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« Il y a une pénétration du NPA en milieu ouvrier » (Jérôme Fourquet de l’IFOP)

Publie le samedi 11 juillet 2009 par Open-Publishing
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L’Ifop a réalisé une étude extrêmement instructrice sur les résultats comparés du NPA et du Front de gauche aux élections européennes. Jérôme Fourquet est directeur adjoint du département Opinion de l’Ifop.

Quels sont les principaux enseignements qu’on peut tirer de votre étude ?

Avec des scores relativement proches (4,9% pour le NPA contre 6% pour le Front de gauche) et des positionnements idéologiques quasi similiaires (aux yeux du grand public), on a deux électorats différents. D’un côté, celui du NPA est majoritairement composé de jeunes actifs (moins de 50 ans), peu intéressés par la campagne européenne, qui ont voté plutôt sur des considérations nationales. De l’autre, celui du Front de gauche, plus âgé (avec une surreprésentation des retraités), est plus politisé, plus mobilisé, plus intéressé à la campagne en tant que telle. Cette structuration explique en grande partie pourquoi le Front de gauche a dépassé le NPA. Le clivage se situe donc aux niveaux générationnel, sociologique et dans le rapport à la campagne. Contrairement à celui du Front de gauche, l’électorat du NPA s’est massivement abstenu et 72% de ses électeurs se disent peu ou pas intéressés par cette campagne : c’est vingt points de plus que la moyenne générale (52%) ! Pour ce baptême du feu, la stratégie du NPA n’avait pas suffisamment pris en compte les caractéristiques de son électorat, plus jeune, plus populaire, moins convaincu par l’acte électoral. Le NPA a été handicapé par la proximité de l’élection avec son congrès fondateur : ses militants étaient beaucoup mobilisés en interne sur la réussite du lancement du mouvement. Il s’est par ailleurs investi dans le soutien actif à la mobilisation sociale, notamment au mouvement du LKP en Guadeloupe. Dans un premier temps, la campagne « classique » a été mis au second plan, alors qu’il fallait redoubler d’efforts compte tenu de la tentation abstentionniste qui était grande dans son électorat potentiel. A l’inverse, le Front de gauche est parti plus tôt, a fait une campagne plus classique, et a mobilisé dans la durée. Cela s’est vu dans les sondages d’intentions de vote (le Front de gauche part à 4% en février et finit à 6% au mois de juin).

Pourquoi le NPA, parti à 8-9% dans les sondages, finit-il à 5% ?

Les Français se sont peu passionnés pour cette campagne. Les premières intentions de vote accordent la part belle aux têtes d’affiches médiatiques clairement identifiées en résonance avec le mouvement social. Mais il y a eu un petit retard à l’allumage du côté de la campagne du NPA qui a laissé le Front de gauche monter en puissance. On peut penser qu’une partie de l’électorat du « non », qui avait pu voter Besancenot à la présidentielle, a décroché au profit du Front de gauche. Pour ces électeurs de la mouvance communiste élargie notamment, il y a eu comme un retour aux sources. En février, alors que la campagne n’a pas commencé, les scores à 8-9% du NPA étaient indexés sur la visibilité médiatique de Besancenot à ce moment-là. Ces électeurs disent qu’ils voteront vraisemblablement pour lui mais, plus l’échéance se rapproche, plus ils disent qu’ils n’iront pas voter. Ils ne se détournent pas du NPA, mais du scrutin. La solidité de l’électorat du NPA laisse donc encore à désirer.

Que sont devenus celles et ceux qui ont voté pour Olivier Besancenot en 2007 ?

Une grande partie s’est abstenue… Parmi ceux qui se sont déplacés, à peine un électeur sur deux de Besancenot en 2007 a voté pour le NPA aux européennes, 17% pour le Front de gauche, 13% pour le PS et 12% pour Europe Ecologie. Donc 62% des électeurs de Besancenot en 2007 ont voté pour le NPA ou pour le Front de gauche. Les 17% qui ont voté Front de gauche ont probablement été attirés par sa thématique unitaire.

Comment se répartissent les votes pour le NPA et le Front de gauche au niveau géographique ?

Certes, il y a des zones de recouvrement et d’affrontement, où le PCF est implanté mais où le NPA se développe (agglomération de Rouen, Centre-Bretagne, Picardie, Nord-Pas-de-Calais). Mais il y a nationalement une répartition des zones de force. Le Front de gauche est dominant dans tout le sud de la France, notamment dans la circonscription Sud-Ouest grâce à l’apport de la campagne de Mélenchon, où le Front de gauche est nettement devant, en Ile-de-France et dans le centre (implantation ancienne). Même si, dans la Creuse, le sud de l’Indre et les périphéries de Limoges et Clermont, le NPA réalise des scores importants. Le NPA, quant à lui, devance très nettement le Front de gauche dans tout l’ouest de la France et également dans le Grand-Est. Dans certaines zones industrielles et ouvrières, sans implantation historique du PCF, le NPA fait des scores élevés : à Sochaux-Montbéliard (Peugeot et sous-traitants), Givet et Fumay (Ardennes), ou bien encore dans la région de Gandrange (Moselle) par exemple. Il y a donc une pénétration du NPA en milieu ouvrier.

Les scores du Front de gauche semblent avoir été tirés par les « bastions » du PCF…

Le Front de gauche s’est appuyé sur des milieux où le PCF est encore fort. Du coup, il réalise des scores très variables, allant de 1% à 45% (dans certaines villes qu’il détient). En revanche, le NPA obtient un résultat beaucoup plus homogène (compris, grosso modo, entre 3% et 10%). Et c’est sans doute un enseignement pour le NPA : bénéficier d’une implantation locale, d’élus et d’un maillage du territoire est important dans une élection comme celle-ci.

Propos recueillis par Thomas Mitch