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Féminin et masculin mêlés

Publie le samedi 6 mars 2004 par Open-Publishing

Les excellentes intentions proclamées en faveur de l’égalité professionnelle ne suffisent pas, sans de véritables revalorisations salariales et une politique qui multiplie les crèches et des dispositifs sociaux.

Une célébration annuelle et les fleurs offertes qui fanent vite. Le 8 mars est souvent resté un alibi, une pensée et puis s’en va. Depuis plusieurs années, il est redevenu une tribune, un porte-voix, un point de convergence des colères, des revendications au premier rang desquelles l’égalité, un mot que les idéologues de la droite - si longtemps réticents à la parité - voudraient bien bannir pour lui substituer celui d’équité. Un diminutif de plus que ces réducteurs de tête voudraient aussi appliquer aux femmes.

L’injustice éclate pourtant à chaque paragraphe des études statistiques. Les filles sont 68 % à obtenir un diplôme équivalent ou supérieur au baccalauréat contre 53 % pour les garçons. Mais ces derniers sont nettement majoritaires dans les filières prestigieuses, les classes préparatoires et les grandes écoles. 25 % des jeunes femmes de moins de 25 ans sont chômeuses contre 20 % pour les jeunes hommes. Les deux tiers des postes de cadre du secteur privé sont occupés par des hommes et moins de deux dirigeants sur dix sont des dirigeantes. Elles subissent plus souvent la précarité et les métiers où elles sont très majoritaires comme les professions infirmières sont aussi celles où les salaires sont les plus bas. C’est dire que les excellentes intentions proclamées par le président de la République qui souhaite que l’égalité professionnelle commence dans la fonction publique, ne suffisent pas, si elles ne s’accompagnent pas d’une véritable revalorisation salariale, d’une politique qui multiplie les crèches et des dispositifs sociaux. On n’a pas remarqué que Jean-Pierre Raffarin eut emprunté ce chemin.

Si personne ne se hasarde à nier que les tâches familiales sont majoritairement dévolues aux femmes, que l’éducation des jeunes enfants puis le soutien scolaire leur revient, sait-on qu’elles ont - professionnelles ou non - la charge des personnes âgées ? Ce sont elles que Jean-François Mattei depuis sa villa azuréenne mettait en accusation lors de la canicule, leur reprochant d’avoir failli en partant en vacances. Lui. Qui avec ses amis mettent l’hôpital et les maisons de retraite dans l’incapacité d’assumer leurs missions.

S’il faut se féliciter qu’enfin la revendication de l’égalité professionnelle ne soit plus dédaignée par les pouvoirs publics, ce n’est certes pas le signe que les autres domaines de la vie sociale sont vécus en un harmonieux duo. Les hommes ne consacrent que 6 minutes de plus qu’en 1986 aux tâches ménagères et deux fois moins de temps que les femmes. Les progrès sont lents. Pour chacun d’entre nous et pour tous.

Rien n’est jamais acquis aux femmes, pourrait-on dire en parodiant Aragon. Reviennent en force sous des masques religieux les archaïsmes les plus sinistres, les prisons du voile derrière lesquelles sont enfermés la beauté et le désir, le refus de la mixité qui cantonne dans des bantoustans sociaux, des lois du plus fort, du plus barbu ou du caïd qui bannissent le respect et la tendresse.

Ces violences ne sont pas cantonnées aux quartiers les plus déshérités. Elles ont cours dans les conseils d’administration les plus huppées. " Dans ce modèle de société-là, relèvent les dizaines d’associations, syndicats et partis de gauche qui appellent à manifester demain à Paris, il est légitime que tout s’achète et tout se vende, en particulier le corps des femmes et des enfants " ou leur image en grand et à nu sur les murs de nos villes. Autant de raisons qui donnent envie de construire une autre société. Ensemble. Féminin et masculin mêlés.

L’Humanite