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Guatemala : la Dictablanda [dictature « molle »] des Profiteurs de la Paix

Publie le mercredi 1er mai 2013 par Open-Publishing
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Affirmer que le procès pour génocide c’est trahir la Paix et diviser le Guatemala est un acte malhonnête et propre à ceux qui méprisent la justice ! Aujourd’hui, les mêmes forces obscures qui ont anéanti la mission de l’Institution Judiciaire pendant le conflit armé interne, et qui ont favorisé les crimes de guerre, se liguent pour empêcher que les tribunaux ne débattent et n’élucident les faits.

Aujourd’hui, les nouveaux porte-paroles de ces forces, comme les douze technocrates du fameux communiqué [« Trahir la paix et diviser le Guatemala », publié récemment, et faisant référence aux Accords de Paix de 1996], court-circuitent les tribunaux et décident que l’inculpation pour génocide est une fabrication juridique. Ainsi, se considérant représentants de la « majorité de la population », ils n’hésitent pas à démentir les victimes et les témoins qui se sont déjà présentés devant le tribunal et qui ont exprimé leur désir commun : que l’Etat reconnaisse la vérité sur ce qu’il s’est passé [pendant la guerre civile (1960-1996)].

C’est que le cœur de cette incapacité à admettre la vérité réside dans deux faits pervers et horrifiants. Premièrement, que les familles de la classe dominante reconnaissent comme seul droit leurs intérêts, convertis en loi, et placent leur Pouvoir (parce que des généraux [les inculpés], elles s’en fichent !) au-delà du bien et du mal. Ainsi, le droit des victimes est superflu et méprisable, et cette « racaille » n’a pas à l’utiliser pour accuser l’Etat - mettant en péril sa notoriété internationale. Deuxièmement, que toutes ces troupes corrompues au cœur de l’Etat ne peuvent gouverner qu’avec les mêmes méthodes anti-insurrectionnelles utilisées pendant la guerre, et ne peuvent accepter le développement d’une conscience nationale contre leurs stratégies.

Les douze technocrates osent écrire que « la violence politique a disparu » au Guatemala. Où vivent-ils ? Quelle est leur éthique face à cette crise de la Paix ? Quelles opinions ont-ils sur les procès où l’on criminalise des dizaines de leaders communautaires ? Que disent-ils du récent assassinat de Daniel Pedro Mateo, leader du Peuple Maya Q’anjob’al de Santa Eulelia, ou de la capture illégale de Rubén Herrera, leader de Santa Cruz Barillas, et de tant d’autres captures où la justice se soumet aux intérêts privés de l’oligarchie ?

Au Guatemala, l’intérêt général ne sera jamais respecté tant que certaines pratiques ne changeront pas. Le grand art de la politique est de créer des espaces. Mais ici on n’y a pas de place pour la justice, pour le débat, la liberté, l’opinion et l’expression, ni même pour la santé, l’éducation, ou autres besoins vitaux de la population. Ces technocrates profiteurs de la Paix, très mauvais adeptes de Machiavel, se vantent de la nécessité de créer un intérêt général en même temps qu’ils s’octroient le droit de juger quels espaces sont ou ne sont pas autorisés. Et c’est pour cela qu’ils se convertissent en acteurs décidés à laisser les choses comme elles sont, architectes de « dictablandas », le type de dictature parfaite dans laquelle l’équilibre est trouvé grâce à une classe politique capable de réduire au silence ceux d’en bas.

Ces forces, qui qualifient les luttes sociales - incluant les luttes contre l’impunité - d’actes préfabriqués et inutiles, sont celles qui jouent le rôle de gardien d’une oligarchie qui ne conçoit la Paix que dans la sauvegarde de ses intérêts économiques, et qui ne devient permissive que quand il s’agit d’une stratégie qui sert au contrôle de la population. Ce sont les mêmes qui nient le droit des peuples à la résistance pacifique, mais applaudissent la bouffonnerie des avocats de Rios Montt et Rodriguez Sanchez quand ils invoquent leur droit à résister devant un tribunal.

Quand ces forces s’activent la justice est parasitée. Comment est-il possible qu’il y ait des juges aussi incompétents qui acceptent les pressions politiques et décident de faire table rase [de tout ce qui a été dit pendant le procès] ? Comment est-ce possible que la Cour Suprême de Justice [Cours de Cassation] ne voit pas les manigances de la défense, et permette de ce fait le report des décisions judiciaires ?

Quoi qu’il en soit, le procès pour génocide continuera malgré ce show médiatique et les manipulations clandestines. Personne ne sait aujourd’hui quelle sera la décision des tribunaux [annuler ou non le procès]. Mais ce que nous savons c’est que l’Etat se décompose, avec ces leaderships que la Paix a engendrés, les laissant tels des cuisiniers d’alliances pathétiques à chaque période électorale. Il se décompose, avec des leaders qui ne respectent pas, ni même ne connaissent, les principes de la Justice. Jamais comme aujourd’hui, la coordination d’un ample mouvement des peuples indigènes, des communautés, des femmes, de toutes les forces paysannes, de toutes les citoyennes et tous les citoyens qui sont disposés à reconstruire le pouvoir public, n’a été aussi indispensable !

Guatemala, avril 2013

(Traduction de http://copaeguatemala.org/genocidio.html)

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