Accueil > Hollande et Sassou Nguesso : la France a-t-elle son mot à dire sur la (…)

Hollande et Sassou Nguesso : la France a-t-elle son mot à dire sur la Constitution congolaise ?

par Afrinside

Publie le vendredi 10 juillet 2015 par Afrinside - Open-Publishing
5 commentaires

Au terme de sa tournée africaine, François Hollande a rencontré le président congolais, Denis Sassou Nguesso, à Paris cette fois. Alors que beaucoup voient en cette rencontre une occasion pour François Hollande de dissuader Denis Sassou Nguesso de soumettre la Constitution de son pays à une éventuelle modification par référendum pour pouvoir briguer un troisième mandat, d’autres pensent que la France n’a pas à se prononcer sur le sujet, faute de légitimité et de discernement suffisants.

Après avoir vanté l’exemple démocratique béninois, noué des partenariats en Angola et discuté de la libération de la française Lydienne Yen Eyoum au Cameroun, François Hollande a rencontré le 7 juillet dernier, en France cette fois-ci, le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso. La rencontre était décisive alors que le Congo traverse en ce moment une période cruciale pour son environnement politique futur. Au menu : la sécurité régionale, la crise centrafricaine, mais aussi et surtout le projet de Denis Sassou Nguesso de changer la Constitution de son pays avant la prochaine élection présidentielle en 2016.

La Constitution : un sujet qui divise

« Une nouvelle République pour des institutions fortes et modernes ». Ce slogan de la Dynamique pour l’émergence d’une nouvelle République fait le tour du Congo depuis plusieurs semaines. L’objectif : soutenir Denis Sassou Nguesso et son souhait d’organiser un référendum pour changer la Constitution du pays. Un projet qui trouve de nombreux soutiens dans le pays, avec en tête de file, Denis-Christel Nguesso, le fils du président. Selon lui, « il ne s’agit pas uniquement d’un changement de Constitution, encore moins d’une révision de la Constitution existante. Il s’agit de la refondation de [la] République, [des] institutions et avant tout de [la] pratique collective de la politique ».

Cette remise en question de la Constitution en vigueur aujourd’hui au Congo n’est pas nouvelle. Cette dernière a en effet déjà été de nombreuses fois questionnée, par des membres de la majorité comme de l’opposition. Lors de l’élection présidentielle de 2009, presque tous les candidats faisaient du changement de la Constitution leur cheval de bataille. Mathias Dzon (candidat ARD), Clément Mierassa (candidat PSDC), Joseph Kignoumbi-Kia-Mboungou (candidat indépendant), Bonaventure Mizidy (candidat MIS), Nicéphore Fylla De St Eudes (candidat PRL), Bertin Pandi-Ngouari (candidat indépendant), Michel Marion Ehouango-Manzimba (candidat indépendant), etc. Tous se sont prononcés un jour en faveur d’un changement ou d’une réforme de la Constitution.

Ceci pour une raison simple : votée par référendum en 2002, la Constitution actuelle prône une politique dans laquelle l’homme à la tête de l’Etat concentre de nombreux pouvoirs, sans possibilité de sanction de la part du pouvoir législatif, et vice-versa. Un régime présidentiel essentiel à l’époque, alors que le pays sortait à peine de plusieurs années d’une guerre civile douloureuse, mais qui n’est pas en adéquation avec le climat apaisé que connaît désormais le Congo. C’est ainsi que depuis plusieurs semaines, Denis Sassou Nguesso organise différentes consultations avec des intellectuels et des personnalités politiques du pays afin de déterminer quelle Constitution et quel régime correspondraient le mieux à la situation actuelle au Congo.

Une sociologie politique africaine incomprise

De nombreux opposants politiques ont cependant depuis 2009 changé de fusil d’épaule et fustigent la proposition de Denis Sassou Nguesso, boycottant les consultations. La démarche est soutenue par une partie de la sphère politique occidentale. Pourquoi ? Parce que changer la Constitution pourrait permettre à Denis Sassou Nguesso de se présenter une troisième fois à la présidence de la république congolaise. Or, pour un dirigeant occidental à la tête d’un pays où le principe d’alternance est un fondement de la démocratie, l’idée d’un changement de Constitution permettant un troisième mandat de Denis Sassou Nguesso a du mal à passer. La sacro-sainte alternance occidentale est-elle toutefois réellement une bonne idée dans un pays comme le Congo ? Le doute est permis.

La limitation des mandats présidentiels, si elle est présente dans presque toutes les Constitutions occidentales, n’est, en soit, ni transposable, ni nécessaire dans tous les pays du monde. Si l’Occident a fait ce choix il y a plusieurs dizaines d’années, ce fut après de longues périodes de stabilité politique permettant son instauration. Le Congo, comme beaucoup de ses voisins, n’en est aujourd’hui qu’aux prémices de sa démocratie. Un régime à l’équilibre encore fragile pour lequel une alternance obligatoire peut représenter un risque inutile alors même que les responsables politiques aux épaules assez larges pour assumer des fonctions présidentielles ne courent pas les rues.

Il est finalement temps aujourd’hui que le Congo, et plus largement l’Afrique, montre qu’elle est capable de réfléchir à la mise en place de son propre modèle politique, en fonction de sa réalité politique et des désirs de ses habitants. C’est en tout cas la question que souhaite poser à son peuple Denis Sassou Nguesso avec son référendum. Et s’il est regrettable que ce débat ait seulement lieu en période pré-électorale, il n’ait là aucune raison de le rejeter en bloc. L’idée n’est pas d’instaurer une dictature au Congo, mais bel et bien de laisser le peuple choisir ce qu’il désire, que cela plaise à l’Occident, ou non.

Messages