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Grèce. Le moment de vérité pour SYRIZA

par Antonis Ntavanellos

Publie le jeudi 14 mai 2015 par Antonis Ntavanellos - Open-Publishing
5 commentaires

Nous étions nombreux à ne pas partager la « légèreté convenante » » du récit pré-électoral de la direction de SYRIZA, récit qui a facilité la poussée vers les urnes, mais qui, dans la foulée, nous mettait face à une question : est-il possible de développer un programme anti-austérité radical sans outrepasser les limites de la tolérance de la zone euro et en acceptant les méthodes de négociation des « institutions » [terme qui remplace celui de troïka] ?

Aujourd’hui, nous connaissons la réponse : Non. L’Union européenne (UE) et le FMI tentent d’écraser SYRIZA en le plaçant devant le dilemme suivant : l’intégration absolue au système ou le renversement immédiat de ce gouvernement. Ils le font pour des raisons économiques, car une politique anti-austérité est incompatible avec l’actuelle politique des dominants. Ils le font aussi pour des raisons politiques, parce que l’Europe doit se protéger contre le danger de « transmission » du microbe SYRIZA-Podemos.

L’accord du 20 février 2015 [signé par le gouvernement d’Alexis Tsipras] a été une erreur majeure commise dans la suite du piège que pouvait constituer le « récit » pré-électoral [« cela peut se faire sans grosses difficultés »]. L’accord impliquait le remboursement de la dette « au complet et à temps ». Nous avons alors renoncé à l’« action unilatérale » sur la base de notre programme, ce qui aurait permis de construire une solide alliance populaire, un bloc social, autour du gouvernement de la gauche. Nous n’avons rien obtenu. L’« ambiguïté créative » [formule de Varoufakis] a travaillé et travaille en faveur des puissants.

Après le 20 février, nous avons tenté de défendre les « lignes rouges » [que nous ne pouvions franchir]. Elles étaient moins marquées et plus réduites que les engagements pris et présentés lors de la Foire internationale de Thessalonique [septembre 2014]. Ils étaient, eux, déjà inférieurs au programme de la conférence de SYRIZA [en 2013].

Aujourd’hui, les « lignes rouges » s’effacent. A propos des privatisations (drapeau emblématique du néolibéralisme), nous discutons des montants demandés, des modalités de la vente des entreprises publiques, du choix de celles qui le seront ou ne le seront pas. Et non pas de la question même de leur vente. Actuellement, sur le thème des impôts, nous considérons que l’ENFIA [1] et la hausse de la TVA constituent « des zones de concessions » possibles pour les créditeurs et non des mesures qui sont en lien direct avec l’amélioration de la vie des classes populaires, ce à quoi nous nous étions engagés avant les élections. Sur les assurances sociales et les retraites, nous garantissons les conquêtes des « actuels retraités », laissant ouverte la possibilité d’une contre-réforme, dans ces deux domaines, pour ce qui a trait aux générations futures de salarié·e·s. Pour ce qui est du « marché du travail », nous passons de l’engagement à rétablir le pouvoir des conventions collectives à la formulation nébuleuse des « meilleures pratiques de l’Europe », comme l’OIT les comprend. Cela avec le risque de découvrir que nous parlons, en fait, d’adopter un corporatisme néolibéral qui incorpore comme critères pour les conventions collectives : la stabilité financière et la compétitivité dans l’économie, etc.

Il est évident, pour toute personne qui souhaite examiner effectivement la situation, que nous avons été pris dans une spirale déclinante : dans une négociation où, dans chaque phase, nous sommes obligés de défendre notre monde, celui de la majorité populaire, chaque fois, en descendant d’un échelon.

Il est également évident où la pente empruntée nous conduit : nous obliger à signer le troisième mémorandum que les créanciers se préparaient à cosigner avec Antonis Samaras (premier ministre du 20 juin 2012 au 26 janvier 2015) et Evangelos Venizelos (du PASOK). Par ailleurs, le moment où l’escalade qualitative de la contre-attaque des créditeurs sera tentée est évident : lorsque le gouvernement sera contraint de demander un prêt pour payer les salaires et les retraites et non pas des tranches de la dette, car alors – estiment-ils – le gouvernement ne disposera pas du pouvoir politique pour élever la moindre objection.

