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Ecrasez et brûlez : L’Etat de l’Union de Bush fait le tour du caniveau

Publie le mardi 5 février 2008 par Open-Publishing

Par Daniel Patrick Welch

“L’Etat de l’Union est fort !” a hurlé Bill Clinton dans son dernier Hourrah avant la session conjointe du congrès américain il y a environ huit ans. C’est la coutume lors de ces spectacles phot avec chien et chevaux de se laisser aller à une rhétorique artificielle. D’où l’annonce fière de George Bush qui a dit que « nous avons montré au monde le pouvoir et la résistance de l’auto-gouvernement américain. » Comme si nous l’avions jamais fait ! Tines, prends cela, reste du monde ! Autrement Bush a soigneusement suivi et a essayé de se caser dans ce que Reagan, puis Clinton ont fixé comme étant la norme : il y a eu les habituels invités qui étaient des héros, comme l’étudiant de Virginia Tech qui a arrêté le saignement de son artère fémorale pendant la fusillade sur le campus de Blacksburg au printemps dernier. Il y eut les paroles habituelles de rhétorique partisane, sorte de célébration où la moitié du congrès applaudit bruyamment et l’autre moitié est assise immobile. Bien sûr, si les deux parties avaient un minimum d’intégrité, elles ne viendraient pas du tout.

Mais il ne s’agit pas de cela. Il s’agit apparemment des Américains qui essaient d’agir correctement avec leurs associés dans le crime parmi les ruines qu’ils ont fait du monde, en jouissant du motif en cuir et en bois noir parmi les symboles vénérables de la Démocratie en Action. C’est sans doute pour cela que, lorsque le Sénateur montant, Dennis Kucinih, a juré d’introduire plus de 50 Articles d’Accusation contre le Président des Etats-Unis aujourd’hui, entre tous les jours, des membres importants de son parti l’ont pris à part et ont expliqué que ce n’était pas comme cela que l’on faisait les choses. C’est un spectacle désolant, cette tentative désespérée pour atteindre les ors de la République une fois que nous avons arrosé le monde de napalm, d’uranium enrichi, et autres gaz dangereux. Mettre du rouge à lèvres à un porc semble un exercice de raffinement comparé à tout cela.

Quand j’étais au lycée, mon livre d’histoire s’intitulait ‘The American Pageant’. Aujourd’hui cela me fait rire de penser que les éditeurs avaient vu juste en l’intitulant ainsi. Toute cette cérémonie est tellement bien calculée, et en même temps il y a tant d’argent impliqué, qu’il est extrêmement difficile de l’expliquer. Les gens regardent cela de différents angles, de l’intérieur et de l’extérieur, essaient de juger à partir de la lumière qui jaillit, ce qui se passe en réalité. C’est voyant, tout comme une pièce de Molière, et complexe comme un fromage d’âge – et tout aussi mûr.

Et même quand Bush glisse au sommet du tas de cendres de l’histoire, le cérémonial demeure. Les crimes de guerre sont oubliés, les Américains se regroupe pour s’auto guérir comme ce costume de métal liquide froid dans Terminator II, en se précipitant vers la nouveauté suivante qui va tout améliorer. Les tentatives de l’Europe pour comprendre ce qui se passe ne sont que des tâtillonnements, tout comme pour les Américains, pour tenter de comprendre vraiment, même si leur prisme diffère. Parler à chacun est comme changer la lentille du microscope, ou la lentille de cet énorme instrument que l’oculiste utilise pour voir quel agrandissement est le meilleur … ou le pire ? Meilleur … ou pire ? Tout en essayant toute une série de lentilles. Il est fascinant de voir combien la politique américaine observe les gens de l’intérieur, et il est toujours intéressant de jongler entre les deux.

En réponse à un ancien article que j’ai écrit sur Clinton et Obama, et l’absence de débat intelligent, un ami italien a réagi dans le doute : « Mais ne représentent-ils pas la politique d’un parti ? Ce que j’en perçois depuis l’Italie, c’est que c’est un immense théâtre et ainsi il est parfaitement normal qu’aucun vrai débat n’ait lieu entre les candidates.” C’est tout à fait cela. Un observateur américain a répondu en faisant une analogie avec la lutte professionnelle : on dirait un combat de Titans, mais tout est faux. La différence c’est que le WWF l’a finalement reconnu et a continué.

