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Extraits de la conversation entre Chávez et une centaine d’intellectuels, à Madrid...

Publie le vendredi 3 décembre 2004 par Open-Publishing
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« La démocratie c’est tous les jours »

« C’est-à-dire que je finance Bush »

Extraits de la conversation entre Chávez et une centaine d’intellectuels, à Madrid, au mois de novembre 2004

de Pascual Serrano

www.rebelion.org

26 novembre 2004

Comment voyez-vous la prochaine réunion des présidents sud-américains ?

Hugo Chávez : Nous avons été très critiques des processus d’intégration latino-américains, parce qu’il s’agissait souvent de désintégration. Simón Bolívar a été celui qui a mené le plus loin l’idée de conformer une ligue des nations latino-américaines. Le premier Sommet des Amériques, il y a dix ans, a eu lieu à Miami. Clinton avait dit que c’était le Rêve de Bolívar qui se faisait réalité. Mais non, ce qui se faisait réalité c’était le rêve de Monroe, c’est-à-dire le rêve d’un contrôle des pays latino-américains par les Etats-Unis.

Des initiatives telles que le Mercosur ne sont qu’un point de rencontre commercial, il ne s’agit pas d’une authentique intégration. Nous nous sentions seuls dans notre projet intégrationniste jusqu’à il y a deux ans, lorsque Lula est arrivé. L’empire a toujours voulu éviter ce qui est maintenant en train de se former, Lula, Kirchner ; le gouvernement néolibéral bolivien qui tombe, survient un gouvernement de transition ; et maintenant Tabaré [Vásquez] en Uruguay. Egalement le président du Paraguay s’oppose au néolibéralisme. Le Sommet d’Ayacucho va nous permettre de faire un pas en avant, parce que l’unité du bloc des nations latino-américaines avance de façon très ferme.

Vous avez dénoncé la façon dont est traité votre gouvernement et la situation de votre pays par les médias, au Venezuela et à l’extérieur. Comment percevez-vous cette situation maintenant ?

Hugo Chávez : Cela a été terrible. Comme dirait Galeano, « jamais autant de personnes n’ont trompé tant de personnes ». J’ai été victime d’un coup d’Etat, j’ai été séquestré dans un avion et emmené dans une île et personne ne disait la vérité. Tous disaient que j’avais signé la démission, ce qui était un mensonge, ils auraient d’abord dû me fusiller. Avant que le coq n’est chanté deux fois, le peuple et les militaires loyaux à la Constitution sont parvenus à restaurer le gouvernement légitime et l’ordre constitutionnel. Un journal ici en Espagne avait alors titré : « Le peuple a renversé Chávez et les militaires l’ont remis en place ». Ensuite est venu le sabotage contre notre entreprise pétrolière, PDVSA, cour de l’économie vénézuélienne, puis le referendum, que nous avons remporté avec 60% des voix. Nous venons d’avoir confirmation de l’existence d’une opposition terroriste avec l’assassinat du Fiscal [procureur] qui enquêtait sur le coup d’Etat. La situation tend à s’améliorer.
Les médias tendent à reprendre leur travail normal. La critique, qu’elle soit bienvenue. Nous n’avons fermé aucun média, malgré les insultes et les agressions verbales contre ma personne. Nous croyons également qu’en Espagne la situation évolue quant au traitement médiatique du Venezuela.

Quelle est la protection internationale dont bénéficie votre pays ?

Hugo Chávez : Lorsque nous sommes arrivés à l’OPEP, cette dernière ne valait même pas un baril de pétrole. Le Venezuela avait été jusqu’alors la cinquième colonne des Etats-Unis dans l’OPEP. Nous nous sommes réunis avec tous les pays et nous avons relancé l’organisation. Lorsque nous avons dû faire face à la grève patronale qui a paralysé notre économie, nous avons pu bénéficier de la solidarité du Brésil, qui nous a envoyé du pétrole, de Cuba, qui nous a envoyé des aliments et du sucre, de la Colombie, qui nous a permis d’utiliser ses ports pétroliers à Santa Marta et à Carthagène. La Russie également nous a envoyé du pétrole ; et l’Algérie et d’autres pays de l’OPEP ont envoyé des techniciens qui se sont mis à notre service.

A la suite du coup d’Etat et après ma restitution comme président du Venezuela, les Etats-Unis ont voulu me faire appliquer la Charte Démocratique Interaméricaine, un dispositif d’intervention dans toute sa splendeur, en disant que c’est moi qui avait fait un coup d’Etat contre Carmona. Les pays des Caraïbes, petits par la taille mais grands en dignité, et beaucoup de latino-américains se sont opposés aux intentions nord-américaines.

Effectivement il n’y a plus d’Union soviétique, mais nous avons beaucoup d’amis dans le monde.

