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GAUCHE UNITAIRE : APRES LE 10 DECEMBRE…

Publie le samedi 16 décembre 2006 par Open-Publishing
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de Jean-Luc Gonneau

Comme on le sait sans doute, la réunion nationale des collectifs pour des candidatures unitaires pour une alternative au libéralisme, convoquée les 9 et 10 décembre pour désigner un(e) candidat(e) à l’élection présidentielle n’a pu aboutir à une décision. La presse a fait écho, parfois en s’en gaussant, à cet échec. Pour autant, les ponts ne sont pas coupés, et les collectifs ont mandaté leur instance nationale pour rechercher une solution. Pourquoi cet échec ? Quelles pistes pour aboutir ?

Pourquoi cet échec

La méthode choisie pour aboutir à une candidature commune n’est pas des plus simples. Soyons positifs et disons qu’elle est innovante. Baptisée « double consensus », elle suppose un accord au niveau des collectifs locaux et des organisations membres du collectif. La notion de consensus est bien différente de celle de majorité : elle implique un accord sinon unanime, du moins partagé par le plus grand nombre.

Le mouvement regroupe des collectifs locaux de tailles différentes (de quelques personnes à deux ou trois centaines). La composition de ces collectifs est également très variable : présence dans certains de militants de diverses organisations, d’une seule (souvent le PCF) dans d’autres, participation de citoyens non adhérents à des organisations très variable. Chaque collectif étant autonome, les votes pour désigner un candidat ont pris des formes différentes : uninominal, préférentiel à 3, 4 ou 5 candidats, pondérés ou pas par des coefficients, consensus sur un ou deux noms, refus de choisir, et on en passe. Comptabiliser les résultats, dans ces conditions, devient une opération à haut degré d’approximation.

L’analyse des résultats des réunions des collectifs locaux est cependant riche d’indications. Ainsi, nul ne peut contester que Marie-George Buffet est la personne la plus souvent désignée. A-t-elle obtenu une majorité absolue ? Ce n’est pas évident, et de plus a peu de sens dans la mesure où c’est la notion de consensus qui s’applique, et non celle de la majorité. Mais il faut retenir qu’une partie importante des membres des collectifs propose la candidature de Marie-George Buffet. Le poids numérique du PCF par rapport aux autres organisations n’y est pas pour rien, d’autant que la direction du parti a fortement pesé pour mobiliser ses adhérents autour de ce vote. Bien des communistes dont la présence dans les comités était épisodique, voire inexistante, ont participé au vote. On peut aussi estimer que ce poids important du PCF, qui n’est pas une surprise, sauf naïveté, souligne en creux la difficulté des collectifs à mobiliser très au-delà des cercles militants. Même si on peut citer de nombreuses exceptions, la majorité des collectifs est animée par des militants aguerris, blanchis sous le harnois de nombreux combats, familiers de langages codés qui ne sont pas forcément les mieux à même de susciter l’enthousiasme d’éventuels nouveaux arrivants (mais il y en a quand même, le tableau n’est pas tout noir).

Concernant les autres candidats, les premiers procès verbaux reçus des collectifs locaux ont montré que la candidature de José Bové recueillait un faible assentiment. Ce constat a-t-il joué dans son retrait ? Simple hypothèse. Il en a été de même pour Patrick Braouzec, ce qui est moins surprenant dans la mesure où sa notoriété nationale est moindre que celle du leader altermondialiste. Par contre, de nombreux collectifs ont accueilli favorablement les candidatures de Clémentine Autain et d’Yves Salesse, avec un léger avantage pour la première. Résultat sans doute, pour Yves Salesse, d’une présence forte dans l’animation de la campagne référendaire et dans les meetings des collectifs locaux, Clémentine Autain bénéficiant d’une présence médiatique plus soutenue, au point, parfois, d’en agacer certains (ah, les jaloux…). Ajoutons que la différence de « ligne politique » entre eux deux et même Patrick Braouzec est ténue, ce qui a pu exacerber certains critères positifs ou négatifs (par exemple, lus dans les comptes rendus de collectifs : la jeune – positif – mais inexpérimentée –négatif -, le technocrate – négatif – mais compétent –positif).

