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Colombie - Quelques vérités sur Alvaro Uribe, par Nicolas Joxe.

Publie le lundi 11 février 2008 par Open-Publishing
3 commentaires

Colombie - Quelques vérités sur Alvaro Uribe, par Nicolas Joxe.

Uribe-Bush PHOTO des 2 copains

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Difficile de ne pas réagir à l’article de Jacques Thomet "La vérité sur les FARC sort enfin" (Le Monde, 9 janvier). Pour qui connaît un tant soit peu la situation colombienne, sa lecture ne peut que provoquer stupeur et colère. Dressant un portrait particulièrement élogieux d’un président colombien qui aurait tout tenté pour libérer les otages aux mains des FARC, l’auteur y lance des accusations contre la famille d’Ingrid Betancourt.

Selon cet ancien directeur de l’AFP en Colombie, le président Alvaro Uribe Velez aurait été victime d’une opération de "diabolisation" orchestrée par le gouvernement et les médias français. La famille d’Ingrid Betancourt est accusée d’avoir constamment "vilipendé" le président colombien tout en dédouanant la guérilla de sa responsabilité dans les enlèvements de civils. Qui peut croire que la famille d’Ingrid Betancourt n’a jamais condamné la cruauté et l’injustice des FARC ? Tout au long de ces années, les proches de l’ancienne sénatrice franco-colombienne ont toujours dénoncé cette pratique abjecte des enlèvements. Les FARC ont depuis longtemps perdu tout crédit politique en généralisant les kidnappings.

Personne ne conteste cette dérive criminelle de la guérilla, qui commence dans les années 1980 quand elle décide de se financer grâce à l’argent du trafic de drogue qui inonde le pays. Les FARC se coupent alors du reste de la société colombienne, leur projet révolutionnaire laisse place à une lutte purement militariste. Ce combat pour accroître leur emprise territoriale s’accompagne dès lors de violations massives des droits de l’homme. Aujourd’hui, personne ne défend sérieusement la vision d’une guérilla "romantique" en Colombie. L’épisode du petit Emmanuel est un exemple supplémentaire du cynisme dont est capable ce mouvement. Cette vérité sur les FARC n’a donc jamais été occultée, comme le prétend Jacques Thomet, qui tente de faire apparaître le président colombien comme un démocrate exemplaire, victime des mensonges des FARC relayés à l’étranger par la famille Betancourt et les autorités françaises.

Mais cette présentation de la situation colombienne, véritable panégyrique pro-Uribe, ne résiste pas à l’examen. Pour s’en convaincre, il faut revenir sur le parcours du président colombien. Car, contrairement à la thèse qu’avance Jacques Thomet, la violence politique qui ravage la Colombie ne se résume pas aux seules FARC. Depuis vingt ans, sous prétexte de lutter contre la guérilla, des milices paramilitaires d’extrême droite ont commis des crimes de masse contre la population. Ces derniers mois, des fosses communes ont été découvertes dans toutes les régions du pays. Le procureur général de Colombie a affirmé qu’elles pourraient contenir les restes de près 10 000 civils assassinés par ces groupes paramilitaires.

Leaders populaires, syndicalistes, juges, défenseurs des droits de l’homme, journalistes : les paramilitaires se sont attaqués à toute forme d’opposition politique ou sociale avec une cruauté inouïe. La presse colombienne a révélé comment les chefs paramilitaires ont généralisé la torture en formant leurs hommes à démembrer vivantes leurs victimes.

Les derniers rapports d’enquête d’Amnesty International, de Human Rights Watch ou de la FIDH montrent comment les forces de sécurité colombiennes ont encadré, coordonné, voire participé, aux massacres paramilitaires. Les témoignages des victimes sont concordants, massifs, accablants. Des officiers supérieurs de l’armée ont "sous-traité" aux milices le soin de mener cette guerre "sale" en toute impunité.

