Accueil > En Grèce, les traques et attaques d’Aube dorée

En Grèce, les traques et attaques d’Aube dorée

par Maria MALAGARDIS

Publie le mardi 10 septembre 2013 par Maria MALAGARDIS - Open-Publishing

Le parti néonazi multiplie provocations et agressions sur les immigrés, pour qui l’atmosphère de ce pays en crise est de plus en plus irrespirable.

Avec un record de 17 millions de visiteurs cette année, la Grèce a de bonnes raisons d’aimer les étrangers. Ils offrent en effet à un pays en faillite une manne inespérée (estimée à 11 milliards d’euros pour 2013). Mais loin des plages et des îles aux maisons blanches sur fond bleu qui séduisent tant les touristes, d’autres étrangers vivent la peur au ventre. Car la trêve estivale n’a pas mis un terme aux agressions dont sont désormais régulièrement victimes les immigrés en Grèce. Particulièrement ceux qui ont le malheur d’avoir la peau sombre, cible privilégiée des militants d’Aube dorée, le parti néonazi entré pour la première fois au Parlement en juin 2012 avec 18 députés.

Mamadou Ba a croisé leur route à deux reprises. Depuis, ce Guinéen de 40 ans craint pour sa vie tous les soirs, lorsqu’il se rend à son travail dans une taverne du centre d’Athènes, où il officie comme plongeur. « Maintenant, je sais qu’ils me cherchent. Ils ont repéré où je travaille et, après m’avoir agressé le 22 mai, les mêmes individus sont revenus rôder dans le quartier au mois de juillet. Ils sont furieux car, la première fois, j’ai réussi à m’enfuir et à me cacher », affirme ce réfugié, arrivé en Grèce en 2006 après avoir fui la violence politique dans son pays d’origine.

Tatouages. Le scénario est toujours le même : un groupe de jeunes hommes, vêtus de noir et souvent bardés de tatouages, interpellent l’étranger qu’ils ont repéré d’un « que fais-tu encore en Grèce ? » ou plus simplement lui demandent son pays d’origine. Immédiatement après, les premiers coups pleuvent. Dans le cas de Mamadou Ba, ses agresseurs étaient munis d’une barre de fer.

Les deux Pakistanais de 18 et 20 ans qui ont subi la même mésaventure dans la nuit du 12 au 13 août près de Héraklion en Crète ont, eux, été poignardés. Le plus âgé a eu les veines tranchées alors qu’il tentait de se défendre, le plus jeune a été atteint à la carotide. Eux aussi ont identifié leurs agresseurs : des militants d’Aube dorée qui sortaient de la soirée d’anniversaire du bureau du parti à Héraklion. Arrivés à cinq ou six voitures et à une dizaine de motos, ils ont fini par abandonner leurs victimes sur la route. Malgré leurs blessures, les deux jeunes clandestins n’ont pas osé aller à l’hôpital ni porter plainte à la police. « La police ? Ce n’est jamais un recours pour les immigrés. Les flics grecs nous harcèlent en permanence. Lors d’un contrôle, j’ai subi une fouille au corps humiliante, et les policiers m’ont pris les 40 euros que j’avais sur moi, soit deux jours de salaire », s’insurge Mamadou Ba.

Parfois, les militants d’Aube dorée se font passer pour des policiers. Comme ce fut le cas le 26 juillet, lors de l’attaque d’un centre pour migrants à Tavros, au sud-ouest d’Athènes. Ce jour-là, six hommes se sont présentés au centre en prétendant faire partie des forces de l’ordre avant de révéler leur appartenance au parti néonazi, frappant violemment les migrants après leur avoir confisqué leurs attestations de travail, selon le site Okeanews.

Retranchés. Deux jours avant cette attaque, Aube dorée procédait à une distribution de nourriture devant le siège historique du parti, au métro Station Larissi, dans un quartier populaire d’Athènes. Une distribution de vivres en temps de crise, mais uniquement réservée à ceux qui pouvaient présenter une carte d’identité grecque, alors que les militants entonnaient en cœur un hymne nazi. La date n’a pas été choisie au hasard : le 24 juillet, les Grecs célèbrent l’anniversaire de la fin de la dictature militaire en 1974 et le retour de la démocratie. Or, Aube dorée est ouvertement nostalgique de la junte des Colonels.

Ces agressions et provocations suscitent certes des condamnations officielles. Le maire d’Athènes avait ainsi tenté d’empêcher cette distribution réservée aux seuls Grecs en interdisant ce jour-là le centre-ville aux membres d’Aube dorée, qui se sont alors retranchés dans le périmètre du siège du parti. De son côté, le ministre de l’Ordre public, Nikos Dendias, a qualifié Aube dorée de « copie du totalitarisme nazi ». Mais outre l’impunité dont bénéficient trop souvent les militants néonazis, la politique de répression de l’immigration clandestine menée par le gouvernement conforte en réalité les discours d’Aube dorée. Début août, l’ONG Human Rights Watch a ainsi dénoncé « les arrestations abusives de dizaines de milliers de sans-papiers présumés », rappelant que « la violence xénophobe en Grèce a pris des dimensions alarmantes ». Mais, alors que le pays ne voit toujours pas d’issue à la crise, malgré l’embellie touristique, l’étranger reste un bouc émissaire facile. Et, pour Mamadou Ba, il n’y a plus qu’une issue : « Quitter la Grèce au plus vite. »

http://www.liberation.fr/monde/2013/09/03/en-grece-les-traques-et-attaques-d-aube-doree_929176