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Économie collaborative : Airbnb accuse les coups
par Herbie Hanbi
Publie le lundi 7 mars 2016 par Herbie Hanbi - Open-PublishingTaxe de séjour, rapport Terrasse, poursuites judiciaires aux États-Unis... Airbnb est attaqué sur tous les fronts. La plateforme encaisse les coups en surfant sur la tendance de l’économie collaborative qui génère des milliards de revenus. Mais les pouvoirs publics semblent bien décidés à modifier le rapport de force avec le géant californien.
Les multipropriétaires en ligne de mire
C’est à New York que le ton s’est durci en premier. Dès 2011, la location a été interdite pour une durée inférieure à 29 jours. Depuis décembre dernier, à la suite d’une action en justice, la plateforme est obligée de fournir ses statistiques au procureur du district. Celles-ci ont révélé que 2 % des propriétaires qui disposent de plus de trois logements génèrent 24 % de l’activité sur le site. Même son de cloche à l’étranger où les pouvoirs publics encadrent de plus en plus la location de logements et chassent en particulier les multipropriétaires. Ils représenteraient ainsi 26 % des offres à Berlin et 55 % à Barcelone. A Paris, une étude réalisée pour Les Echos Week-End a conclu que 10 % des annonces proposées dans la capitale émanent de propriétaires qui proposent trois appartements ou plus. Ce chiffre grimpe à 30 % des hébergements proposés dans les Ier, IIIème, IVème et VIème arrondissements.
« Modifier le rapport de force avec Airbnb »
La municipalité parisienne s’est lancée dans des opérations coup de poing pour démasquer les multipropriétaires et les loueurs qui ne respectent pas la réglementation – pourtant légère – qui limite à quatre mois par an la location de son logement et impose un accord préalable du propriétaire en cas de location. « En 2014, les contrôles ont débouché sur 15 condamnations et 516 000 euros d’amendes cumulées, l’an dernier sur 20 condamnations et 149 000 euros d’amendes. A chaque fois, les multipropriétaires étaient en première ligne », explique Ian Brossat, adjoint au Logement à la Maire de Paris. Des chiffres encourageants si l’on en croit la municipalité qui doit mener un vrai jeu de pistes pour dénicher les fraudeurs, mais qui restent dérisoires au regard des 44 000 offres cumulées dans Paris intra muros. Pour Ian Brossat, il s’agit avant tout de « construire une coalition des villes capables de modifier le rapport de force avec Airbnb ».
De l’autre côté de l’Atlantique, jusque dans son fief californien l’ex-start-up a été inquiétée. A San Francisco, le référendum sur la « Proposition F » qui souhaitait limiter à 75 le nombre de nuits de location par personne et par an, a été rejeté à une très courte majorité par la population en novembre dernier, à la suite d’un lobbying massif d’Airbnb qui y aurait consacré plus de huit millions de dollars.
Taxer les revenus issus de la location de logements
Dans les différentes affaires qui opposent aujourd’hui les chantres de l’économie collaborative aux Etats, le nerf de la guerre reste, sans surprise, l’argent. S’agissant d’Airbnb, dans un premier temps, les pouvoirs publics – au premier rang desquels Anne Hidalgo, la maire de Paris – ont décidé d’instaurer une taxe de séjour pour essayer d’aligner quelque peu la réglementation de ces plateformes sur le régime des hôteliers traditionnels.
Deuxième priorité : taxer les revenus perçus par les particuliers qui ont recours à ses plateformes. La location d’un bien ou d’un service, facilitée par un des acteurs – de plus en plus nombreux – de l’économie collaborative (Airbnb, Le Bon Coin, Bla Bla Car...) échappe encore à l’impôt sur le revenu alors que le schéma de l’étudiant qui loue son canapé pour payer ses factures est dépassé depuis longtemps. Selon une étude du Sénat, 85% des revenus tirés par les particuliers de la location via Airbnb sont réalisés de manière illégale, et ne font l’objet d’aucune réglementation. « Par ses innovations, l’économie du partage est une opportunité pour la croissance française, reconnaît Jean-Bernard Falco, le président de l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnel (Ahtop). Cependant chacun doit jouer la partie à armes égales. Il n’est pas concevable que certains puissent contourner la loi, aux dépens d’un secteur professionnel et des citoyens » conclut-il.
Le rapport Terrasse va-t-il changer la donne ?
Le 8 février dernier, le député de l’Ardèche Pascal Terrasse déposait sur le bureau de Manuel Valls un rapport commandé en octobre dernier sur les enjeux de l’économie collaborative en France. Une de ses propositions porte précisément sur la déclaration des revenus directement via la plateforme collaborative. Airbnb serait ainsi chargé de faire le lien entre les particuliers qui ont recours à ses services et les administrations fiscale et sociale. Dernière étape : taxer la société Airbnb, qui échappe encore à l’impôt sur les sociétés grâce à un montage fiscal entre l’Europe (Irlande) et les États-Unis. Le rapport Terrasse propose de coordonner les actions des États concernés sur la base des réflexions menées au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui a fait de la lutte contre l’évasion fiscale une de ses priorités.
Impossible de nier la manne financière que représente aujourd’hui l’économie collaborative qui génère 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaire et emploie 13 000 personnes en France. Mais pas question non plus de laisser ces « nouveaux barbares » saturer le marché au détriment du secteur traditionnel, soumis à des normes beaucoup plus contraignantes. Les pouvoirs publics doivent composer avec ces nouvelles tendances qui bouleversent le marché et leur coopération au niveau international semble particulièrement pressante.