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David Velásquez, Secrétaire général de la Jeunesse communiste du Venezuela

Publie le mardi 17 août 2004 par Open-Publishing

article complet de Solidaire : http://www.ptb.be/
Bert De Belder, Pol De Vos et Frank Venmans
16-06-2004

Solidaire s’est entretenu avec David Velásquez, Secrétaire général de la Jeunesse communiste du Venezuela
Comment Hugo Chávez sort son pays du sous-développement

En ce moment, des milliers de jeunes Vénézuéliens sont à Cuba. Une avant-garde de 15.000 jeunes qui reçoivent une formation au pays de Fidel et du Che, pour ensuite aller travailler sur des projets sociaux au Venezuela. Les jeunes font partie du Front Francisco de Miranda de Lutte sociale. Francisco de Miranda était le prédécesseur de Simon Bolívar, le dirigeant latino-américain le plus connu de la lutte pour l’indépendance. Le travail de ces jeunes est une composante de notre révolution bolivarienne, déclare David Velásquez, secrétaire général de la Jeunesse communiste du Venezuela.

De quels programmes sociaux s’agit-il ?

David Velásquez. Avant tout, il y a la campagne d’alphabétisation, baptisée Mission Robinson I. Robinson, c’est le nom d’emprunt de Simón Rodríguez, le mentor de Bolívar. La campagne est un grand succès : déjà 1,2 millions de personnes ont appris à lire, écrire et calculer, sous le slogan Yo, sí puedo (Si, je peux y arriver). Pour ce faire, nous utilisons une nouvelle méthode, en combinant l’apprentissage des lettres et des chiffres. Pour dix élèves, il y a un prof, qui utilise également la TV et la vidéo. Cela se fait pour ainsi dire au domicile des gens, dans leur propre entourage. Et l’on ne s’en tient pas à la seule alphabétisation : soins médicaux et prévention, projets socio-économiques, construction de logements sociaux... En juillet, le Venezuela va recevoir un prix de l’Unesco (l’organisation des Nations unies pour l’enseignement, le travail social et la culture), pour ce projet d’alphabétisation.

Avec la Mission Robinson II, nous voulons aider 500 000 personnes qui viennent d’apprendre à lire et à écrire à suivre et terminer le cycle primaire complet. La Mission Rivas fera suivre l’enseignement moyen à 600 000 personnes et la Mission Sucre en acheminera 500 000 autres vers l’enseignement supérieur.

Puis, bien sûr, il y a tout le travail de santé. Actuellement, 13 000 médecins cubains travaillent au Venezuela, dans le cadre du Plan Barrio Adentro (le plan des villages reculés), où peu de médecins vénézuéliens acceptent d’aller travailler. En même temps, Cuba forme également des médecins de chez nous, afin qu’ils puissent reprendre le travail des médecins cubains dans les régions rurales.

Impressionnant, mais s’agit-il d’une vraie révolution ?

David Velásquez. Il s’agit de bien plus que de ces programmes sociaux, nous menons un programme gouvernemental absolument alternatif qui s’écarte fondamentalement de tout ce qu’on a fait avant. Mais la transformation de l’Etat n’y figure pas encore, il s’agit toujours de réformes au sein de l’Etat existant. Et celui-ci constitue d’ailleurs un obstacle, dans bien des cas. Nous devons suivre les procédures légales, l’opposition essaie de saboter les nouvelles lois, durant deux ans, la Cour suprême a bloqué la loi sur les réformes, etc. C’est pourquoi, pas à pas, la révolution bolivarienne doit-elle également créer un Etat parallèle.

Tu parles de révolution bolivarienne Comment devons-nous considérer la chose ?

David Velásquez. C’est une révolution de libération nationale. Le Venezuela a obtenu son indépendance politique en 1824. Ici, cela revient finalement à acquérir également notre indépendance sur le plan économique. Les diverses composantes de la population et le gros des forces combattantes sont impliquées dans ce projet. La révolution comprend cinq axes. Sur le plan politique, la démocratie participative doit remplacer la démocratie représentative classique. Dans le nouvel Etat, le peuple aura le pouvoir. Il exercera un contrôle social, codécidera du budget et, via un référendum, il pourra destituer les élus ou les fonctionnaires de l’Etat

Le second axe est celui de l’économie. Nous ne voulons pas moins qu’un changement des rapports de production. L’accent principal va aux entreprises publiques, on cesse ou on inverse les privatisations. Il faut une répartition plus juste des richesses, surtout des revenus énormes du pétrole. De la sorte, nous pourrons enclencher un véritable développement industriel. Profitant de pouvoirs spéciaux, le gouvernement a promulgué des lois d’un impact économique important, comme la loi sur la réforme agraire, la loi sur les pêcheries, la loi sur le pétrole.

En quoi le président Chavez se heurte-t-il à la bourgeoisie ?

David Velásquez. Dans l’application de cette loi, l’opposition est souvent acharnée. Depuis 2001, quand la loi sur la réforme agraire a été votée, plus de 100 paysans pauvres ont perdu la vie dans leur lutte pour la terre. Et la première grève patronale au Venezuela, en décembre 2001, était précisément dirigée contre trois de ces lois issues des pouvoirs spéciaux.

Y a-t-il également des pressions extérieures pour entraver la révolution vénézuélienne ?

David Velásquez. Le gros de notre pétrole est exporté aux Etats-Unis, et nous dépendons de ces mêmes Etats-Unis pour 70% de nos importations. Mais nous comptons bien diversifier nos relations internationales.

