- ont des contours assez flous :
1 – La première tendance regroupe les partis historiques de droite, tels qu’Accion Democratica, présidé par Ramos Allup ; celui-ci a accompagné la montée de la violence mais en pariant davantage sur une usure rapide du gouvernement que sur une issue brutale, pour capitaliser le mécontentement en nombre de votes et s’assurer de futures victoires électorales.
2 – La deuxième tendance est dirigée par des partis comme Voluntad Popular (Volonté Populaire) ou Primero Justicia (Justice d’abord) – dont les dirigeants sont inéligibles pour cause d’appel à l’insurrection contre des institutions légitimes – qui ont travaillé à l’issue par la force, en constituant, finançant et entraînant des troupes de choc, et qui se sont ouvertement liés au réseau paramilitaire de l’ex-président colombien Alvaro Uribe.
3 – La troisième tendance s’est autoproclamée « Resistencia » et s’est développée sous diverses appellations selon les régions du pays. Son discours repose sur un refus de la trahison de ces dirigeants de la droite qui ont accepté d’aller devant les électeurs, sur la nécessité d’une intensification de la confrontation de rue et sur la revendication d’actions violentes – comme par exemple les attaques qui ont eu lieu contre les votants des élections constituantes. Cette tendance se manifeste essentiellement via les réseaux sociaux et nombre de ses membres semblent basés à Miami. Il est encore difficile d’évaluer s’il s’agit d’un processus spontané, ou si « Resistencia » a été créée pour prendre le relais de la deuxième tendance dans des actions planifiées. Combien sont-ils et qui les dirige ? D’après des sources en provenance de Miami, il s’agit de groupes indépendants sans direction centralisée reconnue.
Après cette analyse, on comprend mieux ce qui s’est passé dimanche dernier au fort militaire de Paramacay. Il ne s’agirait plus, comme les attaques menées antérieurement contre des casernes, d’une stratégie d’escalade visant à mettre le pouvoir sur la défensive. Il s’agirait plutôt d’opérations cherchant un fort impact médiatique et international (« il y a une guerre civile au Venezuela, il faut intervenir »), parallèlement à la préparation clandestine de groupes plus radicaux. La paternité de cette opération est à rechercher du côté de la « Resistencia » évoquée plus haut, liée en sous-main aux partis de la deuxième tendance et au sénateur américain d’origine cubaine Marco Rubio. Il est probable que d’autres actions de ce genre, voire plus agressives, soient perpétrées. Il y a des manifestations de désespoir, et cela peut engendrer plus de violence et de radicalisation.
Pour compléter le panorama, il faut évoquer les deux autres angles d’attaque de la droite : l’économie et l’international. Pour l’économie, on a vu comment après le 30 juillet une augmentation vertigineuse du dollar parallèle a pu déstabiliser la monnaie nationale. L’objectif visé était d’entraîner une augmentation des prix, de déborder la patience de la population, rendre impossible la vie quotidienne et l’éloigner ainsi définitivement du gouvernement. En ce qui concerne l’International, l’offensive est clairement dirigée depuis les États-Unis, avec l’appui principal de la Colombie et de gouvernements inféodés de la région.
La conclusion ? La droite est retombée dans des vieux travers qui ont pourtant montré jusqu’ici leur inefficacité : pousser la population à bout pour récolter le mécontentement dans les urnes ; et en appeler ouvertement à l’intervention états-unienne. Une preuve de faiblesse plutôt que de force.
La victoire du 30 juillet a été tactique pour le chavisme. Cette nouvelle situation se produit dans un équilibre très fragile. Elle a eu des effets sur une droite qui s’embourbe à nouveau dans ses analyses erronées des forces en présence et des enjeux pour la bataille qu’elle veut mener. Le chavisme doit pousser son avantage en prenant des mesures urgentes. La principale, avec la justice, relève de l’économie, ce « concentré de politique ». C’est pour l’heure le défi essentiel du processus bolivarien.
Marco Teruggi
https://hastaelnocau.wordpress.com/2017/08/09/mapa-de-la-derrota-de-la-derecha/
Traduction : Jean-Claude Soubiès
» » https://venezuelainfos.wordpress.com/2017/08/10/la-droite-venezuelienn...
Note :
(1) Pour une liste des victimes de l’insurrection de la droite, avec secteurs sociaux, responsables et personnes condamnées, voir https://venezuelanalysis.com/analysis/13081 ; Sur les assassinats racistes de la droite : Sous les Tropiques, les apprentis de l’Etat Islamique ; et Le Venezuela est attaqué parce que pour lui aussi « la vie des Noirs compte » (Truth Out). Sur l’arrestation de membres de forces de l’ordre qui ont désobéi aux ordres en faisant un usage excessif de la force ou ont tué des manifestants, voir Droits de l’Homme au Venezuela : deux poids, deux mesures
[Venezuela] 5 mythes sur la crise (et ce qui se passe réellement), par la BBC
Source URL : http://www.les-crises.fr/venezuela-5-mythes-sur-la-crise-et-ce-qui-se-passe-reellement-par-la-bbc/
Shar
Source : Daniel Pardo, BBC, le 21 juillet 2017.
La garde nationale surveille une vente d’oeufs à Caracas
Lors des trois dernières années, la crise au Venezuela est allée de mal en pis.
Ce sont les trois années durant lesquelles j’ai été correspondant. Pendant cette période, j’ai essayé de sortir du pays régulièrement ; pour prendre l’air, certes, mais aussi pour voir la réalité d’un autre point de vue.
À chaque fois que je quitte le pays, ma famille et mes collègues me posent des questions, pour savoir si tout est vraiment aussi grave, aussi catastrophique que ce que rapportent les médias.
