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H. Loyrette, Président-directeur du Louvre, successeur de Chérèque pour le Tartuffe d’or 2004 ?

Publie le lundi 15 novembre 2004 par Open-Publishing
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Depuis combien de décennies les enseignants bénéficiaient-ils de cet acquis professionnel qu’était la gratuité d’entrée au Louvre ?

Depuis le 1er septembre 2004, ce n’est plus le cas.

Face à la vague croissante de mobilisations, (notre adresse internet gratuitemuseesnationaux@yahoo.fr a recueilli des milliers de signatures exigeant le maintien de la gratuité) et alors qu’un certain nombre d’élus, toutes tendances politiques confondues, ont exprimé leur indignation dans l’hémicycle de l’assemblée nationale, la Direction du musée persiste à faire injure aux capacités d’analyse du grand public, pratiquant l’antiphrase avec abnégation.
Dans l’Humanité-Hebdo du 13 novembre 2004, un communiqué du "Musée du Louvre" (sic) insiste sur la "volonté de développer et mieux orienter le rôle social et éducatif du Louvre", adoptant "une politique incitative et généreuse à l’égard des enseignants".

Depuis le 1er septembre, les enseignants s’étant rendus au louvre ont constaté que ladite générosité consistait à exiger qu’ils paient 8 euros 50 pour visiter le musée.

La Direction du musée a substitué une sorte de contrat temporaire de VRP à ce qui était un acquis professionnel et social fondé sur un constat évident : il relève de l’intérêt collectif que les enseignants de l’Education nationale soient le plus cultivés possible. Dans la pratique, la gratuité n’existe plus pour des dizaines de milliers d’enseignants éloignés de Paris, relevant du CNED, en congé, en détachement, ou enseignant dans des classes ou des contextes où la visite scolaire n’est pas envisageable.

Pour justifier ce qui ne rapportera au Louvre qu’un apport dérisoire en termes de recettes nouvelles, la Direction du Musée se soucie de pédagogie : elle déplore que seulement 500 000 élèves par an effectue des visites scolaires, comme si ce chiffre, rapporté aux 12 millions d’élèves n’offrait pas une probabilité sérieuse que chaque élève, puisse bénéficier au cours de sa scolarité d’une visite au Louvre.
Etrange, mais ô combien moderne, mise en accusation d’une profession toute entière, dans un contexte où les politiques culturelles publiques ne masquent plus les choix régressifs effectués par les politiques et leur relais administratifs.

Nous ne ferons pas l’injure à la Direction du Louvre de considérer qu’elle est sincère lorsqu’elle affirme qu’elle entend accroître les flux scolaires de cette manière-là. Aucune profession n’éprouve le besoin d’être caporalisée, a fortiori par des mesures prises par des aéropages technocratiques n’ayant pas de compétence à exercer ce type de prérogatives.

Il est plus intéressant d’analyser ce qu’omet de dire "le Musée du Louvre".
L’exclusion du Louvre du système de la Réunion des Musées Nationaux (RMN)oblige l’établissement phare du Patrimoine culturel national à rechercher des financements de manière autonome : en clair, l’Etat abandonne le Louvre, pour l’offrir aux appétits privés. Conséquences : les affiches vantant l’humanisme des multinationales du pétrole et de la finance côtoient désormais dans les salles d’exposition les oeuvres d’art, et si les enseignants ont perdu la gratuité d’entrée, les salariés d’une banque "partenaire" l’ont acquise...
Cela ne constitue naturellement que la mise en bouche d’un processus de transfert de propriété et de pouvoir sur les biens collectifs que constituent les fonds du musée.

Ne nous leurrons pas. L’humiliation que subit l’ensemble d’une profession n’est que la cerise sur un gâteau dont le nouveau partage est programmé ; nous n’assistons qu’aux prémisses d’un gigantesque processus de dépossession collective. Les mesures qui le renforcent s’accélèrent.

Nous ne l’accepterons pas.
Nous répondrons de la seule manière qui vaille : par l’amplification des mobilisations.

Hervé Gourdon

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