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Ismaïl Omar Guelleh est-il en train de brader Djibouti aux Chinois ?

par Afrinside

Publie le jeudi 25 juin 2015 par Afrinside - Open-Publishing
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Alors qu’une élection présidentielle se prépare à Djibouti (en 2016), le pays d’Ismaïl Omar Guelleh, président depuis 1999 et candidat à un quatrième mandat consécutif, semble pris d’une fièvre acheteuse, qui l’encourage à s’endetter massivement auprès de la Chine pour réaliser de nombreux projets. Si ces projets, essentiellement infrastructurels, ont pour objet d’accélérer le développement de ce petit pays africain pour permettre à Guelleh de faire bonne figure en période de campagne électorale, ils pourraient bien finir par entrainer la faillite de l’Etat, dernier bastion apaisé dans une zone en proie au chaos.

Pays de la corne de l’Afrique peuplé de 800 000 habitants et limitrophe de l’Ethiopie, de la Somalie et du Soudan, Djibouti est un confetti par sa taille. Par sa situation politique et stratégique, c’est en revanche un territoire hautement convoité. Le détroit de Bab el Mandeb, situé entre le Yémen et Djibouti, est emprunté chaque année par environ 20 000 navires, représentant 12 % du commerce maritime mondial, un taux montant à 30 % pour le pétrole. On ne s’étonnera donc pas que les marines française, américaine et japonaise utilisent leurs concessions militaires djiboutiennes, louées chacune plusieurs dizaines de millions de dollars par an, pour rayonner au large des côtes afin de sécuriser ce trafic maritime, en proie à de fréquentes attaques de pirates.

Les bases militaires djiboutiennes servent également de tête de pont de la lutte occidentale contre le terrorisme, représentés dans la région par l’intermédiaire des Shebab notamment, qui contrôlent une bonne partie de la Somalie. Pourtant, si la France, les Etats-Unis et le Japon ont acquis par leur présence une certaine influence à Djibouti, celle-ci tend à s’émousser au profit de la Chine, puissance de plus en plus active dans la région (et sur l’ensemble du continent).

La Chine, en se hissant au rang de grande puissance mondiale, entend en effet se tailler la part du lion dans cette zone ô combien stratégique, et ce par des biais détournés, n’hésitant pas à mettre ses débiteurs dos au mur pour accroitre son autorité sur eux. Ainsi, on peut s’inquiéter de la frénésie avec laquelle Djibouti multiplie les accords commerciaux avec la Chine, au mépris des avertissements répétés de l’Union Européenne et du Fonds monétaire international, qui craignent que le pays d’IOG ne fasse exploser sa dette extérieure. Membre du parti d’opposition USN, Doualeh Egueh Ofleh prévient : « Quand nous contractions des prêts auprès de la Banque mondiale ou d’autres institutions occidentales, il y avait un certain contrôle… à présent avec les Chinois, nous contractons tous les prêts possibles et imaginables pour n’importe quel projet, sans aucune forme de contrôle ».

Exemple parmi tant d’autres, celui de la construction d’une voie ferrée reliant la frontière éthiopienne au port de Doraleh (extension du port international de Djibouti), ayant nécessité un prêt de 505 millions de dollars auprès de l’Exim Bank ok China (EBC), avec un remboursement prévu en 10 ans, sans période de grâce, pour un taux d’intérêt usurier, supérieur à 5 %. A titre de comparaison, les taux de la Banque mondiale sont de l’ordre de 2%, avec étalement des remboursements sur trente ans assorti d’une période de grâce de plusieurs années. Une telle politique d’endettement paraît irresponsable pour un Etat comme Djibouti, dont le secteur tertiaire représente 82 du PIB %, ce qui rend le pays, dépourvu de ressources naturelles, particulièrement vulnérable. Une donne que ne contribuent pas à modifier les chantiers en cours. Concernant la construction de la voie ferrée reliant Djibouti à l’Ethiopie, il est en effet avéré que les firmes chinoises privilégient… de la main d’œuvre chinoise. Une stratégie que semble d’ailleurs avoir adopté la Chine partout où elle s’implante en Afrique, comme le signalait en 2012 le président sud-africain Jacob Zuma, qui dénonçait le phagocytage des intérêts africains par les firmes chinoises, et en appelait à davantage de joint-ventures entre l’Empire du Milieu et l’Afrique, pour une relation plus saine et durable.

Soucieux de renvoyer l’image d’un pays en pleine expansion, prenant à bras le corps le défi de la modernisation, Ismail Omar Guelleh s’est lancé dans une politique de développement titanesque, et semble peu se soucier de faire vivre son Etat au-dessus de ses moyens. Au bord de la faillite, avec une dette ayant déjà atteint sa limite de soutenabilité (60 % du PIB), et qui augmente d’environ 10 points de PIB par an, il faudra bien pourtant que Djibouti rende un jour des comptes à son principal créancier : la Chine. Ce jour là, le pays, dans la probable impossibilité où il se trouvera de rembourser, n’aura d’autre choix que de faire des concessions à la Chine, qui ne manquera pas l’occasion d’y renforcer considérablement son influence. Pas vraiment une bonne nouvelle pour le peuple de Djibouti, quand on connaît la façon dont la Chine foule régulièrement aux pieds la question des droits de l’homme. Pas vraiment une bonne nouvelle pour la communauté internationale non plus, quand on sait l’importance de Djibouti dans la lutte contre le terrorisme et la piraterie.

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