À cause de la polarisation et de la politisation, beaucoup de ces questions reposent sur des impressions exagérées de la situation d’un pays qui a été riche et qui maintenant est pauvre, et personne n’a l’air de comprendre comment cela est arrivé, entre autres mystères.
Lors de ces conversations, j’ai identifié cinq mythes qui paraissent être enkystés dans l’opinion de nombreuses personnes sur le Venezuela.
1. « ll y a la famine au Venezuela »
La faim est présente dans certaines zones du Venezuela, mais cela ne concerne pas la majeure partie de la population.
Dans l’enquête Encovi en 2015, 90% des Vénézuéliens ont répondu qu’ils mangent moins et que la nourriture est de moins bonne qualité.
En 2016, la crise alimentaire s’est aggravée. On voit plus de queues et on rapporte qu’il y a davantage de malnutrition et de personnes qui mangent deux fois par jour, voire moins.
Mais est-ce vraiment la famine ?
Mais il ne s’agit pas de la famine telle que définie par le programme alimentaire mondial des Nations Unies : il faut qu’au moins 20% des foyers subissent une pénurie grave, qu’il y ait plus de 30% de mal nourris et que 2 personnes sur 10 000 meurent chaque jour.
Voyons.
Selon Datanalisis, le sondeur le plus souvent cité sur ce sujet, la pénurie dans les ménages est de 43%, mais cela concerne des produits de base tels que le riz, la farine ou le lait.
Et quel que soit leur prix, les Vénézuéliens ont des fruits et légumes disponibles à tous les coins de rue.
Selon Bengoa Foundation, spécialiste dans ce domaine, la malnutrition se situe entre 20 et 25 %.
Mais deux décès par jour pour 10 000 habitants ne semblent pas réalistes à l’heure actuelle.
Les chiffres les plus alarmants sur la malnutrition ont été donnés par l’opposition en juin : 28 décès par jour.
Mais selon l’ONU, une famine au Venezuela, peuplé de 30 millions d’habitants, impliquerait 6 000 décès par jour dus à la malnutrition.
Les experts vénézuéliens s’accordent sur le fait que ce qui se passe ici n’est pas comparable à l’Éthiopie des années 80 ou à la Corée du Nord des années 90.
Mais plus d’un m’a dit : « Mais attention, nous sommes au bord de la famine ».
2. « Le Venezuela est comme Cuba »
En général, trois éléments permettent de soutenir que « le Venezuela se ’’cubanise’’ » comme certains le disent : les files d’attente pour acheter des produits rationnés, la dualité de l’économie et la militarisation du gouvernement (où les services de renseignement et le gouvernement cubains exercent une certaine influence).
Mais la comparaison s’arrête là.
Maduro a essayé de maintenir la relation privilégiée avec Cuba qui a débuté sous le gouvernement Chavez
Le Venezuela est un pays capitaliste où le secteur privé a une certaine activité en dépit des restrictions et expropriations de l’État, qui exerce un contrôle croissant sur l’économie. A Cuba, le secteur privé est minime.
Ici, l’Internet est le plus lent de la région, mais nous avons presque tous une connexion avec accès à Facebook, Netflix et les médias internationaux critiques du gouvernement. Ce qui n’est pas le cas à Cuba.
McDonald’s – qui n’existe pas à Cuba – a du mal à importer des pommes de terre frites, mais quantité de gens y mangent des glaces le dimanche.
Chez Zara ou chez Bershka, il n’y a pas de vêtements ou alors il sont hors de prix. Mais les enseignes sont bien là, dans un immense centre commercial. Rien de tel à Cuba, même en version plus petite.
Les voitures dernier modèle ne se vendent plus qu’en dollars, mais il y a des gens qui les achètent. Et on les voit dans les rues. À Cuba, seulement dans les films hollywoodiens.
Ici on trouve des banques espagnoles et américaines, des succursales des plus grandes multinationales au monde et des médias indépendants du monde entier. Pas à Cuba.
De plus, le Venezuela est un pays pétrolier avec d’énormes réserves de pétrole brut et ce n’est pas une île, deux éléments déterminant sa condition qui, pour aussi tragique qu’elle devienne, va générer des situations qui ne peuvent se produire à Cuba : pensez, par exemple, à la contrebande frontalière.
3. « Le Venezuela est une dictature »
On peut encore se procurer des biens de luxe au Venezuela
C’est un débat qui a déjà quelques années : le Venezuela est-il une « dictature moderne » ou bien un « régime hybride » ?
Mais ici et ailleurs, peu d’experts évoquent une dictature traditionnelle.
Premièrement, disent-ils, parce que, ici, il y a une opposition, même si elle est privée des aides de l’État, emprisonnée ou empêchée d’exercer ses droits politiques.
Et il y a des élections, même si l’Assemblée nationale, élue par la voie des urnes, est délestée de son pouvoir quand elle est contrôlée par l’opposition.
Deuxièmement, la presse indépendante au Venezuela a du mal à importer du papier à imprimer, elle est rachetée par des sociétés anonymes proches du gouvernement, et nombre de ses journalistes sont mis en examen, voire emprisonnés. Mais il y a une presse d’opposition.
Certains Vénézuéliens disent que les indices de démocratie sont « la façade du régime » vénézuélien. [sont là pour masquer la réalité du régime, NdT]
Sans aucun doute : s’il y a peu d’experts qui parlent de dictature, seule une minorité reconnaît une réelle démocratie.
4. « Tout le monde hait Maduro »
A l’étranger, certains entendent les déclarations de Maduro et se demandent : « pourquoi ne le renversent-ils pas ? Qui veut de ce type ? »
Selon diverses enquêtes, Maduro est soutenu par 20 à 30% de la population.