Les votes sur des personnes ont toujours des effets pervers. D’autant que le contexte très particulier de cette consultation (le consensus comme principe directeur) a pu entraîner des motivations de vote très différentes : celle, « classique », du candidat que je préfère, celle du candidat qui me parait le plus à même de rassembler les composantes des collectifs, celle du candidat qui est le plus susceptible d’être accepté par toutes ces composantes. C’est ce dernier cas qui semble le plus proche du principe de consensus. Ce fut loin d’être celui majoritairement pris en compte par les participants au vote. On peut lui reprocher de définir un plus petit commun dénominateur a priori réducteur, mais on ne peut lui dénier un caractère rassembleur. Au fond, la question posée n’était-elle pas « quels sont, parmi le candidats, ceux qui ne vous paraissent pas faire consensus ? ». Voila qui eut pris à rebrousse poil les traditions électives de notre pays, mais, après tout, tant qu’à innover…

Une conséquence de ce contexte imprécis, sans doute amplifié par la proposition de candidature de Marie-George Buffet par le PCF sans réelle alternative de sa part, a polarisé le débat sur le dilemme « pour ou contre Marie-George », sans que soit, sauf pour une partie des collectifs, vérifiée la qualité consensuelle des autres candidatures, notamment celles de Clémentine Autain et d’Yves Salesse. D’où l’impasse des 9 et 10 décembre, qu’on espère provisoire.

Des pistes pour aboutir

La réunion des 9 et 10 décembre comme les résultats des réunions des collectifs ne peuvent être mis entre parenthèses. Elles ont permis de recueillir des informations, des contradictions, et aussi ouvert de nouvelles portes.

Il convient d’une part de vérifier que le dissensus exprimé sur la candidature de Marie-George Buffet, sans doute pas majoritaire mais tout de même important, peut être surmonté. Ce dissensus est avant tout fondé sur le fait que Marie-George Buffet est identifiée comme la leader du PCF, et que cette qualité donnerait au rassemblement une image trop caractérisée dans ce sens. Au point où en sont les choses, et sauf coups de théâtre, on voit mal comment les points de vue, depuis longtemps identifiés, pourraient se rapprocher : ce fut déjà le sujet d’une kyrielle de réunions, sans avancée perceptible. Une autre question est parfois mise sur le tapis : les sondages (qui ne sont que ce qu’ils sont, mais bon…) indique un plafonnement de cette candidature à 2 ou 3%. Une investiture par les collectifs serait-elle suffisante pour lui donner de l’élan et la distancier par rapport à une étiquette « candidate du Parti » que par ailleurs elle est aussi ? Pas évident, et à discuter.

Il convient d’autre part de vérifier que les candidatures ayant recueilli des suffrages moins importants mais significatifs, celles de Clémentine Autain et d’Yves Salesse, sont susceptibles de réaliser un consensus significatif, et, dans la négative, d’expliquer pourquoi. A notre sens, il nous paraît que si le consensus est possible, la candidature de Clémentine Autain est à prendre en considération : la rupture générationnelle, qui n’est incarnée aujourd’hui dans l’arène des présidentielles que par Olivier Besancenot, et la notoriété (atout qu’il ne faut pas négliger dans le contexte électoral d’une présidentielle) plaident en sa faveur.

Il convient enfin d’explorer des pistes nouvelles. Trois sont apparues lors des travaux des 9 et 10 décembre. La première est l’hypothèse d’une « personnalité communiste reconnue dans le mouvement social ». C’est apparemment une perche tendue au PCF, mais bien illusoire : la difficulté à mettre un nom sur cette proposition en est un signe (celui de Francis Wurtz, député européen, a parfois été avancé dans les débats de certains collectifs).. La seconde est le recours à Claude Debons, l’un des piliers de la campagne référendaire. Il est très reconnu dans les cercles militants, et très peu connu au-delà. La troisième est la proposition de candidature de Jean-Luc Mélenchon. Elle n’a pas été accueillie favorablement par les composantes qui se reconnaissaient naguère dans la notion de « pôle de radicalité », et qui peuvent en garder quelque nostalgie. Elle a, pour ce qui concerne, des avantages évidents : très engagé pour le Non dans la campagne référendaire, référence pour une partie de l’électorat socialiste, qui est une des cibles privilégiées de la gauche unitaire, Jean-Luc Mélenchon a des atouts à faire valoir. Seront-ils suffisants pour venir à bout des réticences ? Cela aussi mérite un débat approfondi, au delà de réactions immédiates.

De l’analyse de ces trois hypothèses, du choix, consensuel, de l’une d’elle dépend le succès de l’initiative des collectifs unitaires. Ce serait bien le diable de ne pas réussir. Mais on sait que le diable est malin.

Jean-Luc Gonneau est membre du Collectif national d’initiative pour les candidatures unitaires et de son secrétariat

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