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Culture et présidentielle : Marchandisation ou renouveau ?

Publie le mardi 20 février 2007 par Open-Publishing
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Lancé à l’automne par la revue Cassandre pour tirer la sonnette d’alarle sur la faiblesse du débat culturel dans l’élection présidentielle, un appel aux candidats s’est couvert en quelques semaines de plus de 1200 signatures de personnalités du monde de la culture. Un signe parmi d’autres d’une attente et d’une effervescence certes étouffées mais réelles.

La rencontre d’Aubervilliers sur la création artistique à l’invitation de Didier Bezace en est un autre. La culture, chacun de ces acteurs le pressent, joue elle aussi très gros au printemps 2007. Ici comme ailleurs dans toute la société, on cherche, on espère, on desespère parce qu’il n’est de toute façon plus question de maintenir la force de notre élan culturel sans le relancer puissamment et autrement, dans les conditions d’aujourd’hui. Au risque sinon de passer une bonne fois pour toutes à la moulinette du marché.

Des forces puissantes poussent au triomphe de la marchandisation et de la standardisation. Avec la mise en scène du ralliement à Sarkozy de quelques rares intellectuels médiatiques, la défaite de la pensée s’est érigée en modèle. Pendant ce temps, le monde de la culture qui crée, travaille, transmet, transforme, innove est réduit au silence dans l’espace public et le nécessaire débat sur les choix politiques culturels. Exemple éloquent : le quinquennat s’achève sans que la loi sur l’intermittence, exigée par tout le spectacle vivant, n’ait été votée. La droite s’est arc-boutée contre jusqu’au dernier jour. C’est une des grandes hontes de son bilan et elle fait tout pour le faire oublier.

Alors que toute la société aurait besoin d’une nouvelle albition culturelle pour se transformer, penser autrement son avenir, il est de plus en plus clair que les menaces qui pèsent sur la place de la culture et de la création ont à voir avec la volonté d’enfermer toute notre société dans le repli, la peur, le rejet de l’autre. « Pas un jour ne se passe sans que l’on tente d’atteindre à la capacité d’imaginaire des gens » estime l’acteur Robin Renucci en appelant à résister à « cette forme de barbarie qui a déjà atteint les corps et veut atteindre les esprits ».

En appelant à un débat qu’ils estiment insuffisant, les professionnels de la culture mettent peut-être involontairement le doigt sur le rétrécissement de l’imaginaire aussi en politique. Comment redonner sa place à la culture dans une société qui bornerait son ambition à intégrer dans tous les domaines une marchandisation exacerbée de l’activité humaine ? Et comment le faire en opposant à cette dérive un pragmatisme de bon aloi qui, outre son manque d’ambition, conduirait inévitablement à entériner la victoire du marché sur la diversité ?

Ouvrons les programmes, ouvrons les fenêtres du débat.

Toutes les propositions ne se valent pas.

Pourquoi se condamner à choisir entre la régression et la panne d’idées ? Pourquoi accepter de vouer toutes les audaces politiques au scepticisme ? Il y a un peu plus d’un an, au coeur d’une banlieue que tant d’autres montraient du doigt, le conseil général du Val de Marne inaugurait un spectaculaire musée d’art contemporain, un pari culotté et aujourd’hui pleinement réussi. Bel exemple à méditer par les temps qui courent.

Oui la culture est en quête de nouveaux territoires. L’avenir appartient à ceux qui oseront les défricher. Il n’y aura pas d’ambition culturelle pour tous sans une profonde audace dans le changement politique.

http://pcf.fr/

http://ulrichsavary.gauchepopulaire.fr/

Messages

  • WOID XVI-32a. Museum Watch : Michel-Ange Code

    En voilà une perle : "Il y a eu un sentiment retranché, un résidu de philosophie catholique et marxiste selon laquelle tirer un profit de la culture c’était soit impossible, soit un péché". Citation de Daniel Berger, consultant au Ministère Italien de la Culture, parue dans le New York Times ce dimanche dernier, dans un article concernant les longues files de visiteurs devant le Musée du Vatican et les difficultés qu’on a à faire entrer le maximum d’une façon ou de l’autre.

    D’abord je ne comprenais pas la phrase : comment la philosophie catholique pourrait-elle affirmer que c’est un péché de profiter de la culture puisque la Rome des papes était une grande souricière à touristes, et qu’elle l’est encore ? Et depuis quand les Marxistes croient-ils au péché, ou ne croient-ils pas à l’impératif économique ?

    J’ai fini par comprendre : par "Catholique et Marxiste", s’entend : une majorité des Italiens. Bien sûr, c’est ce que Berger veut dire : les opinions des Italiens concernant la culture italienne sont sans valeur pour un Ministère qui se charge de fournir la culture, non pas aux Italiens, mais à l’industrie touristique.