La décision de payer jusqu’à aujourd’hui régulièrement les sommes exigées par les créanciers (décision qui a résulté de l’accord du 20 février) – bien qu’ils ne donnent pas un centime des prêts promis et dus en raison des accords antérieurs – a dangereusement épuisé les liquidités publiques, faisant que le moment critique est très, très près de nous.

Les conséquences politiques d’une telle retraite stratégique (parce qu’il n’est plus possible de parler de « compromis ») seront immédiates. SYRIZA ne ??peut pas être transformé en un parti pro-austérité. Les créditeurs ne seront pas d’accord, à moyen terme, de rester garants d’un accord avec le gouvernement actuel. Ils exigeront que soit payé le coût politique de « l’aventure » après le 25 janvier (élections). Le chantage sera exercé pour obtenir un « élargissement » du gouvernement Tsipras et le transformer peu à peu en un gouvernement d’union nationale ou même pour le renverser. L’activisme politique de Yannis Stournaras (actuel patron de la Banque nationale de Grèce et ancien ministre des Finances de Samaras) qui caresse le rêve d’un gouvernement « technique » à la Lucas Papademos (premier ministre de novembre 2011 à mai 2012), se situant dans le cadre de l’UE, doit être pris comme un avertissement.

Il y a un moyen de sortir de ce cercle vicieux, bien que cela soit plus difficile, chaque semaine passant où le paiement de la dette s’effectue conjointement à l’inaction : l’arrêt du paiement de la dette aux usuriers (défendre notre « liberté » et échapper au capital) ; l’application des décisions de la conférence de SYRIZA pour ce qui concerne les banques (impôts sur le capital et sur les riches pour financer des mesures anti-austérité) ; soutenir une telle politique par tous les moyens nécessaires, y compris un conflit avec l’UE et sur l’euro.

Une telle « coupure », ce qui serait normal après le 25 janvier, devrait aujourd’hui laisser ouverte la possibilité d’un renforcement du mandat populaire. Donc,vers des élections, à condition que ces options soient présentées de manière claire et nette par le gouvernement et disposent du soutien du parti SYRIZA.

Dans tous les cas, les décisions cruciales qui viennent ne sont pas possibles à prendre dans le cercle fermé du siège central d’un parti, même avec les meilleures intentions. Le parti (du Comité central aux sections locales) devrait être appelé à se prononcer. Le parti doit faire face à des vents contraires qui se font de plus en plus menaçants.

(Traduction Antonis Martalis, édition A l’Encontre, article publié dans le quinzomadaire La Gauche ouvrière, le 13 mai 2015 ; Antonis Ntavanellos est membre de la direction de Syriza et de DEA ; il sera présent au Forum international qui se tiendra à Lausanne les 20, 21 et 22 mai)

http://alencontre.org/laune/grece-le-moment-de-verite-pour-syriza.html

Portfolio

Messages

  • Le monde d’aujourd’hui est multipolaire ! Ceux des impérialistes qui ne l’on pas compris se croient toujours en un monde unipolaire de l’après URSS. Il est difficile à un pays de vivre en autarcie, Cuba en a fait l’expérience . Cependant je pense que de nos jours les pays comme la Grèce qui ont des programmes plus ou moins progressistes ont des armes de riposte et de résistance en mains ! L’impérialisme n’a plus les moyens de pression criminelle pour renverser un Gouvernement qui entend s’appuyer sur le Peuple avec sa participation active . Que l’on se souvienne du premier coup d’Etat au Venezuela contre le Président Hugo Chavez qui passa 48 heures en prison. Sans l’intervention du Peuple il fut probablement assassiné ! Le capitalisme est violent dans sa nature (Marx) mais un Peuple UNI peut l’abattre !

  • Chaque semaine qui passe où le paiement de la dette s’effectue conjointement à l’inaction politique, mets Syriza dans une situation encore plus délicate et difficile.

    En effet le FMI et les vautours capitalistes, exigeront toujours que toute la dette soit payée . Au moment venu , ils feront même payé au peuple Grecque , le coût politique de cette élection du 25 janvier avec la victoire de la gauche en Grèce.