J’ai parlé avec des Vénézuéliens qui se disent chavistes, qui disent soutenir Maduro dans ces sondages, mais lorsque je cesse l’enregistrement, la parole se libère et coule alors un flot d’insultes contre le Président.
Ce sont des personnes dont la gratitude pour les avancées sociales obtenues par le passé les empêchent de critiquer ouvertement le gouvernement.
Ou bien des personnes qui ont peur de perdre leur maison, leur pension ou les bons alimentaires qu’elles perçoivent.
Alors que le soutien à Maduro au Venezuela se situe entre 20 et 30%, celui du défunt Hugo Chavez est de 60 %
Il y a aussi des milliers de Vénézuéliens qui sont « pistonnés », comme on dit ici en référence au réseau de corruption qui tire des bénéfices du gouvernement.
Dans tous les cas, 30% de soutien, c’est plus que ce qu’enregistrent aujourd’hui les présidents du Brésil, du Chili ou de Colombie.
Certains disent que le chavisme est en phase terminale, mais Chavez continue d’être crédité de 60% d’opinions favorables. La crise a beau être aiguë, il est difficile d’envisager la fin du chavisme.
5. « On ne peut pas sortir dans la rue »
La délinquance rampante et la peur qu’elle génère font que certains préfèrent voir un film chez eux que sortir dans un bar le soir.
Mais il y a encore beaucoup de personnes, non seulement à Caracas mais dans tout le pays, qui sortent en discothèque, dans les bars et les restaurants.
Paradoxalement, là où il y a le plus d’homicides, dans les quartiers populaires, la nuit est aussi active que dans n’importe quelle ville, mais dans les quartiers des classes supérieures, les rues restent assez désertes après 9 heures du soir.
Au Venezuela, il faut faire profil bas, ne pas parler au téléphone ou sortir un appareil photo dans la rue. Plus votre voiture est vieille et vos vêtements élimés, mieux c’est.
Avoir une escorte ou une voiture blindée peut être, parfois, contre-productif.
Malgré cela, pendant la journée, les centres-villes et les villages sont aussi animés, folkloriques et amusants que dans n’importe quel autre endroit d’Amérique latine.
Les rues vénézuéliennes sont marron, sombres, vertes, jaunes, rouges, bleues. Ici, au moins pendant la journée, il y a de la vie.
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
Nous vous proposons cet article afin d’élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie nullement que nous "soutenons" le Président Maduro. Par principe, nous ne "soutenons" aucun gouvernement nulle part sur la planète. Nous sommes au contraire vigilants, tout gouvernement devant, pour nous, justifier en permanence qu’il ne franchit aucune ligne jaune. Mais nous sommes évidemment également attachés à lutter contre le deux poids 2 mesures, et à présenter tous les faits. Au final, notre vision est que le peuple vénézuelien puisse choisir librement et démocratiquement son avenir, sans ingérences extérieures, et nous condamnons toutes les atteintes aux Droits de l’Homme des deux camps...
Commentaires recommandés
Toff de AixLe 21 août 2017 à 07h49
Nous en sommes au point où la narrative officielle sur la “dictature venezuelienne” se heurte au mur de la réalité.
Maduro est un dictateur, mais l’opposition peut s’exprimer, les médias indépendants existent toujours et les policiers (contrairement à chez nous, le “pays des droits de l’homme” qui éborgne ses jeunes en train de manifester, quand il ne les tue pas) ont interdiction d’utiliser une arme létale ou même, un simple flashball… Face à des “combattants de la liberté” qui utilisent cocktails molotovs, pistolets, fusils, et qui n’ hésitent pas à brûler vifs des passants pris au hasard…
Il y a la famine au Venezuela, mais il y meurt moins de gens de faim et de froid que dans notre “beau pays des droits de l’homme”..
On ne peut pas sortir dans la rue le soir au Venezuela sans risquer la mort, je vous invite à aller tenter le coup dans certaines cités par chez nous, de nuit…ou pas en fait, même en plein jour.
Maduro est un dictateur, qui fait élire une constituante avec un système électoral non truqué, internationalement reconnu comme valide par la CEO, et qui respecte les voix de son peuple :chez nous, il reste le traité de Lisbonne pour faire contrepoids…Sans parler du “petit 41%”, score riquiqui qui a voté pour cette constituante : c’est vrai que question représentativité, notre beau président de France se pose là, avec ses 23,5% de votants qui l’ont porté au pouvoir…
Comment continuer en croire cette presse occidentale qui dépeint tout en noir ou blanc, lorsqu’elle se contredit à ce point ?
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Pour la faim, petit rappel aux USA il y a chaque jour en moyenne 46 millions de personnes devant faire la queue, souvent dès 6 heures du matin devant la Soupe Populaire ( Source BusinesBourse ) et un américain sur 7 déclare se coucher en ayant encore faim ( source Joseph Stiglitz dans ” Triomphe de la cupidité ) “performances” que l’on évite soigneusement d’évoquer dans nos médias
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Venezuela : l’indulgence de la presse française pour la violence d’extrême-droite — LVSL
Source URL : https://www.legrandsoir.info/venezuela-l-indulgence-de-la-presse-francaise-pour-la-violence-d-extreme-droite.html
LVSL
Au Mexique, la prétendue guerre totale contre les cartels de drogue lancée en 2006 par le président Felipe Calderón et poursuivie par son successeur Enrique Peña Nieto aurait déjà fait entre 70 000 et 100 000 morts et disparus et le bilan macabre continue de s’alourdir. Cependant, la situation au Mexique ne fait pas les gros titres de la presse française ; c’est un autre pays latino-américain traversant une profonde crise économique, sociale et politique, qui retient l’attention des médias de masse : le Venezuela.
