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Conditions de détention inhumaines des inuits du Québec
par Samuel Beaudoin Guzzo
Publie le samedi 20 février 2016 par Samuel Beaudoin Guzzo - Open-PublishingL’auteur est Québécois et diplômé en sociologie à l’Université du Québec à Montréal. On peut le suivre sur son blog Google+.
Alors que le voile se lève tranquillement sur les conditions de détention des inuits du Québec (tout comme sur le sort réservé aux femmes autochtones disparues ou assassinées), notre Coiteux national a affirmé vouloir s’attaquer aux « racines profondes » du problème ! Ceci est évidemment une bonne nouvelle en soi puisque ces enjeux sociologiques de mépris envers la dignité humaine sont criant à l’heure actuelle ! Toutefois, permettez-moi de douter de la bonne foi du ministre que l’on sait assujetti aux dogmes de l’austère et simpliste idéologie de la rigueur budgétaire en toute chose, même au prix de la morale et du bon sens le plus élémentaire. À bas l’équilibre budgétaire lorsqu’il se paie par un déséquilibre humain ! Les racines profondes du néolibéralisme ambiant, quand faites-vous monsieur Coiteux ?!
Les conditions de détention des Inuits sont inhumaines, dénonce la protectrice du citoyen
Le reportage de Julie Dufresne
Les conditions de détention réservées aux Inuits sont carrément inhumaines, conclut la protectrice du citoyen dans un rapport dévastateur pour le système carcéral québécois.
La situation paraît digne d’un pays du tiers-monde, selon Raymonde Saint-Germain.
Les règles élémentaires de propreté et d’hygiène sont systématiquement bafouées : installations sanitaires inutilisables, odeurs nauséabondes, literie souillée, malpropreté extrême des cellules trop souvent surpeuplées, promiscuité forcée, les Inuits du Nunavik se retrouvent incarcérés dans des postes de police insalubres et vétustes.
Certains n’ont même pas droit à une table et une chaise pour leur repas, qui doivent être pris à même le sol. D’autres n’ont pas accès à une douche. Des caméras sont dirigées vers les toilettes, éliminant toute forme d’intimité.
Des détenus demeurent enfermés 24 heures sur 24 et dorment sur des matelas, souvent déchirés, déposés directement sur le sol, avec pour seule couverture leur manteau.
La situation est grave, au point où la protectrice conclut que le Québec oblige ses prévenus et détenus d’origine inuite à purger leur peine dans des conditions d’incarcération qui ne respectent pas les règles internationales, et encore moins les chartes des droits, les lois et règlements.

Traités comme des citoyens de deuxième ordre, les Inuits ont pourtant les mêmes droits que les autres citoyens du Québec, rappelle Mme Saint-Germain, en exhortant le gouvernement à intervenir de toute urgence.
« Le tiers-monde, c’est pas si loin », a résumé la protectrice en conférence de presse, estimant que l’indifférence du gouvernement, la banalisation du problème et le laxisme avaient trop duré.
Correctifs immédiats réclamés
Elle revendique des correctifs immédiats aux situations les plus criantes, comme la désinfection des cellules, et l’adoption d’ici le printemps d’un véritable plan d’action. « Les solutions sont connues, il faut les mettre en oeuvre », a-t-elle commenté.
Cependant, le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, ne semble pas partager ce sentiment d’urgence. Pressé de questions par les journalistes qui cherchaient à savoir ce qu’il entendait faire, il est demeuré évasif et n’a mentionné aucune action à court terme.
« La problématique a des racines profondes », a-t-il indiqué lors d’une brève mêlée de presse, se disant « préoccupé » par la situation et préférant adopter une approche grand-angle.
« Le rapport publié aujourd’hui par le Québec est très troublant. Il vient confirmer les constatations faites par mon bureau selon lesquelles les conditions de détention dans le nord du Canada ne sont souvent pas conformes aux normes minimales de garde sécuritaire et humaine. Les peuples autochtones des régions éloignées sont en très grande majorité soumis à ces conditions inférieures aux normes. Je félicite la protectrice du citoyen, Mme Raymonde Saint-Germain, d’avoir présenté ce rapport à l’Assemblée nationale, et j’espère que ses recommandations seront bien accueillies. »
À titre d’ombudsman correctionnel du Québec, le Protecteur du citoyen a mené une enquête spéciale sur les conditions de détention, l’administration de la justice et la prévention de la criminalité au Nunavik, territoire québécois situé au nord du 55e parallèle. Son rapport d’une centaine de pages, incluant une trentaine de recommandations, a été déposé à l’Assemblée nationale jeudi.
Pour mener à bien son enquête, l’équipe de Mme Saint-Germain s’est rendue en 2015 dans trois villages inuits qui sont sous la gouverne de l’administration régionale Kativik : Puvirnituq, Akulivik et Kuujjuaq.
Son enquête lui a permis de constater des atteintes graves aux droits des détenus, particulièrement à Puvirnituq, où les cellules du poste de police, desquelles émanait une odeur fétide, étaient « d’une extrême saleté », maculées de traces de sang, d’excréments « et d’autres liquides corporels ».
Le seul fait de vouloir se laver est considéré comme un luxe inaccessible. « Parmi les personnes incarcérées interrogées, certaines ont affirmé ne pas avoir pu prendre une douche depuis six jours et qu’aucun produit d’hygiène ne leur a été offert pour se laver », peut-on lire dans le rapport.
Toujours au poste de police de Puvirnituq, il n’y a qu’un seul réfrigérateur où se côtoient, pêle-mêle, les lunchs du personnel, les repas des détenus et les trousses médicales utilisées en preuve dans les cas d’agressions sexuelles.
La plupart des Inuits ne parlent pas français, d’autres ne parlent pas anglais, ce qui ne facilite pas la défense de leurs droits. De plus, ils sont surreprésentés dans les centres de détention, un phénomène qui ne cesse de s’accentuer et qui contribue à empirer la situation.
« Il faut travailler en amont, en prévention », a convenu le ministre Coiteux.
En fait, le problème est bien plus vaste, selon la protectrice. Et la solution viendra avec « la prise en charge des problèmes qui sont à l’origine des actes criminels », qu’on pense à divers enjeux sociaux, comme les problèmes de dépendance aux drogues et à l’alcool ou la violence conjugale.
Il n’y a aucun établissement carcéral au Nunavik, et la justice est rendue par l’intermédiaire de la Cour itinérante. Les prévenus se retrouvent momentanément dans un poste de police dans le nord, et finissent par aboutir très loin de chez eux, à Amos, en Abitibi. La protectrice recommande de créer un pont aérien entre le Nunavik et Amos, pour éviter les nombreuses et longues escales.
« C’est le goulag ! », a commenté le député caquiste Simon Jolin-Barrette après avoir pris connaissance du rapport. Il a dit souhaiter entendre les principaux intervenants en commission parlementaire afin de trouver des solutions.
Source de l’image : http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2016/02/18/001-inuits-conditions-detention-inhumaines-protecteur-du-citoyen.shtml