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IVG en danger ?

par Danton

Publie le dimanche 9 février 2014 par Danton - Open-Publishing

Cette semaine, je fais le choix d’aborder l’IVG qui est aujourd’hui à nouveau, devenu un sujet de débat. Nous ne sommes pas en France dans la remise en cause de sa forme, cependant il n’est pas à banaliser ce qui se passe en Espagne et la vigilance à ne pas reculer sur les libertés acquises reste la responsabilité de chacun(e).

Historique

Il importe de refaire un peu d’histoire. La libre contraception n’est accordée en France qu’en 1967, mais l’avortement reste un délit puni par la loi. A l’époque on considère à environ 250000 françaises qui subissent des avortements clandestins. Les conditions sanitaires, pour celles qui ne peuvent se rendre dans certains pays qui autorisent cette pratique, sont déplorables et nombreuses seront celles qui en seront marquées pour toujours, voire qui y perdront la vie.

En 1971 : 343 "salopes" signent un manifeste pour affirmer qu’elles se sont mises volontairement en situation illégale en avortant, et qu’elles dénient à la loi française le droit de les sanctionner (le manifeste des 343 salopes)

Le manifeste

1973, 3 février : manifeste de 331 médecins ayant déclaré avoir pratiqué l’ avortement.

1973, avril : création du MLAC (mouvement de libération pour l’avortement et la contraception).

1973, juin : le MLAC refuse la loi Messmer qui doit libéraliser l’avortement (dans le cas de malformations du foetus, santé de la mère, viols inceste...). Le MLAC veut un avortement libre et gratuit.

1973 : 17 000 médecins, 12 000 élus, 10 000 juristes signent une pétition contre l’avortement (fondation Jérôme Lejeune, association Laissez-Les vivre).

1974, mai : procès de Grenoble. Le MLCA, le planing familial, le MLF (mouvement pour la libération de la femme) médiatisent le procès d’une mineure qui a avorté son enfant.

1974 : élection de Valéry Giscard, présentation de la loi sur l’avortement en novembre.

En 1974 Madame Simone Veil présente un projet de loi à l’assemblée visant à permettre aux femmes d’avoir recours à un IVG.

Simone Veil à la tribune en 1974

1980 : le Conseil d’Etat refuse aux pères et aux maris le droit d’empêcher leur femme d’avorter (interview Gisèle Halimi 04/11/1980).

1982 : remboursement possible de l’avortement grâce à la Loi Roudy.

1993 : loi Neiertz créant notamment un délit d’entrave aux avortements et supprimant la pénalisation de l’auto-avortement.

1999 : mise en vente libre de la "pilule du lendemain"

2001 : allongeant le délai légal de recours à avortement de 10 à 12 semaines (soit 14 semaines d’aménorrhée) ; les mineures peuvent avorter sans que leurs parents ne soient au courant. Les infirmières scolaires peuvent distribuer des "pilules du lendemain" (abortives) à des enfants. L’entretien psychosocial n’est plus obligatoire pour les majeures. Loi Aubry.

2004 : autorisation d’avorter chez le gynécologue ou le médecin généraliste en prenant de la Mifégyne (la molécule RU486).

2013 : remboursement total de l’avortement par l’assurance sociale.

2014 : la notion de détresse de la femme qui était un préalable à l’avortement est supprimée de la loi, notion devenue effectivement désuette au fur et à mesure des années.

Cette soumission du projet durera quatre jours, il sera même retransmis à la télévision tellement ce projet suscite des réactions. Madame Veil subira de nombreuses attaques violentes et insultes de la part des députés, le plus souvent de ceux de son propre clan politique. Ils seront du reste nombreux à voter contre la loi, 181 voix sur 189 qui y sont opposés.

La loi sera promulguée le 17 janvier 1975.

L’IVG un droit, un choix, une liberté !

Sous couvert de la religion, ou de sexisme, il existe des opposants à ce droit (durement acquis), ils dénoncent la société qui rejetteraient : les tabous moraux, unions, modalité de fidélité, maternités, autorisations sexuelles, respect de la vie, etc... Ces mêmes "bien pensant" qui dénoncent ceux qui qui n’adhèrent pas à leurs idées comme des familles en perte de sens dans les sociétés évoluées. Ils vont jusqu’à nier les dangers de l’avortement dans notre culture avant la loi, et l’incombent comme étant actuels et liés aux progrès médicaux en Occident. Ils évoquent l’IVG comme "l’élimination des enfants non désirés." Et nomment l’avortement "un infanticide".