Quel est le ressort de cet effet médiatique de miroir grossissant sur les convulsions vénézuéliennes et d’invisibilisation des autres pays latino-américains ? C’est qu’au-delà du parti pris atlantiste de la classe dominante française, le Venezuela est également instrumentalisé à des fins de politique intérieure. Autrement dit, avec le Venezuela, le camp néolibéral fait d’une pierre, deux coups : relayer l’agenda géopolitique de Washington qui n’exclut pas une intervention militaire et donner des uppercuts à la gauche de transformation sociale (FI et PCF), quitte à banaliser l’aile la plus radicale de la droite vénézuélienne qui est aujourd’hui en position de force au sein de la MUD, la large et composite coalition d’opposition au chavisme. Il ne s’agit pas de prétendre ici que les forces de l’ordre vénézuéliennes ne seraient responsables de rien, qu’Hugo Chávez Frías et son successeur seraient irréprochables et n’auraient commis aucune erreur, notamment en matière de diversification économique ou de lutte contre l’inflation ou bien encore que le « chavisme » ne compterait pas, dans ses rangs, des éléments corrompus ou radicaux. Il s’agit de mettre en lumière que le parti pris médiatique majoritaire en faveur de l’opposition vénézuélienne, y compris de l’extrême-droite, répond à la volonté de marteler, ici comme là-bas, qu’il n’y a pas d’alternative au modèle néolibéral et à ses avatars, pour reprendre la formule consacrée et popularisée en son temps par Margaret Thatcher, fidèle soutien de l’ancien dictateur chilien, Augusto Pinochet
Le Venezuela bolivarien, une pierre dans la chaussure des Etats-Unis d’Amérique
Hugo Chávez brandit un livre de Noam Chomsky à la tribune du siège des Nations-Unies en 2006
Depuis l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chávez , devenu rapidement une figure mondiale de la lutte antiimpérialiste, les relations entre le Venezuela, qui dispose des premières réserves de pétrole brut au monde et les Etats-Unis d’Amérique, première puissance et plus grand consommateur de pétrole mondial, se sont notoirement détériorées. Il y a, d’ailleurs, une certaine continuité dans la politique agressive des Etats-Unis envers le Venezuela bolivarien entre les administrations Bush, Obama et Trump. En avril 2002, le gouvernement Bush reconnait de facto le gouvernement Caldera, issu d’un putsch militaire contre Hugo Chávez puis finit par se rétracter lorsque le coup d’état est mis en échec par un soulèvement populaire et une partie de l’armée restée fidèle au président démocratiquement élu. Du reste, le rôle des Etats-Unis d’Amérique dans ce coup d’état ne s’est pas limité à une simple reconnaissance du gouvernement putschiste. Dès lors, les relations ne cesseront plus de se détériorer entre les deux pays. En 2015, Barack Obama prend un décret qualifiant ni plus, ni moins, le Venezuela de « menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des Etats-Unis ». Qui peut sérieusement croire que les troupes bolivariennes s’apprêtent à envahir le pays disposant du premier budget militaire au monde ? Ce décret ahurissant sera prolongé et est toujours en vigueur aujourd’hui. En décembre 2016, Donald Trump, nomme Rex Tillerson au poste de secrétaire d’état, un homme qui a eu de lourds contentieux avec le gouvernement vénézuélien lorsqu’il était PDG de la compagnie pétrolière Exxon Mobil. La nouvelle administration annonce rapidement la couleur en multipliant les déclarations hostiles à l’égard de Caracas et en prenant, en février 2017, des sanctions financières contre le vice-président vénézuélien Tarik El Aissami, accusé de trafic de drogue. Bien entendu, aucune preuve ne sera apportée quant au présumé trafic de drogue et les sanctions consistent en un gel de ses avoirs éventuels aux Etats-Unis sans que l’on sache s’il a effectivement des avoirs aux Etats-Unis, l’idée étant avant tout de décrédibiliser le dirigeant vénézuélien aux yeux de l’opinion publique vénézuélienne et internationale. Tout change pour que rien ne change. Les médias français se sont contentés de relayer la propagande américaine sans la questionner.
La droite réactionnaire vénézuélienne jugée respectable dans la presse française
Fait inquiétant : la frange la plus extrême et « golpiste » de la droite vénézuélienne semble avoir les faveurs de l’administration Trump. La veille de l’élection de l’assemblée nationale constituante, le vice-président Mike Pence a téléphoné à Leopoldo López, figure de cette frange radicale, pour le féliciter pour « son courage et sa défense de la démocratie vénézuélienne ». Lilian Tintori, l’épouse de López, accompagnée de Marco Rubio, un sénateur républicain partisan de la ligne dure et de l’ingérence contre Cuba et le Venezuela, avait été reçue à la Maison Blanche par Donald Trump, quelques mois plus tôt. Qui se ressemble, s’assemble. Pourtant, après avoir largement pris parti pour la campagne d’Hillary Clinton au profil bien plus rassurant que Donald Trump, la presse française dominante, y compris celle qui se réclame de la « gauche » sociale-démocrate (Libération, L’Obs), ne semble guère s’émouvoir, aujourd’hui, de cette internationale de la droite réactionnaire entre les Etats-Unis d’Amérique et le Venezuela. Nous avons pourtant connu notre presse dominante plus engagée contre l’extrême-droite comme, par exemple, lorsqu’il s’agissait de faire campagne pour Emmanuel Macron au nom du vote utile contre Marine Le Pen.
