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Esclavage : les révisionnistes ne doivent plus échapper à la Justice

Publie le mardi 17 octobre 2006 par Open-Publishing

de Claude Ribbe

Au printemps 2005, un obscur universitaire nantais, en mal de promotion et de reconnaissance, s’était permis, dans un hebdomadaire de grande diffusion, d’ironiser sur les descendants d’esclaves français, que d’autres, au même moment, traitaient d’ « assistés ». Ce fonctionnaire était allé jusqu’à déclarer que la loi Taubira (qui dispose que l’esclavage pratiqué par les Européens est un crime contre l’humanité) était « de nature à renforcer l’antisémitisme en France ». Un observateur aussi avisé que l’historien Patrick Manning, professeur à l’Université de Boston, n’hésita pas à déclarer que les termes de l’interview « vis[aient] clairement à la division des communautés d’origine juive et africaine. »
Des poursuites ont bien été engagées. Mais certaines associations ont jugé plus prudent de renoncer à leurs actions, sous la pression des membres les plus arrogants de l’establishment, habitués depuis longtemps à agir en toute impunité puisqu’ils se vantent de disposer de tous les monopoles, y compris celui de la mémoire.

Mais ces temps-là sont révolus. Les représentants du peuple français viennent, à juste titre, de décider que la négation du caractère criminel du génocide arménien devait être sanctionnée, comme ils avaient plus tôt déclaré délictueuse la négation de la Shoah.

En toute logique, il convient, de la même façon, que la négation du caractère criminel de la traite et de l’esclavage transatlantiques soit sévèrement réprimée par la loi. L’impunité dont certains historiens révisionnistes ont pu bénéficier est une insulte insupportable pour des millions de Français auxquels jusqu’ici on a refusé et la parole et la mémoire. Cela ne saurait durer.

Olivier Pétré-Grenouilleau, caution historique des extrémistes racistes qui ont sournoisement infiltré l’establishment, mène depuis plusieurs années une démarche visant à minimiser le caractère criminel de l’esclavage codifié et rationalisé par les Européens en le mettant en perspective avec la traite pratiquée par les Arabes et une traite "interne" qu’airaient pratiquée les populations subsahariennes. Pour parvenir à ses fins, Pétré-Grenouilleau n’a pas hésité - sans risque d’être contredit - à manipuler, voire falsifier les résultats des recherches d’auteurs anglo-saxons plus qualifiés que lui, tels que Ralph Austen ou Patrick Manning. Il n’a pas hésité non plus à appuyer cette falsification éhontée de l’histoire sur un présupposé ouvertement raciste puisque toute sa démarche se fonde sur une comparaison d’hommes différents vivant à des époques différentes, parfois à mille ans de distance.

Mais Pétré-Grenouilleau, dès la page 20 de son principal ouvrage, s’est estimé en droit de les comparer entre eux sous le prétexte que « c’étaient des noirs ». Ainsi, l’Africain de l’est transporté au Moyen Orient au IXe siècle et voué à des tâches domestiques ou à la vie militaire est-il, pour l’hagiographe des négriers nantais, comparable aux populations originaires d’Afrique occidentale déportées mille ans plus tard dans les plantations sucrières d’Amérique. C’est comme si l’on comparait la Shoah aux pogroms ! Peu importe : tous les "noirs" se ressemblent. Il s’agit de produire des chiffres pour que des journalistes incultes ou des politiciens dévoyés puissent affirmer que les « arabo-musulmans » et les « noirs » ont été les pires négriers. Une manière comme une autre d’alimenter l’islamophobie et la négrophobie ambiantes. Ces manipulations grossières ont été encouragées par une campagne promotionnelle sur les antennes du service public et l’obtention de prix émanant d’institutions officielles. C’était d’autant plus facile que l’éditeur de Pétré-Grenouilleau appartient lui-même à certaines de ces institutions. BIen mieux, le Nantais est aujourd’hui chroniqueur dans un quotidien respectable où il couvre d’éloges les auteurs les plus nostalgiques de la colonisation !

Il est temps d’en finir avec de pareilles dérives. L’impunité dont bénéficient les révisionnistes est une insulte pour des millions de Français. La proposition de loi déposée en 1998 par Christiane Taubira prévoyait à l’origine un dispositif répressif. Mais Christiane Taubira dut bien vite y renoncer, comme elle devra bientôt renoncer à se présenter à l’élection présidentielle pour défendre des idées qui dérangent même son propre camp.

J’appelle donc les parlementaires - et en particulier les élus de l’Outre-mer - à déposer sans attendre une proposition de loi visant à punir la négation du caractère criminel de la traite transatlantique et de l’esclavage aux Amériques et l’offense à la mémoire des esclaves ou à l’honneur de leurs descendants.

J’appelle les Français descendants d’esclaves à sanctionner lors des prochaines élections présidentielles, législatives et municipales, tous les politiques qui auront soutenu ceux qui nient ou relativisent le caractère criminel de l’esclavage occidental.

J’appelle les associations défendant l’honneur et la mémoire des esclaves, sans attendre le vote d’un dispositif pénal spécifique, à traduire les révisionnistes devant les juridictions civiles, notamment sur le fondement des articles 1482 et 1483 du Code civil, déjà utilisés avec succès à l’encontre de ceux qui niaient... le génocide arménien.

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