    En aucun cas Syriza ne doit pas être transformé en un parti pour l’austérité, pour le néolibéralisme.
    Il y aura des solutions telles que :
    1- L’Arrêt complet du paiement de la dette aux usuriers capitalistes.
    2- Un référendum sur l’arrêt du paiement de la dette.
    3- Démission du gvt et de nouvelles élections

    • Ce sont bien sur les solutions les plus élémentaires à coté d’autres solutions possibles comme l’ impôts sur le capital et sur les fortunes ou même la nationalisation de certaines banques. Ils pourraient alors financer des mesures anti-austérité et lutter contre les pressions du capital.

    • Je voudrait bien me tromper, mais je me fais pas d’illusion sur Siriza .
      Je pense que ce partis a en son sein des forces social démocrates qui ne lui permettront pas de tenir les promesses pour lesquelles ils ont été élus.
      Leur programme n’est pas marqué par une volonté de politique économique qui puisse faire face a la loi des marches.

    • Un mot en passant

      ..Sur FB, répondant à un camarade qui, lui aussi est scandalisé par la façon dont Tsipras ou Iglesias (même si" podemos" est en situation différente) sont en train d’enterrer l’espoir..

      ...je re -répête ce qui me semble êtreFONDAMENTAL,... bien qu’émanant d’un girondin refusant de donner des leçons de Lutte des classes, ceci :

      Sans boussolle marxiste, sans visée communiste -, ce qui suppose l’existence d’une organisation révolutionnaire-, tout "mouvement populaire massif" ne peut, trouver de traduction politique pemettant aux "masses de faire l’Histoire"....dans le"bon sens" C’est à dire pour construire laSociété du Bonheur que nous appelons le COMMUNISME.

      ..On a le droit de ne pas partager cette opinion mais alors c’est qu’on nie que le CAPITALISME est à un moment M de sa crise systémique ;qui rend IMPOSSIBLE tout progrès humain sans une guerre ds classes ou la dimension "idéologique" se doit d’^tre au niveau de l’enjeu.....

      .Lénine avait raison de marteler"“Là où il y a une volonté, il y a un chemin.”......

      .Clin d’oeil d’autodérision : il a aussi ironisé"“La citatiomanie est notre plus grande ennemie.

      C’est pour moi, valable à ATHENES, MADRID ou ..PARIS

      Ce qui me fait dire que tant que des militants parleront de"trahisons " d’un Hollande, s’en prendront à Tsipras , ils oublieront une chose :
      Tout dirigeant au monde qui entend"contourner " cette réalité objective, toute force politique ou alliance de partis qui , prétendront terrasser le K, .sans une affirmation que seul le processus REVOLUTIONNAIRE permet de vaincre , TOUS...(avec des dirigeants militants sincères..ou faux culs politicards à la JLM)...TROMPERONT LES MASSES !

      Au quotidien , dans chaque lutte, débat etc, c’est un devoir communiste que d’affirmer une vérité , même si elle dérange, semble hors de portée d’écoute massive...

      "SEULE la VERITE est toujours REVOLUTIONNAIRE" aurait dit Trotsky, selon certains

      Cela n’est nullement incompatible avec des actions de masse, de Résistance à
      Hollande -VALLS- MACRON- GATTAZ -y compris avec des orgas NON révolutionnaires (du PS au PC en passant par nos syndicats CES) car

      "Quand les blés sont sous la grêle

      Fou qui fait le délicat" reste actuel

      Le danger serait de faire croire qu’un paratonnerre en PQ sauvera la récolte..

      En 2015, il n’ya plus place dans la lutte idéologique pour le jargon "DROITE/GAUCHE" "REFORMISTES " etc etc

      Puisque c’est Barbarie ou REVOLUTION , la barricade c’est d’un côté REVOLUTIONNAIRES (masses à conscientiser) , et, en face, Contre révolutionnaires à combattre,

      Qu’ils soient organisés rue de Solférino, à Fabien, à l’ELYSEE, chez les "répubicains" , bien entendu au sein de la pourriture lepéniste,.... ou dans certains bureaux de la CFDT ou de ..Montreuil..

      Selon moi, girondin tétu

      Autant que le sont les"faits"

      Selon Vladimir Illitch

       :)