Leopoldo López brandissant le tricolore vénézuélien
Il faut dire que la presse dominante a mis beaucoup d’eau dans son vin en ce qui concerne ses critiques à l’encontre de Trump depuis qu’il est à la tête de l’Etat nord-américain, comme on a pu notamment le constater lors de sa visite officielle le 14 juillet dernier. De plus, notre presse entretient de longue date un flou bien plus artistique que journalistique sur la véritable nature politique d’une partie de l’opposition vénézuélienne voire sur l’opposition tout court. Ainsi dans un article du Monde, on peut lire que la « Table de l’Unité Démocratique » (MUD) est une « coalition d’opposants qui va de l’extrême-gauche à la droite ». S’il existe bien une extrême-gauche et un « chavisme critique » au Venezuela comme Marea Socialista ou le journal Aporrea, ce courant politique n’a jamais fait partie de la MUD qui est une coalition qui va d’Acción Democratica, le parti social-démocrate historique converti au néolibéralisme dans les décennies 80-90 à la droite extrême de Vente Venezuela de Maria Corina Machado et de Voluntad Popular de Leopoldo López. En février 2014, L’Obs publie un portrait dithyrambique de Leopoldo López. Sous la plume de la journaliste Sarah Diffalah, on peut lire que « sur la forme, comme sur le fond, Leopoldo López est plutôt brillant », que c’est un « homme de terrain », « combattif », qu’il a une « hauteur intellectuelle certaine », qu’il « peut se targuer d’une solide connaissance dans le domaine économique », que « la résistance à l’oppression et la lutte pour l’égalité, il y est tombé dedans tout petit », qu’il est un « époux modèle », qu’il a une « belle allure » et qu’il est devenu « le héros de toute une frange de la population ». On y apprend également que Leopoldo López est « de centre-gauche » ! Henrique Capriles, un autre leader de l’opposition, serait ainsi « plus à droite que lui ». Pourtant, dans le dernier portrait que L’Obs consacre à Leopoldo López, on lit bien qu’il « présente l’aile la plus radicale de la coalition d’opposition » ! Leopoldo López n’a pourtant pas évolué idéologiquement depuis 2014… et L’Obs non plus. Cherchez l’erreur.
Le magazine américain Foreign Policy, peu suspect de sympathie pour le chavisme, a publié, en 2015, un article sur la fabrication médiatique du personnage de Leopoldo López intitulé « The making of Leopoldo López » qui dresse un portrait de l’homme bien moins élogieux que celui de L’Obs. L’article répertorie notamment tous les éléments qui prouvent que Leopoldo López, à l’époque maire de la localité huppée de Chacao (Caracas), a joué un rôle dans le coup d’état d’avril 2002 quand bien même, par la suite, la campagne médiatique lancée par ses troupes a prétendu le contraire. L’article rappelle également qu’il est issu de l’une des familles les plus élitaires du Venezuela. Adolescent, il a confié au journal étudiant de la Hun School de Princeton qu’il appartient « au 1% de gens privilégiés ». Sa mère est une des dirigeantes du Groupe Cisnero, un conglomérat médiatique international et son père, homme d’affaires et restaurateur, siège au comité de rédaction de El Nacional, quotidien vénézuélien de référence d’opposition. Ce n’est pas franchement ce qu’on appelle un homme du peuple. Après ses études aux Etats-Unis – au Kenyon College puis à la Kennedy School of Government de l’université d’Harvard -, il rentre au Venezuela où il travaille pour la compagnie pétrolière nationale PDVSA. Une enquête conclura plus tard que López et sa mère, qui travaillait également au sein de PDVSA, ont détourné des fonds de l’entreprise pour financer le parti Primero Justicia au sein duquel il militait. L’Humanité rappelle ses liens anciens et privilégiés avec les cercles du pouvoir à Washington ; en 2002, il rencontre la famille Bush puis rend visite à l’International Republican Institute, qui fait partie de la NED (National Endowment for Democracy) qui a injecté des millions de dollars dans les groupes d’opposition tels que Primero Justicia.
A gauche, Leopoldo Lopez, flanqué de Maria Corina Machado (à sa droite) fait la promotion de la « salida » lors d’une conférence de presse. A droite, des « manifestants » prenant la fuite après avoir lancé des cocktails molotov.
En 2015, Leopoldo López est condamné par la justice vénézuélienne à 13 ans et neuf mois de prison pour commission de délits d’incendie volontaire, incitation au trouble à l’ordre public, atteintes à la propriété publique et association de malfaiteurs. Il est condamné par la justice de son pays pour son rôle d’instigateur de violences de rue en 2014, connues sous le nom de « guarimbas » (barricades), pendant la campagne de la « salida » (la sortie) qui visait à « sortir » Nicolás Maduro du pouvoir, élu démocratiquement un an auparavant. Ces violence se solderont par 43 morts au total dont la moitié a été causée par les actions des groupes de choc de l’opposition et dont 5 décès impliquent les forces de l’ordre, selon le site indépendant Venezuelanalysis. L’opposition, les Etats-Unis et ses plus proches alliés vont s’employer à dénoncer un procès politique et vont lancer une vaste campagne médiatique internationale pour demander la libération de celui qui est désormais, à leurs yeux, un prisonnier politique (#FreeLeopoldo). La presse française dominante embraye le pas et prend fait et cause pour Leopoldo López. Pour le Monde, il est tout bonnement le prisonnier politique numéro 1 au Venezuela.