Votre système est considéré avancer vers la démocratie participative mais lors des dernières élections régionales la participation électorale a été très basse. Comment expliquer cela ?

Hugo Chávez : Les chiffres définitifs de l’abstention lors des dernières élections pour les maires et les gouverneurs étaient de 51%. Durant les années 1980 l’abstention pour les municipales est arrivée à 90% et pour les gouverneurs elle est arrivé à 60%. L’abstention lors du referendum révocatoire n’a été que de 35%, sans précédent au Venezuela.

Il faut aussi tenir en compte le fait que lors des dernières élections, l’opposition a appelé à ne pas voter, c’est pour cela que nous avons remporté 20 Etats sur 22.

Mais tout important que soit le nombre de participants aux élections, la démocratie participative ne peut être mesurée par l’affluence le jour des élections. C’est la participation des citoyens aux taches les plus diverses : santé, comité de terre, armées de volontaires qui alphabétisent, Cercles bolivariens, groupes d’études pour la distribution de l’eau, groupes de voisins pour définir les besoins et l’orientation du budget. La démocratie c’est tous les jours, et non pas seulement le jour des élections. Si nous voulons en finir avec la pauvreté, donnons le pouvoir aux pauvres. C’est pour cela que nous avons pris des initiatives comme la microbanca, pour donner des crédits aux gens organisés dans les quartiers pauvres.

D’Europe on perçoit la société vénézuélienne comme très polarisée. Existe-t-il un projet pour calmer les relations entre votre gouvernement et l’opposition ?

Hugo Chávez : Ce qui se passe au Venezuela, d’un point de vue mathématique arrive dans le monde entier. Bush-Kerry aux Etats-Unis, Zapatero-Rajoy en Espagne, Lula-Serra au Brésil. Nous avons eu 56% des voix en 1998 et l’opposition environ 40%. En l’an 2000, avec la nouvelle Constitution, nous avons remporté 58% des voix. Quatre ans plus tard nous avons remporté 59% des voix. Durant les années 1998 et 1999 il n’y a eu aucune violence sociale, il y avait une paix totale. Nous avons pourtant abordé des questions conflictuelles, comme l’avortement, les droits des homosexuels, etc. Durant l’année 2000 il n’y a pas non plus eu de problème. Mais est arrivé l’année 2001, et lorsque ont été touchés les privilèges économiques de l’oligarchie, la conspiration a éclaté, les médias ont commencé à dire que Chávez était un fasciste, ou un communiste, ou qu’il voulait convertir le Venezuela en nouvelle Cuba. La situation était tellement crispée que les gens pouvaient être victimes d’actes publics de
rejets, en tapant sur des casseroles, alors qu’ils se trouvaient au restaurant avec leur famille ou dans un théâtre, jusqu’à ce qu’ils soient contraints de partir. Des militaires apparaissaient à la télévision en uniforme, appelant à l’insurrection, ils payaient des soldats pour qu’ils formulent des accusations de toute sorte contre moi, ils ont payé un pilote militaire pour qu’il dise qu’il avait apporté dans un avion de la drogue ou des armes à la guérilla colombienne.

Ces méthodes doivent être dépassées au Venezuela et nous devons assumer et normaliser les différences politiques comme dans n’importe quel pays.

A mon avis Cuba est une dictature inefficace. Ne devriez-vous pas appuyer une transition a Cuba ? Que peut faire le Venezuela pour que l’aide à Cuba la convertisse en une démocratie ?

Hugo Chávez : Nous sommes très respectueux vis-à-vis de Cuba. Et nous donnons la même aide à la République Dominicaine, par exemple. Il ne nous passerait jamais par la tête que cette aide doive être conditionnée. Les amis sont les amis. Nous respectons Cuba et nous avons nos propres critères. Il n’y a personne de mieux placé que Fidel Castro pour répondre à cette question. Jamais je ne dirai que la situation qui existe à Cuba soit comparable à une dictature. Je n’en ai pas la force. Pourquoi ici en Europe vous ne demandez pas que dans les pays arabes les présidents soient élus ? A Cuba il n’y pas d’analphabétisme, et dans des pays considérés démocratiques il y a 40% d’analphabétisme. Le thème est très délicat pour moi en raison de mon respect pour Cuba et sa Révolution. Dans mon pays nous avons les médecins cubains qui travaillent dans les quartiers pauvres. Ils ont laissé leur famille à La Havane et ils passent parfois deux ans à prendre soin des Vénézuéliens. Sans doute le modèle d’intégration et de coopération que nous inaugurons entre Cuba et le Venezuela est un exemple que nous apporterons vers beaucoup de pays latino-américains. Je crois que c’est un Cubain qui apporterait la meilleure réponse à cette question.

Comment sont appliquées au Venezuela les politiques de redistribution des richesses ? Comment la Révolution bolivarienne s’attaque-t-elle à la corruption qui existe dans l’administration vénézuélienne et comment les mouvements sociaux participent-ils à la lutte contre cette corruption ?

