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Hou, Hou ; méfions-nous les mots « pipés » sont partout !

par Paul Saint-Sernin

Publie le samedi 31 octobre 2015 par Paul Saint-Sernin - Open-Publishing

Hou, Hou ; méfions-nous les mots « pipés » sont partout !

Nous vivons dans une époque de confusion ou les citoyen(ne)s tellement trompé(e)s ont fini par perdre beaucoup de leur confiance dans la politique et dans la plupart de celles et ceux qui en font soit leur occupation favorite et souvent leur métier.
Le plus grave est que les mots qui expriment les choix et les valeurs sont devenus « menteur » ou « trompeurs » et altèrent toute possibilité d’un vrai débat authentique et honnête. Les concepts de base qui devraient pourtant éclairer l’intelligence et les choix des citoyen(ne)s sont devenus comme des « mots valises » qui ne transportent que du vent et trop souvent ; de la « fausse pensée » comme il existe de la « fausse monnaie ».
Le grand écrivain britannique, George Orwell, qui se battit aux côtés des républicains espagnols (exactement aux côtés des brigades du POUM en Catalogne) durant la guerre civile nous avait déjà alerté sur cette dérive du sens des mots dans son roman tellement prémonitoire ; « 1984 ». Il désignait cette inversion et imposture des termes et du de sens sous le qualificatif de « novlangue ».
Pour illustrer mon propos ; je me propose de décaper et d’analyser la dérive de deux mots clefs de la « novlangue » actuelle.
Il s’agit des deux termes majeurs les plus trompeurs en usage ;
Il s’agit d’abord du mot, « Réforme », puis celui tour récemment exhumé de notre histoire celui de « frondeur ».
 1°) le terme « réforme » fut d’abord une définition religieuse avant d’avoir une définition politique. C’est ainsi que « La Réforme » fut au XVI me siècle, un équivalent du mouvement de retour au texte biblique et a une religion « réformée » pour les différentes familles spirituelles issues de la critique de la religion catholique et romaine par Luther et Calvin. La religion catholique lança pour contrecarrer cette contestation religieuse le mouvement inverse nomme la « contreréforme ». Bien plus tard, le terme de réforme prit un sens politique mais peut être lui est/il reste de son sens premier religieux comme la quête d’une parousie terrestre jamais assouvie. Le dictionnaire Larousse nous donne une définition simple : « faire subir a quelque chose des modifications importantes destinées à l’améliorer » ; puis un deuxième sens plus littéraire indique : « Supprimer ce qui est nuisible . ».
Nul doute que lorsque les constituants se réunirent le 4 août, suite à la grande peur ayant bouleversé le Peuple paysan, pour abolir les « privilèges » et autres « droits seigneuriaux » , c’est le sens de supprimer ce qui est nuisible, c’est à dire les « privilèges nobiliaires » qui s’appliqua. De même que lorsqu’à la suite du grand mouvement de Grève de juin 1936, le Gouvernement Léon Blum modifia en bien profondément le sort de la classe ouvrière, il « apporta ( sans conteste) des modifications importantes » de la condition de millions de salariés. Or ce sont ces deux caractéristiques d’amélioration ou de suppression de ce qui est nuisible pour le plus grand nombre qui semblent avoir disparues. Car lorsque le pouvoir politique contemporain se prévaut bien souvent de « réforme ». Mais qu’en est-il réellement ? Désormais depuis le milieu de l’année 1980, nombre de soi-disant « réformes » n’ont plus été adaptées pour améliorer la vie du plus grand nombre ou supprimer des abus et des privilèges, mais au contraire pour adapter la société Française à une mondialisation destructrice ou à des intérêts particuliers ou préparée pour les besoins exclusifs des seules machinerie et bureaucraties étatique.
Appeler « réforme », l’allongement du temps de travail ou la diminution des prestations sociales est un contresens doublé d’une imposture.
Tout ce qui aggrave la peine des Femmes et des Hommes ou n’agit exclusivement qu’en faveur d’intérêts particuliers comme par exemple dans l’intérêt des banques ne saurait être considéré comme relevant du vrai sens de « réforme » mais mérite d’être qualifié de « régression sociale ». La Fontaine nous disait déjà : « J’appelle un chat, un chat et Rollet, un fripon. ». Cette régression n’est pas sans présenter quelques analogies avec cette nouvelle forme de « contreréforme » comme le fut la contreréforme catholique appliquée au XVII me siècle et qui revivifia l’inquisition. Cependant elle ne relève plus du domaine spirituel ou alors emprunte une forme idéologique (l’idéologie « économiste » néo-libérale) mais du temporel et souvent du social. Il se passe comme si les notions d’amélioration et de progrès social s’étaient perdues ou du moins diluées dans le mouvement de retour en arrière et de « contreréforme » « conservatrice initiée par Margaret Thatcher et Ronald Reagan et leurs épigones et suiveurs européens.
