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Garde à vue d’un journaliste de l’AFP : appel à témoins
Publie le jeudi 8 avril 2004 par Open-PublishingPatrick Brosselin, 56 ans, journaliste au Reportage sportif de l’AFP et
Délégué du Personnel SUD-AFP, a été interpellé puis mis en garde à vue,
le mardi 30 mars vers 11h30. Témoin d’une interpellation musclée dans
les couloirs du métro à la gare Saint-Lazare, alors que de nombreux
passants demandaient aux policiers de garder leur sang froid, Patrick a
eu le tort de réclamer des policiers « qu’ils se comportent en citoyens
».
Applaudi par les témoins, il a été menotté et emmené au commissariat
de la gare Saint-Lazare. Après avoir pu convaincre les policiers qu’il
avait subi une opération à cour ouvert, il a été transféré aux urgences
médico-judiciaires à l’Hôtel-Dieu. Patrick n’a été remis en liberté
qu’au bout de 29 heures de garde à vue. Patrick a saisi l’Inspection
générale des services (IGS). Mais il devra comparaître le 14 janvier
2005 devant la 28e Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris pour
« outrage » et « résistance avec violence ».
En effet, selon la police, il aurait blessé deux agents qui ont eu des arrêts de travail de cinq et de deux jours. Pour organiser sa défense, SUD-AFP demande à tout témoin de son interpellation de bien vouloir nous contacter à sud-afp@noos.fr ou à :
Patrick Brosselin,
AFP Service des
Sports, 13 place de la Bourse,
75002 Paris
(Pour tout renseignement
concernant ce communiqué, vous pouvez contacter : Claus Tulatz, Délégué
syndical SUD-AFP, au 06-80-40-90-77)
Voici le récit de Patrick :
Mardi 30 mars, j’étais dans le métro dans les couloirs de la station
Saint-Lazare en correspondance entre la gare Montparnasse et Bourse. Je
venais d’un rendez-vous et j’allais au bureau avec à mon programme de
l’après-midi à 15h00, la couverture de la conférence de presse de
Philippe de Villiers relative au Vendée Globe. Dans ce couloir, il y
avait du monde et beaucoup de brouhaha.
Je passais mon chemin lorsque
j’ai vu, à une dizaine de mètres derrière moi (en montant les premières
marches de l’escalier), une personne coincée et maintenue au sol par
deux ou trois autres personnes. C’était contre cette manière de faire
que les gens protestaient. Je l’ai fait tout autant. Plus tard les
policiers m’ont dit que cet « individu était dangereux et qu’il s’était
évadé depuis une semaine ». Je leur ai rétorqué que je n’avais pas
d’avis sur cette personne que je ne connaissais pas, mais qu’en
revanche, dès l’instant qu’elle était maîtrisée il n’était pas
nécessaire d’en faire trop et que le passant ordinaire supportait mal ce
genre de scène.
« Les gens vous parlent poliment, répondez leur poliment
», ai-je dit dans un premier temps au grand brun qui brandissait une
matraque télescopique. Ayant eu l’impression qu’il n’avait pas entendu,
j’ai ajouté, bien plus fort cette fois : « les gens vous parlent de
façon citoyenne, répondez de façon citoyenne ».. Là le grand brun a
entendu. « Je suis policier », qu’il clame. Je lui réponds « et moi je
suis journaliste ».
A ce mot, il a totalement changé d’attitude.
Enchaînement de mots et d’invectives, il me dit « restez-là ». Je lui
réponds « sûrement pas, j’ai du travail monsieur » et je continue de
monter l’escalier. Tout cela s’est passé en moins de dix secondes.
Ensuite, les paroles ont fusé et il m’est tombé dessus. En dépit de
l’hostilité de la foule, il m’a plaqué au sol, passé une menotte et
l’autre menotte sur la main-courante de l’escalier. J’ai réussi à
glisser ma main en dehors de la menotte et j’ai commencé à poursuivre
mon chemin en continuant de gravir l’escalier.
Si il n’y avait pas eu
les encouragements des spectateurs, le policier ne se serait peut-être
pas rendu compte que j’étais parti. Il s’est retourné et aidé par
d’autres policiers (il y a eu des contrôleurs du métro en tenue verte,
des agents en tenue de la brigade spéciale du métro et d’autres en
civil), ils ont réussi à me repasser les menottes. Tous les policiers
n’étaient pas d’accord pour que je sois arrêté. « On le laisse partir »,
« c’est pas bien grave, ça sert à rien de l’arrêter », mais le grand
brun y tenait. Les voyageurs, eux, étaient outrés.