Hugo Chávez : Toute transformation économique doit être orientée vers le versant social. En cinq ans nous avons avancé. Cela nous a coûté beaucoup de récupérer l’entreprise pétrolière publique PDVSA qui était aux mains d’une technocratie dénationalisée. Lorsque j’étais un jeune lieutenant on m’avait envoyé pour capturer des guérilleros comme Alí Rodríguez et Guillermo García Ponce, tous les deux ici avec moi maintenant, le premier comme ministre et le deuxième comme directeur d’un journal. J’ai réalisé que c’est eux qui avaient raison de lutter pour leurs revendications.

Récupérer PDVSA a été une tache titanesque. Un gérant de cette entreprise a fini comme conseiller du président nord-américain, ce qui nous donne une idée sur qui il a toujours servi. Ils étaient sur le point de tout privatiser, ils avaient déjà privatisé le cerveau de l’entreprise pétrolière, c’est-à-dire, tout le contrôle informatique qui était aux mains d’une entreprise mixte dont les directeurs étaient tous membres de la CIA. Ils étaient un Etat dans l’Etat, il était impossible de les contrôler, pas question d’un audit, ils ne répondaient ni devant le gouvernement ni devant le Congrès, ni devant la Cour des Comptes. Ils avaient lancé des investissements dans le monde entier qui ne rapportaient même pas un centime au Venezuela. Avec le coup et la grève pétrolière 17 000 gérants ont été congédiés en toute légalité parce qu’ils avaient abandonné leur travail durant deux mois pour partir en vacances. Jusqu’à aujourd’hui PDVSA possède des stations d’essence et des raffineries aux
Etats-Unis qui ne nous rapportent pas un centime, et en plus nous devons pratiquer un rabais pour le pétrole. Et nous ne pouvons pas revenir sur cette situation parce que perdrions le procès devant les tribunaux nord-américains. C’est-à-dire, que je finance Bush. Et après ça on dit que je finance Fidel Castro, celui à qui je donne de l’argent c’est au président nord-américain, pas à Fidel.

Mais au moins nous avons récupéré la partie vénézuélienne de PDVSA et 1 700 millions de dollars du budget de PDVSA ont été destinés à la lutte contre la pauvreté. Il y a encore 2 000 millions du budget de l’an prochain qui auront une destination sociale. Eux, par contre, quand ils étaient aux commandes de l’entreprise pétrolière, ils ne payaient pas d’impôts parce qu’ils déclaraient des dépenses fictives, y compris ils sont allés jusqu’à réaliser des forages en des zones où ils savaient qu’il n’y avait pas de pétrole pour justifier certaines dépenses.

Un autre point concerne la récupération des impôts. Au Venezuela personne ne payait d’impôt. Aujourd’hui nous sommes en train d’automatiser les douanes, parce que, par exemple, la contrebande était tout à fait courante. Mais, par dessus tout, nous voulons dépasser le néolibéralisme pour parvenir à un Etat social démocratique de justice.

Messages

  • Le président Hugo Chavez, maintes fois plébiscités par son peuple, est un véritable espoir pour tous les peuples latino-américains. Le détonateur pacifique d’une prise de conscience à l’échelle d’un continent, qui se réveil d’un coma entretenu par le carcan militaro-économique étatsunien.

    A l’image de Cuba qui vient de débarrasser son économie d’une gangraine appellé dollars (1), et qui malgré les puissantes campagnes de diffamations à son égard, reste un modèle social pour l’immense majorité des sud Américains, le président Hugo Chavez démontre à son tour qu’un autre monde est possible, en remettant l’économie de son pays au service de la population. En remettant l’Homme au centre des préoccupations. Une épine supplémentaire dans les pieds tentaculaires de la junte de Whashington, qui n’a jamais voulue autre chose pour ce continent, qu’une exploitation sanglante et forcenée, afin que ces derniers puissent devenirs obèses et consomment sans retenue les ressources de populations volontairement maintenues aux services des lobbys trans-nationaux étatsuniens.

    La patience d’Hugo Chavez envers une "opposition" parfaitement téléguidé, n’a d’équivalent que sa détermination à mener à bien les missions pour lesquelles tout un peuple le soutient.

    Avec les "évenements" vénézueliens, beaucoup ont compris la situation que vivait Cuba depuis 1959, et si les trajectoires de ces deux pays sont différentes, les finalités sont les mêmes.

    VIVA HUGO CHAVEZ !

    (1) http://fr.groups.yahoo.com/group/CubaSolidarityProject/message/7015

    Centre Ernesto Che Guevara.
    François Valy, secrétraire général.

    http://www.centre-ernesto-che-guevara.org/

    Dans le lien "Vidéos et films" ==> La Révolution ne sera pas télévisée