C’est le troisième pilier de la révolution bolivarienne. Nous voulons davantage de commerce avec l’Union européenne, la Russie, l’Inde. Nous avons des accords d’amitié et de collaboration avec maints pays du tiers-monde. Aux pays les moins développés, aux pays des Caraïbes et de l’Amérique latine, et certainement à Cuba aussi, nous pouvons fournir du pétrole à des conditions avantageuses. Le Venezuela veut également insuffler une nouvelle vie à l’OPEP, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, de sorte que le pétrole puisse redevenir une arme aux mains du tiers-monde, et non dans celles des multinationales occidentales. Et nous promouvons l’intégration économique de l’Amérique latine. Face à l’ALCA, la zone libre-échangiste des Amériques, qui est tout à l’avantage des multinationales américaines, nous prônons l’ALBA, l’Alternative bolivarienne pour les Amériques.

Et les 4e et 5e axes de la révolution vénézuélienne ?

David Velásquez. J’ai déjà beaucoup parlé du volet social. Et le dernier pilier, c’est celui du développement du pays, et non seulement de la capitale Caracas, où vivent 5 des 24 millions de Vénézuéliens, ou de la région côtière avoisinante.

En tant que communistes, comment évaluez-vous le projet du président Hugo Chávez ?

David Velásquez. On pourrait dire que Chávez est occupé à poser les bases d’une sorte de société post-capitaliste, d’un Etat de justice sociale. Le Parti communiste du Venezuela dit qu’il s’agit de l’étape de la révolution nationale, une étape en route vers le socialisme. Nous estimons très important de soutenir Chávez et, ce faisant, de consolider au mieux les réalisations de cette étape. Nous sommes pour le renforcement du pouvoir populaire et d’un large front autour de Chávez. Dans cette phase, nos options politiques sont cohérentes avec celles de Chávez. Nous formons une sorte de réserve idéologique pour sa politique. En même temps, nous travaillons pour le renforcement de notre parti, et nous gagnons en influence, tant quantitativement que qualitativement.

A deux reprises, les Etats-Unis et la bourgeoisie vénézuélienne ont tenté de renverser Chávez. D’abord, via un coup d’Etat de la CIA, le 11 avril 2002, et ensuite, par une grève des patrons et une semaine de sabotages contre la production pétrolière, de décembre 2002 à janvier 2003.

Avant ces attaques contre la révolution bolivarienne, notre parti était assez marginalisé par le gouvernement ainsi que par l’organisation de Chávez, le Mouvement de la Cinquième République. Mais, ces derniers temps, Chávez tient un discours plus manifestement anti-impérialiste et il y a davantage d’ouverture vers le Parti communiste. Par exemple, nos membres sont très présents dans les programmes sociaux du gouvernement.

Un coup d’Etat de droite est-il possible ? Une intervention des Etats-Unis ?

David Velásquez. Au Venezuela, actuellement, il n’y a toujours pas de milices populaires. Le peuple n’est pas armé. Mais les forces combattantes sont composées en grande partie de simples gens du peuple. La pensée progressiste y est largement répandue et c’est encore plus le cas depuis le coup d’Etat d’avril 2002, lorsque l’armée a été nettoyée de ses officiers les plus à droite. Les militaires reçoivent une formation politique, ils font du travail social, ils aident aux travaux d’infrastructure, etc. Ainsi, ils sont en contact direct avec la population. L’intégration des militaires au sein du peuple, voilà peut-être ce qu’on pourrait appeler « le peuple armé ».

L’attitude militaire vis-à-vis des Etats-Unis est une question délicate. Le Venezuela ne peut pas tout se permettre comme il le voudrait. Nombre de formes d’entraînement que les militaires américains donnaient à nos soldats ont été supprimées. Il n’est plus question du tout non plus d’exercices militaires communs avec l’armée américaine.

En août 2005, votre organisation, la Jeunesse communiste du Venezuela, accueille le Festival mondial de la Fédération mondiale de la Jeunesse démocratique (FMJD). Ceci peut-il constituer un soutien pour le mouvement révolutionnaire de votre pays ?

David Velásquez. Si la droite rassemble toutes les forces internationales possibles, comme la CIA, le gouvernement réactionnaire colombien et les organisations non gouvernementales réactionnaires, il nous faut également faire appel à la solidarité internationale. Nous voulons que le mouvement révolutionnaire au Venezuela et la FMJD se renforcent mutuellement via le festival. Par le contact avec la population, dans les débats politiques, avec les échanges culturels, via les visites de quartiers, tous les participants pourront apprendre quelque chose de notre lutte. Tous ceux qui viendront au festival collaboreront aussi ou, du moins, seront en contact avec les projets sociaux du gouvernement vénézuélien. Ainsi, les participants au festival seront aussi des observateurs internationaux, ils pourront témoigner des faits réels en ce qui concerne notre pays. Une telle expérience peut également constituer la base d’un mouvement de solidarité par la suite.

Combien de jeunes pensez-vous mobiliser ?

David Velásquez. Au festival de Cuba, en 97, ils étaient 12.400 jeunes. En Algérie, en 2001, un peu plus de 9.000. Nous voulons rassembler 15.000 jeunes de plus de 100 pays. En dehors du festival, ils pourront également faire du travail volontaire : repeindre une école, rénover un hôpital Ou aider à ouvrir des maisons de jeunes à des activités politiques, récréatives et culturelles. Nous adressons également un appel à des étudiants en médecine, en dentisterie et à des assistants sociaux afin qu’ils fassent leur stage au Venezuela, dans le cadre du festival.