Mais les paramilitaires ne se sont pas cantonnés à ce travail de répression, ils ont bâti une redoutable organisation mafieuse qui contrôle l’essentiel du trafic de cocaïne vers les Etats-Unis et l’Europe. En s’infiltrant dans l’appareil d’Etat, les paramilitaires ont pu faire prospérer leur trafic et généraliser le détournement de fonds publics grâce à la complicité d’une partie de la classe politique au pouvoir.

Or ce qu’omet de dire Jacques Thomet dans son article, c’est que la carrière du président Uribe est étroitement liée à cette expansion du narco-paramilitarisme. Dans un rapport de la DIA (Defense Intelligence Agency) datant de 1991, les services de renseignement militaire américains présentaient Alvaro Uribe Velez, alors sénateur au Congrès, comme un "politicien collaborant avec le cartel de Pablo Escobar aux plus hauts niveaux du gouvernement". Quelques années plus tard, en tant que gouverneur de la région de Medellin, Alvaro Uribe Velez autorise la formation de coopératives de sécurité privée servant en réalité de couverture légale à des groupes paramilitaires peuplés de tueurs de la mafia.

Dans son article, Jacques Thomet écrit que le père du président colombien a été abattu par les FARC. Certes, mais pourquoi ne mentionne-t-il pas que ce dernier était lié à certains parrains de la drogue du cartel de Medellin, que l’on a retrouvé un hélicoptère appartenant à la famille Uribe dans un immense laboratoire de cocaïne ? Pourquoi ne pas rappeler que l’ancien chef des services de renseignement, un proche du président Uribe, est actuellement détenu pour sa collaboration active avec les paramilitaires ? Pourquoi omettre le fait que les paramilitaires ont joui du soutien de larges secteurs de la classe politique colombienne ? Cette année, malgré les menaces, les juges de la Cour suprême ont ordonné l’arrestation de quatorze députés et sénateurs. Tous sont des proches du président Uribe. Ils sont accusés d’avoir truqué des scrutins électoraux, ordonné des assassinats et servi les intérêts des groupes paramilitaires depuis le Parlement.

Depuis 2005, le président Uribe a tout mis en oeuvre pour parvenir à une amnistie générale des paramilitaires en adoptant la loi dite de justice et paix. Cette législation prévoit, en effet, pour les responsables de ces crimes contre l’humanité des peines dérisoires en échange de leur démobilisation.

La situation colombienne est complexe, sa violence, multiforme, parfois difficile à décrypter. Mais présenter la guérilla comme le "diable" et tenter de blanchir un président colombien compromis dans l’entreprise criminelle du paramilitarisme est quelque chose d’inacceptable.

Exiger la libération d’Ingrid Betancourt et de tous les otages retenus dans des conditions inhumaines par la guérilla ne peut servir à exonérer l’Etat colombien de sa responsabilité dans le déchaînement de violence existant dans le pays.

Nicolas Joxe, réalisateur, est l’auteur du documentaire "Ils ont tué un homme. Crimes paramilitaires en Colombie". (Diffusion Arte 2005.)

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Messages

  • je vous remercie de faire savoir des vérités trop souvent oubliées de la situation colombienne.

    • tu as raison Lol ... ita ..... :=)

      LETTRE OUVERTE D’UNE LECTRICE A NICOLAS JOXE

      Monsieur Joxe estime qu’il est difficile de ne pas réagir à l’article de Jacques Thomet paru dans « le Monde » le 09 01 2008.

      C’est , en effet, difficile, puisque j’ai moi-même réagi, sous la forme d’une tribune dans laquelle je lui sais gré, justement, de présenter enfin un point de vue à contre-courant de la pensée unique française, et strictement française, sur le sujet.

      Monsieur Joxe m’accordera de « connaître un tant soit peu
      la Colombie », puisque ma famille est expatriée dans ce magnifique pays depuis 1952, et que je reviens d’un voyage de 15 jours dans le Quindio et Bogota (août 2007).

      La différence notoire entre M. Joxe et M. Thomet, est que l’opinion de M. Joxe est mue par des convictions personnelles préalables à toute pensée, fondées sur le caractère selon lui univoque de la vérité, qui ne peut présenter qu’un seul visage, celui proposé par les personnes dont la position le séduit a priori, les autres étant arbitrairement écartées du débat car suspectes.