    Pourtant, les professionnels de la culture en Italie, eux, ne sont pas indifférents : nulle part ailleurs on ne trouve la critique acerbe du racket de la culture internationale qu’on lit dans certains journaux italiens comme Il Giornale dell’ arte. Par contre, la collusion avec l’industrie touristique et passée à l’état d’obsession pour l’énorme insecte qui a envahi l’administration de la culture en Italie. Contrairement à ce que j’avais écrit précédemment, le nouveau système d’allocation des billets à la Galleria Borghese est un succès retentissant : stationnement facile pour les cars, les organisateurs arrivent avec des pelletées de gosses, et puisqu’il n’y a pas grand-chose à voir dans les galeries tout le monde est au gift-shop après vingt minutes, laissant la place à ceux qui voudraient passer leur temps avec les quatre sculptures du Bernin et la poignée de Caravages mal restaurés qui constituent l’essentiel du musée.

    Le Galleria Borghese s’est transformée en une laveuse à touristes efficace ; les autres peuvent aller se faire fan-culo. Apparemment le Musée du Vatican n’est pas encore arrivé à ce niveau puisque les files sont incontrôlables, que les visiteurs attendent des heures parfois pour se voir fermer le guichet au nez. Sans importance, puisque les gros revenus viennent des groupes organisés qui réservent à l’avance, et des visites guidées par des employés du Vatican, avec exclusion des guides indépendants. C’est probablement pour ça que les étiquettes descriptives sont si pauvres : vous voulez des informations, procurez-vous un guide.

    Il serait facile, cependant, d’organiser une série de guichets pour les diverses sections du Vatican, un peu comme le Rijksmuseum à Amsterdam qui offre une visite-express pour les cars de touristes tout prêts pour la petite photo devant la Ronde de nuit, tandis que les visiteurs plus intéressés visitent les galeries latérales à leur loisir. Il serait facile au Vatican d’offrit des billets séparés à prix variables pour le Musée Pio Clementino ou le Musée etrusque - sauf que pour visiter la Gallerie d’art religieux contemporain c’est plutôt le musée qui devrait payer les visiteurs. Sauf qu’une vaste conjuration d’enarques aux yeux rouges...Allo, Tom Hanks ?

    Paul Werner
    http://museeetcie.com

    http://museuminc.net

    WOID XVI-32. Museum Watch : The Michelangelo Code

    This one’s for the books : "There was an entrenched feeling, residual thinking from Catholic and Marxist philosophy, that making money from culture was either impossible or a sin." That’s a quote from Daniel Berger, a consultant to the Italian Ministry of Culture, and it’s in an article in today’s Sunday Times about the long lines of visitors at the Vatican Museum, and how necessary it is somehow to shovel in as many as possible.

    Well, I was somewhat confused by that quote : how could Catholics believe that making money from culture is either impossible or a sin, considering that Rome under the Papacy was one gigantic trap for religious tourists, and still is ? And since when do Marxists believe in sin, or disbelieve in economic imperatives ?

    Then it occurred to me that "Catholic and/or Marxist" covers most Italians. That, of course, is what Berger means : that the opinions of Italians about Italian culture are indifferent to a Ministry concerned with providing culture, not to the people of Italy, but to the tourist trade.

    I wouldn’t say this is a matter of indifference to the Italian art-world : nowhere but in Italian journals like Il Giornale dell’ arte will you find such acerbic criticism of the international culture-racket. I would say, though, that catering to the tourist trade has become an obsession with the gigantic insect that’s taken over the administration of culture in Italy. Contrary to what I’ve written earlier, the new, redesigned admission system at the Galleria Borghese is a crashing success : parking is easy, the tour operators drive up with their forkloads of kids, and since there’s not that much to see in the galleries anyhow the kids are back in the gift shop after twenty minutes and anyone wishing to spend time with the four Bernini sculptures and the handful of poorly restored Caravaggios can have the place to himself.

    The Galleria Borghese has been turned into an efficient tourist-processing machine, and everybody else can go fan-culo. Apparently the Vatican Museum doesn’t have the system down pat yet, because the lines are getting uncontrollably long, with tourists waiting hours on line to be told the ticket booth has closed. Not to worry, though, because the real money’s in the tour groups that make advanced reservations, and the special tours by the Vatican’s own guides, with independent tour guides locked out. That’s probably why the signage is so bad : if you want an explanation get yourself a tour-guide.

    It would be easy enough to work out a series of entrances to the various venues within the Vatican Museum, something like the ijksmuseum in Amsterdam which provides a quick in-and-out system for tour buses tourists waiting to snap pictures in front of the Night Watch while the more serious-minded visitors have the side-galleries to themselves. It should be easy for the Vatican to offer separate admissions and separate prices for the Pio Clementino or the Etruscan Museum, except they’d probably have to pay people to visit the Gallery of Modern Religious Art. Except for a vast and secret conspiracy of pink-eyed neo-liberal administrators... Get me Tom Hanks.