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Emilie Martin : « Madrid veut m’arrêter. Et la France, elle dit quoi ? »
par Marie PIQUEMAL
Publie le jeudi 7 novembre 2013 par Marie PIQUEMAL - Open-PublishingLa militante basque est recherchée par l’Espagne, obligeant les autorités françaises, comme sa sœur avant elle, à clarifier leur position.
Leur histoire est troublante de similitudes. Les sœurs Aurore et Emilie Martin se retrouvent, l’une après l’autre à un an d’intervalle, à incarner la position de la France sur la question basque. Chacune à leur tour, elles sont visées par la justice espagnole pour leur militantisme. Et obligent la France à clarifier sa position, notamment dans le cadre du processus de paix engagé depuis deux ans.
Il y a quinze jours, Emilie, la cadette des Martin, reçoit dans sa boîte aux lettres une convocation de la justice espagnole. « Il y avait juste écrit de me présenter ce mardi matin à 10 heures à Madrid, sans même me dire pourquoi, explique-t-elle. En précisant que si je n’obéissais pas, je serais sous le coup d’un mandat d’arrêt européen. »Elle a préféré ne pas s’y rendre. Elle sait pertinemment ce qu’on lui reproche : son implication dans Herrira. A 28 ans, elle est porte-parole en France de cette association qui aide les détenus basques, souvent des anciens membres de l’organisation séparatiste ETA.
« Rien n’oblige la France à m’arrêter »
« En France, rappelle-t-elle, l’association est tout à fait légale, on reçoit les subventions du conseil général, je suis salariée de l’association. » Mais en Espagne, Herrira a été interdite il y a peu. Le 30 septembre dernier, les bureaux en Espagne ont été fermés, la page Facebook bloquée. 18 membres ont été interpellés, et se retrouvent sous contrôle judiciaire. Les charges sont lourdes. Ils sont poursuivis pour appartenance à un groupe armé, apologie et financement du terrorisme.
« Le gouvernement espagnol est toujours dans la théorie "tout est ETA". Cela n’a aucun sens. Notre association a justement été créée dans le cadre du processus de paix pour résoudre les conséquences du conflit, en permettant le retour des réfugiés politiques et des prisonniers basques. Encore une fois, le gouvernement espagnol fait tout pour casser la dynamique ! » Elle poursuit : « En ce moment, se déroulent là-bas deux méga procès : 80 personnes sont jugées. Nous faisons tout pour avancer vers la paix et eux, ils nous font des procès. »
Emilie Martin a des mots durs, assure n’avoir aucune confiance en la justice espagnole. « Je connais leurs tribunaux. Tout le monde sait ici qu’ils bafouent constamment les droits de l’homme sur la question basque. Madrid m’appelle, mais que dit la France ? », interpelle-t-elle. Dans les jours qui viennent, l’Espagne va certainement déposer un mandat d’arrêt européen à son encontre. « La France aura alors le choix. Rien ne l’oblige à l’activer et m’arrêter comme ils ont arrêté ma sœur. »
« Il ne s’agit pas d’un conflit de personnes »
Le 1er novembre 2012, Aurore Martin était stoppée par les gendarmes sur une petite route des Pyrénées-Atlantiques, et livrée illico aux autorités espagnoles qui la recherchaient pour des faits non répréhensibles en France. A savoir, avoir participé à des réunions publiques du parti séparatiste Batasuna, interdit en Espagne, mais légal en France (autodissous depuis). C’était la première ressortissante française remise à l’Espagne dans une affaire basque. Sa sœur sera-t-elle la prochaine ?
« On va bien voir », répond, stoïque, Emilie Martin. Elle balaie d’un revers de main tout « acharnement contre ma sœur et moi. J’avoue, c’est étrange mais c’est tombé comme ça. Il ne s’agit pas d’un conflit de personnes. Nous sommes dans un conflit politique. Parfois, des familles entières se retrouvent en prison. »
Emilie ne compte pas se cacher. Elle se dit même « plutôt curieuse » de voir comment les autorités françaises vont réagir. « Il est plus que temps que la France arrête de s’aligner sur l’Espagne sur la question basque. Qu’on avance vers la paix. » Demain, comme tous les jours, elle se rendra dans les locaux de Herrira, au cœur du petit Bayonne. « Pour travailler. Evidemment que je continue. Même si avec l’interdiction en Espagne, on a une jambe en moins. »