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Contre la roussophobie

par Roux vifs et fiers

Publie le vendredi 24 mai 2013 par Roux vifs et fiers - Open-Publishing
1 commentaire

La roussophobie, un fait terriblement social

Nous entendons déjà les sarcasmes, les moqueries, si ce ne sont pas les regards méprisants envers nos vécus et nos sensibilités. Cela n’est pas pour nous décourager. Au contraire !
Nous nous sommes retrouvé-e-s presque par hasard entre personnes rousses – ou renvoyées comme telles – et avons commencé nous-mêmes par rire de ce qui s’apparentait à un fait divers. Un collégien venait de se suicider à cause des brimades incessantes vis-à-vis de sa couleur de cheveux. Puis nous avons discuté. Nous nous sommes souvenus. Nous avons fait remonter de notre mémoire ces expériences dégradantes, ces brimades – à l’école, avec nos proches, dans l’espace public. Aujourd’hui, nous voulons sortir de l’invisibilité politique. Nous ne souhaitons faire de notre combat ni un gadget, ni une lutte prioritaire sur les autres systèmes de domination (classisme et ouvriérophobie, genrisme, racisme, âgisme, validisme et grossophobie, rromophobie, etc).
Ayons tou-te-s à l’esprit que le suicide de ce collégien roux ne va pas de soi. Il s’agit d’une construction sociale, fruit d’une longue histoire que nous devons porter à la lumière. Construisons un rapport politique à notre couleur de cheveux. Nous sommes roux et nous sommes fier-e-s !

L’histoire de la discrimination envers les roux est très ancienne et remonte à l’Égypte antique où ils étaient persécutés(1). Au moyen-âge, les femmes rousses, traitées en sorcières, finissaient au bûcher. À la fin du 19ème siècle, « Poil de carotte » raconte les humiliations que subit un jeune garçon roux. Qu’en est-il aujourd’hui ? En 2011, une grande agence danoise de don de sperme refuse celui des roux. Depuis toujours, les roux sont sous-représentés dans les médias. Combien de roux dans les conseils d’administration des entreprises ? Parmi les députés de l’Assemblée nationale ? Ces discriminations anti-roux sont insupportables pour qui défend l’égalité. À quand une miss France ou un présentateur-télé roux ? Nous sommes 5 % de la population, mais nous n’existons pas !

C’est par une critique matérialiste que nous devons passer pour déconstruire nos rapports sociaux à la couleur de cheveux. Si nous sommes maltraités, invisibilisés et discriminés, c’est bien qu’il existe une classe rousse dont les intérêts ne sont pas représentés. S’il est aujourd’hui admis qu’il existe des classes sociales, raciales ou genrées, un silence assourdissant entoure la domination capillaire.

Soit dit tout de suite, nous refusons la hiérarchie malsaine des douleurs et des luttes. Si notre combat ne vaut pas plus que les autres, il ne vaut pas moins.

Aussi, nous refusons l’instrumentalisation politique de nos histoires et nos douleurs. C’est pourquoi nous avons décidé de nous organiser en non-mixité rousse. Sans sectarisme : rouquins, blonds vénitiens, roux irlandais, auburns, trans-colorés au henné, etc. Nous considérons cette non-mixité comme un préalable nécessaire à toute action publique et politique. D’abord pour échanger de manière safe dans des lieux roux-friendly, en-dehors des menaces que représentent l’espace public ou les autres groupes militants. Mais aussi pour élaborer une conscience de classe solide. Comme toute parole, la nôtre est nécessairement située. Elle ne se substitue à aucune autre et aucune autre ne vaut la nôtre. Notre parole n’est pas négociable et ne peut être mise en doute. Nous ne réclamons pas l’empathie des non-roux. Ils ne peuvent pas sentir dans leur toison le mépris que nous subissons quotidiennement.
Nos espaces et nos moments de non-mixité ne sont pas un repli communautaire, comme le craignent déjà les réactionnaires de tous poils, partisans d’un universalisme dominant. Ils sont des lieux et des instants non exposés aux regards « autres » - ceux qui se pensent comme la « norme ».

Ce n’est que dans un deuxième temps que nous saurons trouver des allié-e-s « non-roux » avec qui tresser des complicités pour lutter contre toutes les dominations. Parce qu’il n’y a pas de hiérarchie des luttes, nous souhaitons que la lutte contre la domination des roux trouve sa place aux côtés des luttes contre les discriminations de classe, de race, de genre, d’âge ou de validité physique. Nous n’accepterons pas les récupérations rousso-nationalistes qui instrumentaliseraient les droits des roux auprès des populations post-coloniales ou racisées – que ce soit dans les pays post-colonisés ou dans les banlieues.

Nous lançons un appel à toutes les forces progressistes qui souhaitent décoloniser, déclassiser, décapillariser les imaginaires. Nous souhaitons organiser un camp de déconstruction en lien avec d’autres luttes autonomes et minoritaires afin d’enlever les cheveux sur nos langues, de confronter les douleurs pour les socialiser, et défaire chacune de nos constructions psychologiques. La lutte politique passera par cette (ré)éducation populaire et la conscientisation des rapports sociaux et mentaux.

Construisons des lieux autonomes ! Soyons fier-es ! N’ayons plus peur !

Roux vifs et fiers

1. La malheureuse histoire des roux, journal-regards.com

Messages

  • Est-ce de l’humour ?
    les roux sont-ils tous exploités, dévalorisés ? Forment-ils une classe sociale particulière ?

    Celui qui a écrit ces lignes a beaucoup de temps à perdre.
    Personnellement je préfère me battre contre tout racisme et pour le respect de chacun.