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Hommage à Henri Alleg : rappeler certaines vérités
par Liès Sahoura - Alger républicain
Publie le vendredi 28 février 2014 par Liès Sahoura - Alger républicain - Open-Publishing6 commentaires

J’ai assisté à l’hommage à Henri Alleg au siège du PCF, le 07 février 2014 et à la projection du film documentaire « L’homme de la question » du réalisateur Christophe Kantcheff. Ce film relate le comportement et la vie de ce valeureux militant communiste Algérien qui a joué un rôle très important pour son pays. La sortie de son livre « La Question » a provoqué un véritable séisme politique dans les milieux coloniaux et des partisans de l’Algérie française. Ce fut aussi un tournant décisif dans la mobilisation du peuple français contre cette guerre qui ne disait pas son nom. Tout au long de son déroulement, le film dénonce la torture inhumaine que Henri Alleg avait subie, tenant même tête avec un courage exemplaire à ses tortionnaires immondes. On y voit Henri s’exprimer dans le style si particulier qui reflétait sa personnalité. C’était très émouvant de le voir devant nous, son visage plein de sollicitude avec un léger sourire en coin chaque fois qu’il employait un mot très fort contre nos ennemis. Son langage s’adressait surtout aux humbles et aux ouvriers en particulier. Lentement, il déroulait ses mots choisis et compréhensibles, qu’il lançait semblables à des flèches percutantes contre nos ennemis. On avait l’impression qu’il était encore là parmi nous. C’est dans ces moments douloureux que l’on s’aperçoit de la perte d’un être très cher et que son souvenir s’installe dans notre subconscient pour l’éternité.
S’agissant des intervenants de la table ronde organisée par le PCF, on ne peut que remarquer le parti pris de cette commémoration. Tout d’abord, on congratule Henri tout au long des interventions, je n’ai rien contre. Tous se sont limités à évoquer sa résistance exemplaire à la torture, mettre en évidence son courage mais en prenant soin, à l’exception de William Sportisse, de ne rappeler que du bout des lèvres qu’il était communiste et de surcroît responsable dans le parti communiste Algérien et, d’autre part, qu’il a été le directeur d’Alger républicain. Un journal pas comme les autres qui a combattu le colonialisme depuis sa parution en 1938. On oublie aussi de dire que ce journal appartenait aux communistes. Ce chapitre de son combat, tout d’abord en tant que communiste mais surtout, en tant que communiste Algérien et non pas en tant que communiste Français est sous-estimé ou volontairement oublié ou n’est abordé qu’avec des arrières pensées. Par ailleurs, les intervenants ont très peu abordé le contexte de son militantisme communiste au moment de son arrestation.
Je pense que, rétablir un peu plus certaines vérités sur le combat d’Henri et sa participation à la lutte pour l’indépendance de son pays, en accord complet avec ses convictions politiques, est, j’en suis sûr, nécessaire.
Tout d’abord, quelle était l’atmosphère en 1957 lors de son arrestation pendant ce que l’on a pompeusement appelé « la bataille d’Alger », une expression qui fait croire à un combat entre deux armées. Ce qui n’était absolument pas le cas, mais ce fut plutôt une armée de brigands qui envahit Alger, pour mater la résistance de tout un peuple sans défense. Je peux en parler en connaissance de cause, puisque j’ai été arrêté arbitrairement en mars 1957 pendant ces événements dramatiques pour le peuple Algérien et emmené manu-militari à la sinistre villa Sesini, un enfer dont on n’était jamais sûr de sortir vivant. Je suis resté là 10 jours puis je fus jeté dans le camp de Béni Messous où l’on parquait comme du bétail les milliers d’Algériens atrocement torturés. Je suis resté plus de quatre mois dans ce camp diabolique tenu secret, hors de toutes les conventions internationales et dont jusqu’à aujourd’hui, personne ne parle et pour cause. À ce jour, je n’arrive pas à effacer de ma mémoire cette vision nauséabonde et monstrueuse du comportement de la soldatesque coloniale. Bien sûr, il n’y avait pas de fours crématoires ni de wagons plombés, mais tuer et faire disparaître les cadavres, ils étaient experts en la matière. Tous les jours, jour après jour, dans un véritable carrousel démoniaque, les camions des paras ramenaient des Algériens torturés à mort, de véritables loques humaines que l’on jetait sans ménagement dans le camp. Une précision, c’est un civil : M. Devicci, qui était directeur de cette monstruosité.
