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Il y a pire comme boulot, mais quand même...

par René HAMM

Publie le mardi 26 novembre 2013 par René HAMM - Open-Publishing
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Lu dans « Couac, Couac » de Jérôme Canard, en page 4 du Canard enchaîné daté du 20 novembre 2013.

« Dans la rubrique « Tout n’augmente pas », cette annonce de Pôle Emploi reçue par Luc pour un poste de « réceptionniste polyvalent en hôtellerie ».
Pour un poil plus que le smic, « le (la) réceptionniste sera chargé (e) de l’ouverture de l’hôtel, de l’accueil de la clientèle, de l’édition des factures », travail normal de réceptionniste. Mais en plus, « il (elle) sera affecté (e) à la buanderie, en charge de la mise en place des petits déjeuners, du décrassage de la salle et du jardin ».
Et ce n’est pas tout. L’heureux élu devra aussi s’occuper « du nettoyage et du rangement de la cuisine ». Sans oublier « la réalisation des plats chauds traiteur et salades à destination de la clientèle intérieure ou extérieure à l’hôtel ».
On se demande bien pourquoi Luc n’a pas postulé. Fainéant, va ! »

Ayant exercé, de septembre 2001 à mars 2003, les fonctions de réceptionniste dans un hôtel trois étoiles à proximité d’Obernai (Bas-Rhin), je confirme l’exigence de la « polyvalence » par le(s) patron(-ne)s.

La première concerne le trilinguisme (français, allemand, anglais), et ce même si en l’occurrence le boss éprouvait notamment les pires difficultés à aligner correctement sur papier ne serait-ce que quelques phrases dans notre langue (1). Alors a fortiori dans celle de Goethe ou de Shakespeare ! Ainsi, je me souviens qu’il m’avait sollicité pour que je lui rédige une lettre destinée à Gilles Pudlowski ; l’inculte devait décliner, pour un « cas de force majeure », l’invitation à la présentation, par le célèbre critique gastronomique, de son guide annuel. Je m’étais exécuté non sans me fendre de l’une ou l’autre pointe d’ironie…
En sus de l’activité usuelle consubstantielle au job (accueil des client(-e)s, permanence téléphonique, prise des réservations, gestion des disponibilités, facturation…), l’on escomptait de moi, comme de mes collègues (féminines) du desk, plus douées pour ces manipulations, de m’impliquer dans le service des boissons (avec plateau).

Le salaire ? Quelques cents de plus que le SMIC hôtelier (6,67 euros bruts de l’heure, plus 2,91 euros bruts par jour d’indemnité de repas). Celui-ci s’élève, depuis le 1er janvier 2013, à 9,43 euros bruts, le « panier » à 3,49 € (2).

L’établissement en question fait partie, à tort, de la guilde internationale des « Romantik Hotels ». Durant mes dix-neuf mois de présence, sur un effectif global de dix-huit personnes, toutes catégories confondues, une vingtaine (3) a quitté les lieux. Un record qui eût mérité une mention au Guiness Book ! Moi-même, ne supportant plus « le climat délétère », j’avais démissionné.

« Romantisme » ? Au centre de la cuisine du restaurant, la poubelle. À l’époque, je n’avais repéré aucun distributeur de savon, ni de gants, dans les parages ! Les petits fours laissés sur une assiette étaient « recyclés » pour d’autres « gogos », y compris les « amuse-bouche »… tombés au sol !... Beûrk, beûrk ! La lutte contre le gaspillage a des limites, en particulier lorsque l’on contrevient sciemment aux règles d’hygiène et de décence les plus élémentaires.

Il n’était pas rare que des récipients avec des aliments (solides ou liquides) fussent stockés sans protection dans la chambre froide ou le frigo. Que même parfois l’on entreposait dans celui-ci des médicaments (par exemple de l’insuline) ne semblait guère troubler les champions du « terroir » !...

Je glisse (pudiquement !) sur la grossièreté du « Falstaff » et le mépris de « Fifi Brindacier », son épouse.

Qui s’étonnera que l’hôtellerie-restauration reste une branche « sous tension », dans laquelle le turn-over atteint des proportions hallucinantes ?

(1) Ce qui tendrait à attester le niveau bien faible, du moins sur le plan théorique, requis pour décrocher le bac hôtelier.
(2) Les employé(-e)s en salle et en cuisine, présent(-e)s à midi et le soir, le perçoivent deux fois quotidiennement.
(3) Dans le laps de temps considéré j’ai enregistré plus d’un remplacement sur un poste.

René HAMM

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