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Fin mars il sera trop tard.

Publie le mardi 11 mars 2003 par Open-Publishing

AGCS - Fin mars il sera trop tard.

Pendant que tous les yeux sont braqués sur l’Irak
et les Etats-Unis, l’Omc étend son emprise sur le commerce mondial.

Le temps presse. Le 31 mars, les 140 états
membres
(soit presque tous les pays du monde) devront avoir communiqué à l’OMC
la liste
des services qu’ils sont prêts à offrir à la
concurrence internationale dans le cadre de l’AGCS (Accord Général sur
le Commerce des
Services)1.

Les services visés par l’AGCS ne représentent pas
seulement des transactions commerciales portant sur une valeur de
quelque 1’300
milliards de dollars chaque année, soit environ
22
% de tout le commerce mondial, mais il s’étendent à presque toutes les
activités
humaines. Le texte mentionne pas moins de 160
secteurs économiques différents.

Citant l’article 1 al. 3-b de l’AGCS, les
dirigeants de l’OMC nous font croire que les services publics ne sont
pas concernés, puisque
l’accord englobe « tous les services dans tous
les
secteurs, à l’exception des services fournis dans l’exercice du pouvoir
gouvernemental ». Mais ils omettent
volontairement
de citer le paragraphe suivant, stipulant que seuls les services
gouvernementaux
fournis « ni sur une base commerciale, ni en
concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services » seront
épargnés par l’AGCS.
Par conséquent, les seuls domaines à échapper à
la
privatisation sont la justice, la police, la gendarmerie et l’armée.

En clair, cela signifie que des domaines aussi
cruciaux que la distribution d’eau, les chemins de fer, la santé, les
services sociaux,
l’éducation, la culture, les sports, les loisirs,
les services financiers, la poste, l’énergie, l’environnement, les
télécommunications ou le
ramassage des ordures tombent sous le coup de
l’AGCS. On comprend les convoitises qui se manifestent quand on sait
que
le marché
mondial de l’éducation est évalué à quelques
2’000
milliards de dollars et celui de la santé à 3’500 milliards de dollars.

Vos enfants à l’école Nestlé ou Vivendi ? C’est
pour demain, puisque l’accord entrera en vigueur à la fin de l’année
2005. Et
l’enseignement public ? conformément à la clause
du « traitement national », les pays membres devront accorder les mêmes
conditions et subventions aux puissantes
multinationales étrangères qu’aux entreprises nationales, publiques ou
privées. Autant dire
que ces dernières ne résisteront pas aux dures
lois de la concurrence. Les normes légales (droit du travail,
protection
de
l’environnement, santé publique, etc...) n’y
résisteront pas non plus.

Pour exemple, l’un des « modes de fournitures »
des services prévu par l’AGCS illustre bien cette problématique : une
entreprise
pourra importer le personnel jugé nécessaire à la
fourniture d’un service sur le territoire d’un autre pays membre,
important en même
temps des conditions salariales nettement plus
basses que celles en vigueur dans ledit pays. Ca ressemble à de
l’esclavage.

On se souvient encore de la brève entrée en scène
de l’AMI (Accord Multilatéral sur l’Investissement), concocté dans le
plus grand
secret et mort d’avoir été dévoilé au grand jour
 ;
eh bien l’AGCS est son digne héritier. Le moins qu’on puisse en dire,
c’est que les
médias ne font pas de zèle pour en dénoncer les
enjeux.

Même les parlementaires des pays concernés ont
toutes les peines du monde à savoir ce qui se trame :
En Suisse, le Secrétariat d’Etat à l’économie
(Seco), qui dirige le dossier, ne consulte que les milieux économiques
intéressés. Le
Conseil Fédéral ne prendra connaissance de la « 
liste des offres » (la liste des secteurs économiques livrés en pâture
aux
multinationales, par opposition à la « liste des
demandes », tout aussi secrètes, déposée à l’OMC en juin dernier) que
quelques jours
avant que celle ci ne soit remise à l’OMC.
L’Union Européenne fait preuve de plus de
transparence puisque en novembre 2002, elle a soumis aux gouvernements
de l’UE et aux
ONG un résumé de 70 pages de sa liste d’offres.
Effort louable, mais c’est dans les détails que ce genre d’accord prend
toute sa
substance.
En Belgique, après un combat acharné, des
parlementaires ont réussi à obtenir un document qui fut distribué dans
l’hémicycle et
repris en fin de séance, empêchant toute
photocopie.

Pour couronner le tout, impossible, après le 31
mars, de faire marche arrière. Si un gouvernement décide de rétablir
des
restrictions à
la fourniture des services, il devra en
contrepartie ouvrir un autre secteur à la libéralisation, ou payer des
dédommagements aux
fournisseurs étrangers pour compenser leur manque
à gagner.

De la science-fiction ? Pas du tout. Et devinez
d’où vient cette merveilleuse arnaque ? Selon M. Hartidge, directeur de
la division des
services à l’OMC : « sans l’énorme pression faite
par le secteur américain des services financiers, (…) l’accord sur les
services n’aurait
pas vu le jour ».

Pendant que papa Bush et fiston maintiennent
notre
attention focalisée sur le spectacle désolant et fort médiatisé du
pentagone dans
son plus beau rôle, leur valetaille de la World
Company signent en catimini des pactes avec nos gouvernements.

1 L’AGCS est un des accords cadre que l’OMC
(basée
à Genève) veut nous imposer ; accords illimités qui ne seront jamais
véritablement achevés, mais en perpétuelle
négociation. Les autres accords cadre sont : ? l’accord sur les
obstacles techniques au
commerce, ? l’accord des mesures sanitaires et
phytosanitaires, ? l’accord sur les droits de propriété intellectuelle
liés au commerce, ?
l’accord sur l’agriculture, ? l’accord sur les
investissements liés au commerce, ? l’accord sur les règles et
procédures régissant l’ORD
(l’Organe de Règlement des Différends, qui est la
« cour suprême » de l’OMC, cumulant les fonctions de juge, partie et
organe de
recours).

Auteur : Etié
lundi 10 mars 2003