Pendant cette fameuse « bataille d’Alger » les paras aux bérets rouges et verts, les hommes du général Massu, patrouillaient, armés jusqu’aux dents. Des blindés étaient postés aux points stratégiques de la ville, des voitures circulaient à tombeau ouvert avec leurs sirènes hurlant à tue-tête, c’était une véritable atmosphère de guerre. La nuit, c’était encore plus effrayant, on entendait les rafales de mitraillettes, des explosions de toutes sortes, les cris des suppliciés que l’on embarquait dans des camions comme du bétail et que l’on emmenait dans les centres de torture. Sur les hauteurs d’Alger, on entendait les youyous des femmes. Ils montaient comme une plainte sortie des entrailles d’un peuple que l’on assassine, un cri de souffrance et en même temps un appel au courage et à la résistance. Les hordes de paras, appuyés par une faune politique sporozoaire, s’abattaient comme des charognards dans les quartiers populaires, semant la terreur, le crime et la désolation : 4000 disparus seulement dans Alger, officiellement dénombrés par les services du préfet démissionnaire en mars 1957, Paul Teitgen, mais certainement beaucoup plus.
Dans les journaux de l’époque et encore aujourd’hui, on ne parlait que de cette « bataille d’Alger » mais cette terrible répression était en réalité généralisée et organisée dans toute l’Algérie. On grillait les mechtas au napalm sans se soucier des habitants, on mitraillait les paysans qui fuyaient, on les jetait dans des camps (les SAS) pour les empêcher d’aider les maquisards, etc., etc. Aujourd’hui encore, après ces massacres sans nom, on se vante d’avoir remporté une écrasante victoire contre le FLN, sans commentaires …
Je ne vais pas en dire plus sur ce point, mais ce que je peux dire, c’est qu’il est toujours très difficile de relater ces effroyables événements que l’on veut, même aujourd’hui, dissimuler encore au peuple Français.
Mais qui étaient-ils, ces paras ? En premier lieu, les bérets verts, un corps de parachutistes de la légion étrangère (1er-REP), armée privilégiée des autorités coloniales pour accomplir leur basse besogne. C’étaient les plus sanguinaires et ils étaient de véritables monstres qui n’avaient rien d’humain. Le recrutement se faisait dans la plupart des cas, dans les milieux du grand banditisme que l’on faisait sortir de prison ou de groupes constitués d’anciens nazis ou issus de groupes fascistes. Ils étaient formés dans les écoles militaires françaises par des stratèges de l’ignominie avec l’objectif de tuer, mater et soumettre les peuples colonisés. Partout où ils sont passés, ils ont fait des milliers de victimes.
Les bérets rouges n’étaient pas en reste. Ils ont eux aussi participé aux massacres. Pourtant, dans ce corps d’armée il y avait de nombreux intellectuels de gauche et de droite et aussi des gens du peuple qui effectuaient leur service militaire. On pourrait même citer des noms qui occupent aujourd’hui des postes de responsabilités au niveau de l’Etat français. Très peu d’entre eux ont eu le courage de dénoncer cette barbarie monstrueuse. On se cachait derrière l’ordre reçu. L’on pourrait écrire des pages et des pages sur ces gens bien pensants qui prétendent aujourd’hui donner des leçons de démocratie et de droits de l’homme aux peuples opprimés.
Je pourrais en dire davantage tout en précisant que ne suis pas hors sujet. Henri a été arrêté dans ce climat diabolique dont on n’était pas sûr de sortir vivant. Il fallait un certain courage pour se lancer dans ce combat et faire face à la démence de la soldatesque coloniale.