L’obscurantisme de quelques fanatiques ou névrosés a aujourd’hui l’allure d’une guerre sainte, Jérusalem devenant l’utérus, comment peut on imaginer que cette lutte puisse être remise en cause, menée par tant et tant de femmes, celles qui disaient bien sur, désignées comme des harpies, mais également le monde silencieux représenté par la majorité des femmes de ces années passées ?

Quel non sens vient habiter ces esprits haineux qui désignent la femme comme un être malsain, voire une conspiratrice du mal (cela n’évoque bien sur rien de la Genèse !). Je suis un homme et sans doute que ma pensée humaniste m’a toujours laissé penser que le sexe importe peu dans les droits de la liberté de son existence. Comment combattre contre cette bête insidieuse qui dénonce par des idées simplistes, que les avancées de la familles dans notre culture, ne sont que des manipulations qui reposent sur un complot féminin ?

Comment faire entendre raison à ces "manipulateurs" des esprits affaiblis par cette période de crise, qu’il n’y a, qu’il n’y a jamais eu de complot mais juste la quête de libertés, la demande de reconnaissance, et simplement pouvoir être reconnues pour les femmes, comme le sont les hommes, libres de leur existence ?
Les femmes dans la rue en France
Aujourd’hui l’Espagne remet en cause le droit à l’avortement sous la forme existante, il est fort probable que la loi passe, le projet ayant été retenu. C’est une régression terrible sur l’égalité pour tous, ce ne peut être banalisé et j’entends déjà les offusqués railler de cet état de fait comme un début de la "recolonisation religieuse de l’Europe". Ne négligeons pas ce que l’Espagne traverse et n’oublions pas l’histoire, abolir un droit voté et accepté c’est la porte ouverte aux mille abus. L’IVG n’est pas simplement un acte politique et féminin, il n’est pas juste dépendant des femmes, combien d’hommes ont préféré laisser faire un avortement à leur compagne plutôt que d’assumer ? Combien ont fuit en ne laissant pas d’autres choix pour beaucoup que de faire pratiquer une IVG ? L’Espagne par cette remise en cause de ce droit des femmes, crée un précédent, ainsi une porte s’ouvre lentement sur les abus d’un retour vers encore plus d’inégalités, une histoire ancienne qui reprend inexorablement sa place chez les conservateurs et l’extrême droite.

Doit-on sous couvert d’une religion, d’un sexisme, d’un état de fait lié à l’histoire de l’humanité régresser à l’aube de la civilisation chrétienne ? Ne peut-on simplement pas positiver les avancées et en faire l’axe d’un monde qui soit plus serein et équilibré ? Ne peut-on vivre une ère qui soit bienveillante où l’empathie permet d’écouter et d’avancer sans être en "guerre" ?

Aujourd’hui je veux juste reprendre les mots de Monsieur Stéphane HESSEL : "INDIGNEZ-VOUS !", oui indignez-vous de ce droit que se donnent certains de penser qu’ils détiennent la seule vérité, indignez-vous de cette pensée unique qui ne laisse aucun choix individuel, indignez-vous de ces utilisateurs de l’histoire qui n’hésitent pas à en changer le sens, indignez-vous en gardant l’envie de vivre une vie qui soit une recherche positive et ouverte aux autres, indignez-vous de ces liberticides qui n’ont de cesse de vouloir être les seuls détenteurs du devenir de l’humanité, indignez-vous hommes et femmes en refusant d’alimenter l’intégrisme qui n’a jamais été, qu’il soit d’ici ou d’ailleurs, une source d’existence librement pensée et choisie.

Indignez-vous tout en restant vigilants, la France possède son lot de penseurs censeurs. Il est important de rester à l’écoute des changements qui touchent les libertés individuelles acquises de nos voisins d’Europe.

Je tiens à préciser qu’il ne s’agit nullement d’une plaidoirie contre les croyants, nombreux sont de libres penseurs qui ne s’opposent pas à l’avancée de la vie.

ET à ceux qui croyants interviennent en accusant n’oubliez pas : "Ne jugez point les autres, afin de ne point être jugés."