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Chine : Deng Xiaoping ou le capitalisme triomphant

Publie le dimanche 22 août 2004 par Open-Publishing

La Chine fête aujourd’hui le 100e anniversaire de la naissance de Deng Xiaoping, l’homme qui a réussi l’exploit de faire basculer le pays le plus peuplé au monde dans le capitalisme triomphant tout en sauvant le régime communiste au moment où il s’effondrait ailleurs.

En écoutant le Petit Timonier lancer son célèbre « Il est glorieux de s’enrichir ! », à peine le pays remis de la folie de la Révolution Culturelle et des délires maoïstes, peu de Chinois auraient parié que leur pays susciterait l’admiration, la convoitise d’une grande partie de la planète vingt ans plus tard.

« Sans Deng, la Chine aurait mis beaucoup plus de temps à explorer les voies de la réforme et de l’ouverture », affirme Li Hao, ancien secrétaire du Parti communiste chinois à Shenzhen (sud), la plus ancienne zone économique spéciale du pays, près de Hong Kong, et premier laboratoire de la politique de Deng.

Le massacre de
la place Tiananmen

Pour le sinologue français Jean-Pierre Cabestan, les principaux succès de feu le patriarche sont d’abord « l’enterrement du maoïsme, l’ouverture sur l’extérieur ainsi que le lancement des réformes économiques et la relance de ces réformes en 1992 ».

« Tout cela a contribué à combler le fossé qui isolait la Chine et l’éloignait du reste du monde, y compris du monde en développement, et surtout à sortir beaucoup de Chinois de la misère », estime le directeur de recherche au CNRS.

C’est un euphémisme de dire que la Chine de 2004 ne ressemble plus à celle que Deng avait commencé à transformer au début des années 80 en instaurant son « socialisme aux caractéristiques chinoises », idéologie qui a perduré après la disparition de Deng en 1997 à l’âge de 92 ans.

Le libéralisme économique vit avec le régime du parti unique, un concubinage connu chez les universitaires sous le nom de « Capitalisme léniniste ».
Deng, l’ancien combattant communiste et amateur de croissants chauds français, a sans doute sauvé le régime en 1989 en ordonnant les massacres de Tiananmen au nom de la stabilité économique et de la continuité politique.

« La vision de Deng était de faire de la Chine un grand pays en développement, puissant, prospère mais tenu par un régime autoritaire », souligne Jean-Pierre Cabestan. « Il faisait partie des dirigeants qui pensent qu’un bain de sang est une garantie de stabilité », ajoute le sinologue.

Quinze ans après la répression, cent ans après la naissance de Deng, le régime est toujours aussi opaque, impitoyable. La démocratie est invisible et la liberté d’expression bafouée. Socialement, le bilan est loin d’être positif.

Ouragan de propagande

« Le principal échec de la politique de Deng est probablement l’approfondissement rapide des inégalités et surtout la décadence, voire la faillite de l’Etat là où il est de plus en plus nécessaire : l’éducation élémentaire, la santé pour tous, les filets de sécurité sociale pour les plus démunis. L’essor sans précédent de la corruption fait aussi partie de ses échecs », dit le sinologue.

Voilà sans doute pourquoi Deng est surtout populaire aujourd’hui parmi les classes moyennes et les nouveaux riches.

Mais qu’ils soient nantis ou laissés-pour-compte, les Chinois ont droit, à l’approche du centenaire, à un ouragan de propagande : les photos de Deng en vareuse à col Mao balayent les unes des journaux, les films et les expositions inondent le pays.

http://www.dna.fr/monde/20040822_DNA001021.html