Un autre point qui a été très peu évoqué lors de cette Commémoration. Je fais simplement une remarque : je veux parler de ces Européens qui ont participé à la lutte pour l’indépendance de l’Algérie en qualité d’Algériens à part entière. Henri Alleg n’était pas le seul. Il y eut les Henri Maillot, Fernand Iveton, Georges Rafini, Maurice Laban, Raymonde Peschard, morts en combattant et aussi des centaines d’autres qui croupirent longtemps dans les prisons où dans des camps. Ils étaient pour la plupart des militants communistes et membres du PCA. Malgré ses détracteurs et l’anti-communisme de certains dirigeants du FLN et d’autres, le parti communiste Algérien a joué un grand rôle dans la mobilisation du peuple et parmi la population Européenne. C’était une politique juste, courageuse et combative pour la libération du pays.
Oui, Henri tu seras toujours parmi nous. Nous ferons connaître ton combat exemplaire à nos jeunes qui ont un grand besoin de vivre dignement, cherchant ailleurs ce qu’ils n’ont pas dans leur propre pays, le quittant au péril de leur vie sur des embarcations de fortune avec, bien souvent, la mort au bout du chemin.
D’autre part, le combat que tu as mené contre la barbarie capitaliste est loin d’être terminé mais sois-en certain, les camarades que tu as côtoyés et ceux plus jeunes, qui les accompagnent aujourd’hui, poursuivent ton combat sans relâche. Depuis la victoire de la contre-révolution en URSS, les milieux impérialistes croyant à la fin de l’histoire, on repris leurs croisades militaires contre les peuples qui ne se soumettent pas. Dans tous les cas, l’avenir appartient aux peuples qui se battent pour la liberté et la justice dans le monde.
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Document publié in Alger républicain. Lien : http://www.alger-republicain.com/spip.php?article1483
Liès Sahoura
Alger républicain
24.02.2014
Messages
1. Hommage à Henri Alleg : rappeler certaines vérités, 1er mars 2014, 16:04, par Mohamed Mekloufi
L’outrance et la caricature n’ont jamais constitué la vérité historique...
L’Algérie, c’était la France (3 départements) et sans la trahison de De Gaulle, elle le serait toujours !
1. Hommage à Henri Alleg : rappeler certaines vérités, 1er mars 2014, 19:32, par A.C
Même que De gaulle proposa aux Algériens de devenir Français à part entière..sauf que depuis 1830 ils étaient des sous-français entièrement à part, Mohamed TROLL..
Bon retour chez tes copains fafs , pov con !
A.C
2. Hommage à Henri Alleg : rappeler certaines vérités, 2 mars 2014, 12:51, par richard PALAO
OUI et lorsqu’ils ont eu la possibilité de s’exprimer lors du référendum , les algériens ont voté à plus de 85% pour l’INDEPENDANCE , alors tes départements français tu sais ou tu peux te les mettre .
tu as mal choisi ton pseudo : MEKLOUFI était un extraordinaire foot-balleur de l ASS st ETIENNE qui a soutenu le FLN et milité ouvertement pour l’indépendance !!!
non seulement tu es un troll du FN mais en plus tu es un crétin ...
2. Hommage à Henri Alleg : rappeler certaines vérités, 2 mars 2014, 12:34, par MEYER
Avez Vous reçu mon message ?
1. Hommage à Henri Alleg : rappeler certaines vérités, 2 mars 2014, 18:46, par MEYER
Oui la torture a été pratiquée dans de nombreux endroits et pas seulement à Alger.J’ai d’ailleur remis il ya 14 ans un témoignage au journal " L’HUMANITE". Celle si se pratiquait tous les jours à la ferme Lecas à Oued Zénati (à 30km de CONSTATINE) là ou se trouvait le bataillon de Corée à majorité d’engagés qui avaient déjà fait comme son nom l’indique la guerre de Corée,puis celle d’indochine avant celle d’Algérie. Ces Algériens torturés étaient ensuite fusillés dans le djebel à la mitraillette, ils appelaient celà la "corvée de bois".Des crimes abominables ont été commis par le colonialisme français.Ils resteront à jamais gravès dans ma mémoire.J’ai d’ailleur écrit un petit livre intitulé "Ma Guerre d’Algérie 1954-1962" préfacé par Héléne Sielka son prix est de 5E frais de port compris.