Comment voulez-vous que les citoyens s’y retrouvent quand les mots qui qualifient le sens et la signification et le contenu des actes et des mesures prises sont carrément détournés de leur sens premier et souvent même inversés et, comme retournés en leur contraire ? La perte de sens dans la Politique et celles et ceux qui en usent trouve ses racines dans la falsification des mots et des notions.
 2°) Le deuxième mot piège et menteur qui a fait récemment florès est celui de « frondeur », appliqué sans discernement ni vergogne aux quelques députés minoritaires du parti socialiste qui se sont efforcés de rester honnêtes et fidèles, tant au programme de leur parti qu’à leur fonction de contrôle de l’exécutif qui est le fondement même de la fonction de parlementaire soit préparer, voter et contrôler la Loi.
Examinons de plus près ce qualificatif repris unanimement par les Médias comme un mantra et aussi comme une manière malveillante de déprécier leur action politique sur la forme en masquant les vrais débats de fonds. L’origine du mot « Frondeur » est à rechercher dans notre Histoire, lors d’une des périodes les plus troubles où les jeunes gamins de Paris usèrent de cet instrument fait pour lancer des pierres contre les fenêtres et officiers qui protégeaient Mazarin, ministre cardinal haï, notamment pour les hausses d’impôts qu’il avait fait subir au Peuple et la quasi usurpation à son exclusif bénéfice des faveurs que lui procuraient sa position de Ministre de la Reine. Par extension le dictionnaire « Le petit Robert » nous donne la définition suivante du terme « frondeur » : « 1. soldat ou gamin armé d’une fronde 2. Personne qui appartenait au parti de la Fronde 3. Personne qui critique, sans retenue ni déférence, le gouvernement, l’autorité, les règlements, etc. Esprit frondeur, enclin à l’impertinence ».
Notons que l’ensemble de ces sens donnés à la « Fronde » relève plus d’une opposition politique contre un pouvoir monarchique que d’un débat parfaitement légitime dans le cadre d’un Parlement et d’une République, sinon à quoi servirait-il d’élire des députés pour seulement enregistre sans en discuter les initiatives du seul exécutif ?
Le fonds des choses est que notre cher pays n’est plus réellement une vraie République et a tendance à devenir une « démocratie » de pure apparence. Ce fut d’ailleurs le sens historique et l’immense faille et faute qui présida à l’instauration de la V me République présidentialisé en 1962 que de tenir le Parlement et la justice comme deux des trois pouvoirs ; subordonnés et mineurs, par rapport à un exécutif hypertrophié et bicéphale de plus en plus présidentialisé. Or comme les candidats devenus Présidents se sont donnés de plus en plus la latitude et même leur pur « bon plaisir » de ne point appliquer ou seulement partiellement le programme sur lequel ils ont été élus (réduire la « fracture sociale » pour Chirac en 1995, et le 11 me engagement de François Hollande ; je cite : « Renégociation du traité européen en privilégiant la croissance et l’emploi et en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne ( … ) Défendre un budget européen ( 2014-2020) au service des grands projets d’avenir »
Mais « passez muscade ! », lorsqu’une fois élu le Président ne se croit plus tenu par ses propres engagements auprès de ses électeurs. Et quand une vaillante cohorte de députés honnêtes demande et bataille très légalement dans le cadre parlementaire, ils sont renvoyés à l’image de « frondeurs » excessifs et turbulents, pourquoi pas de « trublions ». Y a-t-il dans ce pays dont les ficelles sont, en fait presqu’entièrement confisquées et tenues par une « nouvelle noblesse de robe d’Etat » bien trop proche par sociologie et parcours de carrière de la « haute banque » un sens et le goût pour un débat vraiment contradictoire et un vrai goût d’une République et d’une démocratie non proclamée mais réelle et bien vivante ?
Il ne m’appartient pas de répondre mais bien dans votre for intérieur à chacune et chacun d’entre vous, car avez bien quelques idées sur nos failles et carences démocratiques dont nous souffrons toutes et tous et par lesquels prospèrent comme des champigno,ns sur la mousse la famille quasi-Dynastique des « Le ¨Pen » ; grand-père, fille et petite-fille (encore l’ancien Régime qui réapparaît !) . Mais je le maintiens il faut prendre garde aux « mots » qui sont de redoutables moyens de fausser un vrai débat démocratique, digne de ce nom.
Paul Saint-Sernin ( Historien et économiste vivant à Toulouse, biographe de Silvio Trentin)