L’université publique San Cristobal ravagée par les flammes en 2014 lors de la « salida »
Pourtant, à l’époque, la procureure générale Luisa Ortega Diaz, qui, depuis qu’elle critique le gouvernement Maduro, est devenue la nouvelle coqueluche des médias occidentaux et suscite désormais l’admiration de Paulo Paranagua du Monde qui loue son « indépendance », estimait que ces « manifestations » « [étaient] violentes, agressives et [mettaient] en danger la liberté de ceux qui n’y participent pas ». Paulo Paranagua parlait, quant à lui, de « manifestations d’étudiants et d’opposants [sous-entendues pacifiques, ndlr], durement réprimées » dans un portrait à la gloire de Maria Corina Machado, très proche alliée politique de Leopoldo López, présentée comme la « pasionaria de la contestation au Venezuela » comme l’indique le titre de l’article. Notons que si Luisa Ortega est aujourd’hui très critique du gouvernement Maduro, elle n’a, en revanche, pas changé d’avis sur la culpabilité de Leopoldo López et la nature des faits qui lui ont valu sa condamnation. Dans l’article de Sarah Diffalah de l’Obs, la stratégie insurrectionnelle de la « salida » est qualifiée de « franche confrontation au pouvoir » qui constitue néanmoins « une petite ombre au tableau » de López, non pas pour son caractère antidémocratique et violent mais parce qu’ elle a créé des remous au sein de la coalition d’opposition car, selon la journaliste, « certains goûtent moyennement à sa nouvelle médiatisation ». Et la journaliste de se demander s’il ne ferait pas « des jaloux ». Cette explication psychologisante s’explique peut-être par le fait que Leopoldo López avait déclaré à L’Obs, de passage à Paris, qu’il entendait trouver des « luttes non-violentes, à la façon de Martin Luther King » et que Sarah Diffalah a bu ses paroles au lieu de faire son travail de journaliste.
Des opposants armés et violents dans les quartiers riches de Caracas repeints volontiers en combattants de la liberté et de la démocratie
Orlando Figuera, 21 ans, poignardé puis brûlé vif par des opposants qui le suspectaient d’être chaviste en raison de la couleur de sa peau
Le chiffre incontestable de plus de 120 morts depuis le mois d’avril, date à laquelle l’opposition radicale a renoué avec la stratégie insurrectionnelle, est largement relayé dans la presse hexagonale sauf que l’on oublie souvent de préciser que « des candidats à la constituante et des militants chavistes ont été assassinés tandis que les forces de l’ordre ont enregistré nombre de morts et de blessés » comme le rappelle José Fort, ancien chef du service Monde de l’Humanité, sur son blog. Par exemple, la mort d’Orlando José Figuera, 21 ans, poignardé puis brûlé vif par des partisans de l’opposition qui le suspectaient d’être chaviste en raison de la couleur noire de sa peau, en marge d’une « manifestation » dans le quartier cossu d’Altamira (Caracas), n’a pas fait les gros titres en France. On dénombre plusieurs cas similaires dans le décompte des morts.
José Felix Pineda, un candidat chaviste à l’assemblée nationale constituante, tué par balle à son domicile, la veille du scrutin
Exemple typique de ce qui s’apparente à un mensonge par omission : dans un article de Libération, on peut lire que « ces nouvelles violences portent à plus de 120 morts le bilan de quatre mois de mobilisation pour réclamer le départ de Nicolás Maduro » sans qu’aucune précision ne soit apportée quant à la cause de ces morts. On lit tout de même plus loin qu’« entre samedi et dimanche, quatre personnes, dont deux adolescents et un militaire, sont mortes dans l’Etat de Tachira, trois hommes dans celui de Merida, un dans celui de Lara, un autre dans celui de Zulia et un dirigeant étudiant dans l’état de Sucre, selon un bilan officiel. » Le journaliste omet cependant de mentionner que parmi ces morts, il y a celle de José Félix Pineda, candidat chaviste à l’assemblée constituante, tué par balle à son domicile. La manipulation médiatique consiste en un raccourci qui insinue que toutes les morts seraient causées par un usage disproportionné et illégitime de la force par les gardes nationaux et les policiers, et qu’il y aurait donc, au Venezuela, une répression systématique, meurtrière et indistincte des manifestants anti-Maduro forcément pacifiques. L’information partielle devient partiale. L’article de Libération est en outre illustré par une photo de gardes nationaux, accompagnée de la légende « des policiers vénézuéliens affrontent des manifestants le 30 juillet 2017 ». Les images jouent en effet un rôle central dans la construction d’une matrice médiatique.
Les titres d’articles jouent également un rôle fondamental dans la propagation de la matrice médiatique « Maduro = dictateur vs manifestants = démocrates réprimés dans le sang ». Et Marianne de titrer sur « l’assemblée constituante, élue dans un bain de sang », faisant écho au titre d’une vidéo de 20 minutes « Venezuela : après l’élection dans le sang de l’Assemblée constituante, l’avenir du pays est incertain », au titre de l’article du Dauphiné « après le bain de sang, le dictateur Maduro jette ses opposants en prison », à celui de L’express « Maduro saigne le Venezuela » ou encore au titre d’un article du Monde « Au Venezuela, une assemblée constituante élue dans le sang », signé par Paulo Paranagua, le journaliste chargé du suivi de l’Amérique Latine du quotidien, particulièrement décrié pour sa couverture de l’actualité vénézuélienne. A cet égard, Thierry Deronne, un belge installé de longue date au Venezuela, a écrit et publié, cette année, sur son blog, un article décryptant le traitement pour le moins discutable du Venezuela par Le Monde et Maurice Lemoine, ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique, s’était fendu, en 2014, d’un courrier au médiateur du Monde à ce sujet.
Une guarimba et ses guarimberos. Pacifique ?