André MEYER
2. Hommage à Henri Alleg : rappeler certaines vérités, 2 mars 2014, 20:22, par A.C
J’ai hélas connu ces pratiques avec 27 mois près de SETIF..
Tu fais par ailleurs certainement allusion à la campagne co-organisée par l’HUMA en 2001.
.J’ai eu la grande émotion et la fierté d’organiser -ce fut ma dernière initiative avant de quitter le PCF- avec HENRI , Vidal Nacquet et des témoins -Josette Audin était excusée- lors de la Fête del’humanité 33- , un débat ou des appelés ont osé, pour la première fois de leur vie depuis le milieu des années 50 jusqu’à mars 62, expliquer le mécanisme qui a conduit, moins de 20 ans après la victoire sur le nazisme, à utiliser les méthodes de la Gestapo
. Que l’Armée et les services US ont pratiqué en toute impunité en Afghanistan, Irak , Guantanamo etc.
Ceci dit, pour en revenir et en resterà cet article, je partage à 200 pour cent cette réaction de nos amis d’ALGER REPUBLICAIN.
J’avais abordé cette question avec ROL TANGUY lors desa venue à Bordeaux pour décorer un camarade officierde réserve, militant et élu communiste dema vilole, le commandant PENICHON
(Un de ces copains qui intégra l’Armée en 44 sur demande du Parti, en provenace des F.F.I, et qui avec quelques camarades ont eu une carrière encoreplus "compliquée" que celle consistant pour un communiste comme moi, à "patauger" 42ans dans le cloaque de la sphère bancaire)
Comme pour la’ALGERIE, cela écorche la g..de certains-y compris hélas "communistes"..- de rappeler l"engagement da" u PC..
– Henri a a pyé et paie encore d’ une façon particulèrement dégueulasse( je pèse mes mots ), une véritable insulte à l’Histoire du mouvement révolutionnaire - un révisionnisme puant,un négationnisme de "classe", qui à défaut de pouvoir nier le courage-alors à contre courant d l’opinion- les prises de positions des militants algériens dits d’"eurogine européenne" ,consiste à taire ou d’évoquer du bout des lèvres un fait tétu qui"dérange" c’est au nom d’un engagement humaniste, COMMUNISTE, que des Alleg, des Maillot, des Yveton , des AUDIN ont été du combat anticolonialiste, et figurent au tableau d’honneur de notre camp.
Il est vrai qu’il est plus dans l’air du temps de rechercher des"poux dans la tête du PCF pour telle out elle décision des plus discutables( je n’ai pardonné auPC son vote des pouvoirs spéciaux -février 56- qu’à 29 , en 1968 et un lecture du dernier livre d’Henri est salutaire sur cespoints-)
....que de reconnaitre que c’est l’engagementcommuniste, anticolonialiste, qui explique le parcours d’HENRI
Que cette réécriture à la"gomme" soit lefait , aussi, du Parti qu’HENRI a eu le "tort" de critiquer dans sa version "mutante" c’est triste !
Cordialement
A.C
Notes :
– Tu excuseras le rappel d’un article que j’ai"commis" ici, lettre ouverte àHollande concernat la TORTURE et l’assasinant d’AUDIN
https://bellaciao.org/fr/spip.php?article131792
– Des Camardes algériens m’ont offert il ya quelques années l’édition algérienne de
"Mémoire algérienne - Souvenirs de luttes et d’espérances (publié en 2005)
édition française:STOCK
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rappel :" la QUESTION" a été réédité aux Editions De Minuit en nov2008(Henri Alleg et Jean-Pierre Rioux)