Meilleur…ou pire ? De nombreux Américains veulent désespérément croire que leur choix en est vraiment un, et que les différences entre les candidates sont assez fortes pour valoir la peine de s’en préoccuper. Dans une discussion avec un ami professeur qui a vivement contesté ma notion quelque peu irrévérencieuse que Clinton et Obama était « des jumeaux provenant de la même société riche », j’ai admis qu’il y avait peut-être des différences si on les cherchait bien. J’ai ajouté que c’était une question d’échelle et c’est là que j’ai trouvé cette analogie. Meilleur..ou pire ?

En fait ce qu’il y a c’est que Bush est un canard boiteux, son Etat de l’Union, sans doute le cérémonial qui est le moins suivi de l’histoire, hormis de l’élite politique et les junkies accrocs, n’a aucun sens. Mais une fois encore, selon l’angle sous lequel on regarde tout cela, le point central est plus ou moins flou. Une espèce en voie de disparition, les Libéraux démocrates (au sens américain du terme, pas au sens européen – ce pourrait être comme les Sociaux démocrates ou les travaillistes purs et durs) lutte toujours avec l’idée qu’ils font juste x ou y, et ensuite leurs chances vont augmenter. Les pluies reviendront, les vallées refleuriront, et ils traverseront les pays avec les troupeaux à la tête desquels ils étaient autrefois.

Dans une sorte de syndrome de la femme battue, les libéraux plus particulièrement sentent que le parti qui les a battus, les aime toujours si seulement ceci ou cela et tout pourrait changer si seulement… C’est pourquoi il est important de se rapprocher, de changer la lentille et trouver le bon grossissement pour voir ce qu’ils cherchent. En théorie la vérité est que, dans ce jeu à deux partis, d’autres candidats voudraient peut-être traiter des sujets au-delà de la discussion acceptée, en dehors du champ de vision de la lentille du microscope. Meilleur…ou pire ? Mais en fait, quiconque a des idées saugrenues, comme les soins de santés à la charge d’un seul payeur, ou réduire le budget de la guerre – si en fait, quelqu’un ose le faire – ces candidats sont éliminés rapidement, comme des mauvaises herbes nuisibles, pour que le point focal reste dans le champ de vision.

Et ainsi les candidats restants, et aussi les partis eux-même, sont imprégnés des qualités et différences qui leur manquent dans un grossissement différent. Ainsi la nouveauté remplace le changement substantiel. Et il y a une certaine raison à cela, d’une manière limitée. Le nettoyage de printemps fait que l’endroit a toujours l’air un peu plus clair, même si l’huissier est à la porte avec son arrêté d’expulsion. Et on peut vraiment penser que les Américains qui en ont vraiment assez de la guerre et du désastre de ces huit dernières années, vont maintenant opter pour un changement de régime. Mais ici encore, sortir du champ de vision montre que Bush n’est pas un canard aussi boiteux qu’on pourrait le croire.

Obama est peut-être préférable parce qu’il est moins connu, un nouveau visage, pour ainsi dire. On espère, même si c’est une espèce de super production de Broadway (Epouse l’homme aujourd’hui et change ses manières demain) que les élus vont gouverner d’un autre point de vue que celui sur lequel ils font campagne. Cela s’est produit deux fois exactement dans l’histoire américaine, par rapport à notre théorie : FD Roosevelt et LB Johnson. Tous les deux ont connu des crises énormes qui leur ont forcé la main et LBJ a aussi dû remercier le(s) assassin(s) de Kennedy. C’est agréable de voir quelqu’un s’aligner avec des forces historiques plutôt que de voler l’ordre du jour des vrais radicaux, mais ils ont tendance à fonctionner quel que soit le parti ou l’idéologie. Ce fut Eisenhower qui a donné à Little Rock Nine le droit d’aller à l’école, pour l’amour du ciel, sans oublier Earl Warren. ET Tricky Dick a signé la loi la plus importante de l’histoire en faveur des enfants.