Au micro de la radio suisse RTS (07/07/2017), le même Maurice Lemoine s’insurge contre ces raccourcis médiatiques : « J’y suis allé pendant trois semaines [au Venezuela, ndlr]. Les manifestations de l’opposition sont extrêmement violentes, c’est-à-dire que vous avez une opposition qui défile de 10h du matin jusqu’à 1h de l’après-midi et, ensuite, elle est remplacée par des groupes de choc de l’extrême-droite avec des délinquants. […] Ils sont très équipés et c’est une violence qui n’a strictement rien à avoir avec les manifestations que nous avons ici en Europe. On vous dit « répression des manifestations au Venezuela, 90 morts ». C’est pas vrai ! C’est pas vrai ! […] En tant que journaliste, je m’insurge et je suis très en colère. Dans les 90 morts, vous avez 8 policiers et gardes nationaux qui ont été tués par balle. Vous avez, la semaine dernière, deux jeunes manifestants qui se sont fait péter avec des explosifs artisanaux. Vous avez des gens, des chavistes, qui essayent de passer une barricade et qui sont tués par balle, c’est-à-dire que la majorité des victimes ne sont pas des opposants tués par les forces de l’ordre et, y compris dans les cas – parce qu’il y en a eu – de grosses bavures et de manifestants qui sont victimes des forces de l’ordre, les gardes nationaux ou les policiers sont actuellement entre les mains de la justice. Il y a une présentation du phénomène qui, de mon point de vue de journaliste, est très manipulatrice. »
1er septembre 2016, la « toma de Caracas » de la MUD (en bas) contre la « marea roja por la paz » des chavistes (en haut)
En outre, la presse mainstream insiste lourdement sur la « polarisation politique », certes incontestable, au Venezuela pour mieux cacher une polarisation sociale à la base du conflit politique. Comme le souligne Christophe Ventura, chercheur à l’IRIS et spécialiste de l’Amérique Latine, dans une interview à L’Obs, « l’opposition peut se targuer d’avoir le soutien d’une partie de la population mais il ne s’agit sûrement pas du peuple « populaire ». Principalement, ce sont des classes moyennes, aisées, jusqu’à l’oligarchie locale tandis que le chavisme s’appuie sur des classes plus populaires, voire pauvres. En fait, le conflit politique qui se joue aujourd’hui cache une sorte de lutte des classes. L’opposition a donc un appui populaire en termes de population mais pas dans les classes populaires. » Les manifestations de l’opposition se concentrent, en effet, dans les localités cossues de l’est de la capitale (Chacao, Altamira) gouvernées par l’opposition tandis que les barrios populaires de l’ouest de la capitale restent calmes. La base sociale de l’opposition est un détail qui semble déranger la presse mainstream dans la construction du récit médiatique d’un peuple tout entier, d’un côté, dressé contre le « régime » de Nicolás Maduro et sa « bolibourgeoisie » qui le martyrise en retour, de l’autre côté. Ainsi, les manifestations pro-chavistes qui se déroulent d’ordinaire dans le centre de Caracas sont souvent invisibilisées dans les médias français. Le 1er septembre 2016, l’opposition avait appelé à une manifestation baptisée « la prise de Caracas » et les chavistes avaient organisé, le même jour, une contre-manifestation baptisée « marée rouge pour la paix ». Une journée de double-mobilisation donc. Le Monde titrera sur « la démonstration de force des opposants au président Maduro » en ne mentionnant qu’en toute fin d’article que les chavistes avaient organisé une manifestation le même jour qui « a réuni quelques milliers de personnes ». Ces quelques milliers de chavistes, n’auront pas le droit, eux, à une photo et une vidéo de leur manifestation… D’autant plus qu’ils étaient sans doute plus nombreux que ce que veut bien en dire le quotidien. Dans un article relatant une manifestation d’opposition de vénézuéliens installés à Madrid qui a eu lieu quelques jours plus tard, Le Monde mentionne la « prise de Caracas » du 1er septembre mais réussit le tour de force de ne pas mentionner une seule fois la « marée rouge » chaviste. En réalité, les deux camps politiques avaient réuni beaucoup de monde, chacun de leur côté, illustrant ainsi la polarisation politique et sociale du Venezuela.
A gauche, des guarimberos trop souvent présentés dans notre presse comme des manifestants non violents. A droite, des militaires blessés par une explosion, le jour de l’élection pour la constituante. Une vidéo de l’attaque relayée par le Times : https://www.youtube.com/watch?v=_aZeqpD4ggM
Les photos des manifestations de l’opposition et des heurts avec les forces de l’ordre sont largement diffusées et les événements sont traités comme un tout indistinct alors que ces mobilisations d’opposition se déroulent en deux temps, comme l’explique Maurice Lemoine et que les manifestants pacifiques de la matinée ne sont pas les mêmes « manifestants » qui, encagoulés, casqués et armés, s’en prennent aux forces de l’ordre dans l’après-midi. Cet amalgame rappelle le traitement médiatique des mobilisations sociales contre la Loi Travail sauf que, dans le cas français, les médias de masse avaient pris fait et cause pour le gouvernement et les forces de l’ordre et avaient stigmatisé le mouvement social, en amalgamant manifestants et casseurs qui passeraient, soit dit en passant, pour des enfants de chœur à côté des groupes de choc de l’opposition vénézuélienne. Ce parti pris médiatique majoritaire s’explique sans doute parce qu’au Venezuela, le gouvernement est antilibéral et l’opposition est néolibérale, conservatrice voire réactionnaire tandis qu’en France, c’est précisément l’inverse. Sous couvert de dénoncer la violence, la presse de la classe dominante défend, en réalité, à Paris comme à Caracas, les intérêts de la classe dominante.