      Alors que M. Thomet se contente de décrire une situation, celle qu’il a observée, constatée, vécue dans le pays qu’il connaît manifestement « un tant soit peu ».

      Son soi-disant « panégyrique pro-Uribe » n’est qu’un constat de la position ACTUELLE du président Alvaro Uribe sur la scène politique colombienne,non dans l’opinion publique française, et ce constat est, j’ose le dire, parfaitement fidèle.

      M. Joxe accuse très clairement Alvaro Uribe de complicité de trafic de drogue. Soit. Ce que l’on peut observer, aujourd’hui, 14 février 2008, c’est que les chefs des milices paramilitaires, auteurs des mêmes exactions que celles qu’ils étaient censées empêcher, sont actuellement incarcérés ; maintenant, c’est-à-dire sous la présidence d’Alvaro Uribe.

      Monsieur Joxe dément que la famille Betancourt ait « vilipendé le président colombien, tout en dédouanant la guérilla de sa responsabilité dans les enlèvements de civils ».Il n’a pas dû brancher sa télévision ou son poste de radio en même temps que des milliers de franco-colombiens comme nous, ou de colombiens attentifs à la position de
      la France dans cette si douloureuse affaire… Autant d’auditeurs abasourdis par les prises de position d’une famille qui veut arracher l’une des leurs à l’enfer, et qui pour cela a choisi de se tromper d’ennemi…

      Comment expliquer la spectaculaire impopularité de la famille Betancourt en Colombie (M. Joxe peut difficilement le nier), si ce n’est parce que les Colombiens se sentent désavoués par des personnes supposées mener le même combat qu’eux, et qui au contraire condamnent si clairement leur choix de soutien à leur président.

      Si M. Joxe persiste à nier l’influence majeure de la famille Betancourt sur les medias français, ainsi que son discours constamment complaisant vis-à-vis des FARC, et à charge d’ Alvaro Uribe, je l’invite à écouter l’édifiante interview de Mme Astrid Betancourt lors de la journée de manifestations du 04 02 2008 (France Info). La nouvelle Mme Daniel Parfait, puisqu’il s’agit bien d’elle, a déclaré que « sa famille se désolidarisait de ces manifestations, qui sont des manipulations du président Uribe, cherchant à dresser l’opinion contre les FARC ».

      Si comme beaucoup, j’ai longtemps pardonné les errements de langage de tous les membres de cette famille, en raison de la douleur qui les égarait certainement, si j’ai essayé de comprendre l’évident syndrome de Stockholm dont ils sont tous manifestement atteints, cette fois-ci les limites de la décence sont franchies.

      Les manifestations massives du 04 02 2008, (plusieurs millions de personnes en Colombie, et dans de nombreuses grandes villes du monde), ont été initiées depuis le réseau internet « Facebook » par un jeune colombien, Oscar Morales.

      Cet événement pourtant majeur n’a eu aucun écho dans les médias français si ce n’est quelques articles dans la presse écrite, dont un, parfaitement fidèle, dans « le Monde » du 06 02 2008, de Marie Delcas. Même Clara Rojas, ancienne otage récemment libérée, qui participait à la manifestation colombienne et dont le témoignage aurait pu être intéressant, n’a pas été entendue.

      N’a été mentionnée sur les ondes des radios que la marche des Colombiens de Paris, dont AUCUN participant n’a été interrogé, alors que Mme Daniel Parfait a eu tout le loisir de proférer les mensonges cités plus haut.

      En fait de manipulation, la famille Betancourt n’applique-t-elle pas la règle de rhétorique qui consiste à accuser l’adversaire de ce dont on est coupable ?

      Les « manipulations » du gouvernement colombien ont consisté à autoriser les personnes qui le souhaitaient à quitter leur travail pour se joindre à la manifestation, et à approuver la démarche.