Néanmoins, j’ai été
embarqué jusqu’au commissariat de la gare Saint-Lazare. Là, je passe sur
plein de détails, il m’a été signifié mon placement « en garde à vue ».
Dès l’instant que cela est signifié, tout vous est confisqué. Un
inventaire est fait devant vous (c’est là que j’ai vu que mes lunettes
étaient cassées). Un des policiers m’a demandé si je voulais prévenir
quelqu’un.
J’ai donné le numéro de la ligne directe de mon chef de
service, car j’avais une conférence de presse à couvrir et que je
pensais que cela ne durerait pas longtemps. J’ai donc pris l’option
travail plutôt que famille. Il était tout de même 11h30 et
raisonnablement je ne pensais pas passer l’après-midi là-bas. Erreur
funeste.
A 13h30, escorté par quatre gardiens de la paix, je suis arrivé
à l’Hôtel Dieu dans les locaux des urgences médico-judiciaires. J’ai été
examiné par un médecin à 16 heures, j’ai eu deux radios, nouveaux
passages avec ce médecin, puis demande d’avis d’un médecin des urgences
et entre 20h30 et 21h00, j’ai été installé salle Cusco (chambre 10 comme
ils disent). C’est là que j’ai rencontré l’avocat de la première heure
(visible dès la première heure ne signifie pas que c’est à la première
heure mais à partir de la première heure).
A ce moment là, je ne sais
pas si ma famille a été informée. La police ne m’a rien dit jusqu’en fin
de matinée de mercredi. Au moment où s’achevaient les premières 24
heures, deux policiers sont venus prendre ma déclaration. Petit à petit,
j’ai compris qu’il y avait eu des avis divergents entre le commissariat
de Saint-Lazare (qui voulait à tout prix me récupérer pour terminer ma
garde à vue) et le personnel médical (qui ne voulait surtout pas que je
retourne dans ce commissariat).
Par la suite j’ai appris que cela était
allé assez loin, puisque les médecins ont dit que si ma garde à vue
allait au-delà des 48 heures, ils demanderaient mon transfert vers
l’hôpital de Fresnes. C’est pour cela que mon audition s’est déroulée
dans la salle Cusco. Le procureur avait demandé une confrontation, les
policiers voulaient bien la faire dans leur commissariat mais pas dans
les locaux de l’hôpital. La confrontation, qui aurait pu sans doute
éclaircir bien des choses n’a pas eu lieu. Je me demande aujourd’hui
dans ce cas de figure à qui est revenu la conduite de l’enquête, au
procurer comme semble le dire la loi, ou bien aux policiers comme cela
semble être la coutume.
Enfin, durant la 30e heure, il m’a été signifié
que la garde à vue était terminée. Une fois sorti, j’ai entendu de
nombreuses versions de cette aventure. Toutes avaient un point commun :
j’avais agressé les policiers à un tel point que l’un avait eu 5 jours
d’arrêt de travail, l’autre 2 jours. Cela m’a tellement étonné que j’ai
saisi l’Inspection générale des services (IGS) sur ce point. Je veux
bien admettre que je sois costaud et capable de rosser deux policiers, à
la limite je pourrais en retirer une certaine fierté. Cela signifierait
que je sois particulièrement vigoureux en dépit de mes 56 ans, de mon
insuffisance cardiaque, alors que je m’éloignais de la « scène du crime
» (sic) en tenant mon cartable à ma main. Arriver à rosser deux
policiers dans ces conditions relève de l’exploit ! Or, comme je suis
aux antipodes d’être un Hercule (taille : 1,66 m, poids 66 kg), j’ai
saisis l’IGS pour tirer tout cela au clair et je pense que ce service
arrivera aux mêmes conclusions que moi, à savoir que je ne suis pas
Tarzan.
Je n’ai pas de témoins car il faut bien savoir que lorsque vous
êtes arrêtés, les gens le voient, mais ils ne se précipitent pas sur
vous pour vous donner leurs cartes de visite. Ils n’ont pas ce réflexe
et, s’ils le faisaient, cela ne servirait à rien car cela serait saisi
lors de la mise en garde à vue. C’est pourquoi nous avons lancé cet
appel à témoins.