A un certain niveau, les Américains ont conscience à quel point leur gouvernement est nul, et ils veulent vraiment le modifier, même en utilisant un système pourri. Bien sûr, on trouve des différences si on veut. C’est vraiment une question d’échelle, comme regarder à l’œil nu comparé à un microscope de faible puissance. Meilleur… ou pire ? Obama ne peut pas et ne va pas changer la donne, mais les Américains l’espèrent. Choisir le Sénateur conservateur, Joe Lieberman, pour son mentor, sans oublier les fonds levés pour lui pour battre Ned Lamont, plus libéral, dans sa propre circonscription, ses louanges idiotes de Reagan, flirtant avec NAFTA, avec une sécurité sociale pour un seul payeur et la guerre… ce ne sont pas les meilleurs marcs de café. Et dans un récent courrier à l’ambassadeur aux Nations Unies, il a soutenu pleinement les efforts d’obstruction des Américains pour ne pas condamner le blocus de Gaza par Israël. Il est fantastique, tout comme Hillary – et tous les autres en fait. Ils ont tous la même chose, avec des titres différents (Dominance absolue au lieu de Internationalisme Progressiste). Tout ira mieux – plus de stupide commentaire « abstinence uniquement » pour faire obstacle à l’aide internationale, par exemple, mais le cadre sera intact --- les sociétés écrivent leurs propres lois, pas de véritable changement dans l’agression américaine au Moyen-Orient, etc.

Et ici, l’ordre du jour de Clinton va continuer : plus de Noirs en prison, augmentation de l’injustice devant la richesse – comme c’était bien avant Bush, pas de changement du tout. Cela va ressortir parce que les Américains élisent Obama (ou sera anticipé si les Américains élisent McCain) mais parce que la chute sera si totale qu’il faudra un changement non prévu et non voulu par les élites. Croyez-moi, je n’espère pas cette chute, personnellement nous avons beaucoup à perdre. Mais c’est le seul petit réconfort au fur et à mesure que l’économie fait le tour du caniveau : je n’arrive pas à obtenir un prêt ? Tant pis – personne n’obtient de prêt de toute manière ! La concession déguisée de Bush devant cette panique : « dans la cuisine, partout dans le pays, les gens se préoccupent de notre futur économique », montre à quel point il est tordu, tout comme son père avant lui. Evidemment, les Démocrates se sont groupés autour de lui pour prévoir un ensemble de stimulants qui ne se préoccupent absolument pas des gens qui seront le plus touchés par l’arrivée de cet orage. Et le cercle est bouclé.

La qualité que presqu’aucun candidat ne peut ignorer dans la politique américaine est aussi celle qu’aucun étranger ne pourra pas ne pas remarquer et représente la plus grande distinction quant au point de mire entre les Etats-Unis et l’étranger. Virtuellement tous les candidates prient au temple de l’Exceptionalisme américain. Pour ceux qui proposent des changements, le plus grand pays au monde peut sûrement faire prévue de compassion, de générosité, etc., etc., etc. Pour ceux qui veulent continuer ainsi, et bien – on en a dit assez ici : nous possédons le monde. Presque personne n’abandonnera la foi américaine dans sa grandeur assez longtemps pour simplement suggérer que nous pourrions essayer d’être bien dans ce que nous avons mal fait pendant si longtemps : la démocratie elle-même, s’occuper de notre peuple, être gentil avec les voisins, ou tous les autres paramètres d’une société en pleine santé.

C’est un point psychologique qui, s’il n’est pas brisé, ne peut simplement pas entraîner de changement. Il est impossible de croire simultanément à sa propre grandeur tout en se fixant sur ses propres fautes, ou en quittant pour voir comment ces fautes affectent le reste du monde. Dans un article précédent, j’ai suggéré qu’il n’y a rien de mal avec l’espoir.. mais de faux espoirs sont un crime de guerre. Comme les lumières s’éteignent sur l’Etat de l’Union, je caresse encore l’espoir qu’un changement va se produire – j’y crois --- pas uniquement dans la forme que nous attendons. Restez branchés.

Translated by Marie Wagner, Malta

© 2008 Daniel Patrick Welch. Autorisation de réimprimer accordée avec crédits et liens site http://danielpwelch.com. Ecrivain, chanteur, linguiste et activiste, Daniel Patrick Welch vit et écrit à Salem, Massachusetts, avec son épouse, Julia Nambalirwa-Lugudde. Ensemble ils dirigent The Greenhouse School http://www.greenhouseschool.org. Les articles sont traduits en 20 langues. Nous avons besoin de vos remarques sur le site à l’adresse http://danielpwelch.com. Lien a son nouveau CD se retrouve a http://danielpwelch.com/dansshop.htm#CD : Let It Snow