      Partout, massivement, les citoyens colombiens ont condamné l’attitude des FARC et proclamé leur désir de paix. A Barranquilla, ville qui fêtait ce même jour son carnaval, celui-ci s’est arrêté, les gens ont quitté leurs déguisements pour enfiler des tenues blanches et défiler en chantant « que bonita es esta vida ». Pour qui connaît « un tant soit peu » l’importance des carnavals en Colombie…ainsi que le texte de la chanson, quel symbole plus fort ?

      La gauche Colombienne, en désaccord avec le président Uribe, a également défilé pour réclamer une autre politique face aux groupes armés. C’est son droit le plus strict, et il a bien évidemment été respecté, ses représentants n’ayant fait état d’aucune « manipulation ».

      Mr Joxe termine son pamphlet en dénonçant « la responsabilité de l’Etat colombien dans le déchaînement de violence existant dans ce pays ».

      La violence en Colombie est en effet multiforme, et son origine complexe. ( Voilà au moins un point sur lequel je partage l’avis de M. Joxe).

      Toutefois jamais le nombre de meurtres et d’enlèvements (dont les FARC sont tout de même les auteurs les plus actifs) n’a été aussi bas. Les guérilleros sont de plus en plus nombreux à déserter, et découvrent avec stupeur un monde libre, fragile et meurtri, certes, mais qui ne les attend pas comme le Messie.

      Le gouvernement précédent de M. Pastrana, qui a tout essayé pour négocier avec les groupes armés, n’a malheureusement rien obtenu par ce biais.

      Et c’est bien lassés de ces efforts infructueux, que les Colombiens ont décidé d’accorder leur confiance à un président qui a choisi de pas négocier avec les terroristes. Cela ne l’a pas empêché d’ailleurs de proposer depuis le début de ses deux mandats un couloir humanitaire, jamais mentionné par ceux dont le point de vue simpliste imagine
      la Colombie comme le décor de « Tintin et les picaros ».

      Loin de voir sa « violence se déchaîner », celle-ci au contraire cède le pas. C’est un fait, pas la vue d’un esprit aveuglément pro-Uribe. Les Colombiens le sentent, le voient, et soutiennent majoritairement l’action d’un président qu’ils ont élu largement. (Elections truquées , M. Joxe ?).

      C’est tout ce qu’ a voulu montrer Jacques Thomet.

      Lorsqu’on est sur place, il n’est pas une rencontre dans les villes, les petits villages, les fêtes, les spectacles, les rassemblements en tous genres, sans que soit mentionné le désir des Colombiens d’en finir avec cette situation dramatique, sans que soit crié leur désir de vivre en paix.

      Et pourtant ici, en France, jamais ces gens n’ont la parole. Nous qui avons des leçons à donner au monde entier, peut-être pourrions-nous apprendre à respecter le choix d’une majorité de citoyens responsables, choix effectué pour des raisons qu’ils sont plus à même que nous de définir…. nous, qui sommes à distance, englués dans nos certitudes bien-pensantes, et qui nous complaisons à n’écouter que la version officielle de ce drame, celle d’une famille dont la douleur s’est hélas transformée en abus de pouvoir.

      Ana Gadret

    • Quelle pauvre analyse de la Colombie. Vous vous y êtes rendue, mais on dirait que vous n’avez rien vu. Plus de pauvreté, plus de misère, plus de morts par les paramilitaires (soit disant réintégrés, mais on sait aujourd’hui, plutôt felicités), des hauts dirigents de l’armée impliqués dans des disparitions (Colonel Rito et &), "disparitions" et masacres de jeunes de quartiers pauvres par l’armée pour les faire passer comme des donnés "positives" pour augmenter les chiffres de reussitede l’armée dans la lutte contre la guerrilla... el cette dernière semaine reponse armée et masacre au peuple indien dans la region del Valle del Cauca...
      Si ça c’est rien pour vous, c’est bien la preuve de votre biais pour le pouvoir. Vous avez votre droit oui... mas conservez votre etique SVP.
      Merci
      Catalina