Le Venezuela devient un sujet de politique intérieure en France
Un dessin du caricaturiste Plantu pour L’Express
Après avoir publié une interview de Christophe Ventura en contradiction avec sa ligne éditoriale, certes relayée sur sa page Facebook à une heure creuse et tardive (lundi 31/07/2017 à 21h41) et sans véritable accroche, L’Obs renoue avec la stratégie d’instrumentalisation du dossier vénézuélien pour faire le procès de la gauche antilibérale française en relayant sur Facebook le surlendemain, cette fois-ci à une heure de pointe (18h30 pétantes), un article intitulé « Venezuela : La France Insoumise peine à expliquer sa position sur Maduro », agrémenté de la photo choc d’une accolade entre Hugo Chávez et Jean-Luc Mélenchon. Le texte introductif précise qu’un tweet a refait surface. Un tweet qui date de… 2013. Plutôt que d’informer les lecteurs sur la situation au Venezuela, la priorité semble donc être de mettre l’accent sur des enjeux purement intérieurs. Une avalanche d’articles dénonçant les « ambiguïtés » de la France Insoumise s’abat sur la presse hexagonale. Le Lab d’Europe 1 se demande « comment la France Insoumise justifie les positions pro-Maduro de Mélenchon ». A France Info, on semble avoir la réponse : « désinformation », situation « compliquée » : comment des députés de La France Insoumise analysent la crise vénézuélienne »
L’hebdomadaire Marianne, quant à lui, parle des « positions équilibristes de la France Insoumise et du PCF ». LCI titre sur le « malaise de la France Insoumise au sujet de Maduro » puis publie une sorte de dossier sur « Jean-Luc Mélenchon et le régime chaviste : économie, Poutine, constituante, les points communs, les différences ». Une partie de la presse alternative et indépendante de gauche n’est pas en reste non plus, à l’instar de Mediapart qui se fait depuis plusieurs mois le relai médiatique en France du « chavisme critique », un courant politique qui participe depuis longtemps au débat d’idées au Venezuela et qui n’est pas dénué d’intérêt pour comprendre la réalité complexe du pays et de sa « révolution bolivarienne ». Ainsi, le journal d’Edwy Plenel, très modérément alternatif sur l’international et sur Mélenchon, en profite pour régler ses comptes avec la FI et le PCF en dénonçant leurs « pudeurs de gazelle pour le Venezuela ». Les députés insoumis sont sommés de s’expliquer à l’instar d’Eric Coquerel face aux journalistes d’Europe 1 qui ne lui ont posé presque que des questions sur le Venezuela alors qu’il ne s’agissait en aucun cas d’une émission spéciale sur le pays latino-américain. Ce déploiement médiatique ressemble furieusement à une injonction morale faite à la France Insoumise et à son chef de file dont on reproche avec insistance le silence sur le sujet, de condamner, bien entendu, ce « régime » honni et de souscrire au discours dominant. Les insoumis et les communistes français ne sont pas seuls au monde dans cette galère médiatique. Unidos Podemos, en Espagne, fait face au même procès médiatique depuis des années. Outre-Manche, c’est Jeremy Corbyn et ses camarades qui sont, en ce moment, sur la sellette
Florilège de tweets d’hier et d’aujourd’hui
Cette instrumentalisation franco-française du Venezuela ne date pas d’hier. On se souvient par exemple de la polémique lancée par Patrick Cohen, à 10 jours du 1er tour des élections présidentielles, sur l’ALBA, de la manchette du Figaro du 12 avril « Mélenchon : le délirant projet du Chavez français » et des nombreux parallèles à charge entre le Venezuela bolivarien et le projet politique du candidat qui ont émaillé la campagne. La rengaine a continué pendant les élections législatives avec un article du Point sobrement intitulé « Venezuela, l’enfer mélenchoniste », publié la veille du second tour. Aujourd’hui, le coup de projecteur médiatique sur l’élection de l’assemblée constituante vénézuélienne est, une fois encore, l’occasion d’instruire le procès des mouvements antilibéraux français : ainsi, pour Eric Le Boucher (Slate), le Venezuela est « la vitrine de l’échec du mélenchonisme. En réalité, la FI et le PCF, ont tort, aux yeux du parti médiatique, de ne pas adhérer au manichéisme ambiant sur une situation aussi grave et complexe et à sa décontextualisation géopolitique. Ils refusent également d’alimenter la diabolisation et le vieux procès en dictature que se traîne le chavisme depuis presque toujours alors qu’en 18 ans de « révolution bolivarienne », 25 scrutins reconnus comme transparents par les observateurs internationaux ont été organisés, que l’opposition contrôle d’importantes villes, des États et l’Assemblée Nationale et que les médias privés d’opposition sont majoritaires (El Universal, Tal Cual, Ultimas Noticias, El Nacional Venevision, Televen, Globovision, etc.). Que la gauche antilibérale puisse considérer le chavisme comme une source d’inspiration pour ses politiques de redistribution des richesses et non pas un modèle « exportable » en France, contrairement à ce que bon nombre de journalistes tentent d’insinuer (Nicolas Prissette à Eric Coquerel, sur un ton emporté, « franchement,est-ce que c’est ça, le modèle vénézuélien que vous défendez ? » sur Europe 1) semble être un délit d’opinion dans notre pays.
Puisque le Venezuela est en passe de devenir un véritable sujet de politique intérieure, rappelons aux éditorialistes de tout poil et autres tenants de l’ordre établi que, par leur atlantisme aveugle et leur libéralisme économique forcené, ils se persuadent qu’ils défendent la liberté et la démocratie au Venezuela alors qu’ils sont tout simplement en train d’apporter un soutien médiatique et politique international décisif à la stratégie violente de l’extrême-droite vénézuélienne et ce, quelles que soient les critiques légitimes que l’on puisse faire à l’exécutif vénézuélien et aux chavistes. Leur crédibilité risque d’être sérieusement entamée la prochaine fois qu’ils ressortiront l’épouvantail électoral du Front National pour faire voter « utile ».
LVSL