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Japon : la catastrophe nucléaire avait été prévue

Publie le mercredi 16 mars 2011 par Open-Publishing
14 commentaires

Japon : la catastrophe nucléaire avait été prévue

15/03/2011

« A moins que des mesures radicales ne soient prises pour réduire la vulnérabilité des centrales aux tremblements de terre, le Japon pourrait vivre une vraie catastrophe nucléaire dans un futur proche. » Cet avertissement est tiré d’un article paru le 11 août 2007 dans le quotidien International Herald Tribune/Asahi Shimbun . Son auteur est le sismologue Ishibashi Katsuhiko, professeur à l’université de Kobe

Ishibashi Katsuhiko faisait partie du comité d’experts chargé d’établir les normes sismiques des centrales nucléaires japonaises. Il en avait démissionné pour protester contre la position du comité. Il estimait que les recommandations fixées par le comité étaient beaucoup trop laxistes.

En d’autres termes, le professeur Katsuhiko avait prévu ce qui est en train de se produire à la centrale de Fukushima. Il avait prévenu les autorités de son pays que les centrales japonaises souffraient d’une « vulnérabilité fondamentale » aux séismes. Mais ses avertissements ont été ignorés tant par le gouvernement que par Tepco (Tokyo Electric Power Company), premier producteur privé mondial d’électricité, qui exploite un tiers des centrales nucléaires japonaises, dont celle de Fukushima.

Katsuhiko a lancé son alerte en 2006, année où les normes de sécurité anti-sismiques japonaises ont été renforcées. Selon le sismologue, ce renforcement était encore très insuffisant. Les faits lui ont donné raison dès l’année suivante. Le 16 juillet 2007, un séisme de magnitude 6,8 a provoqué des incidents sérieux à la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, la plus importante unité de production d’électricité nucléaire au monde. Cette centrale se trouve sur l’île de Honshu, la principale île du Japon, comme presque toutes les centrales nucléaires japonaises, qui encerclent les trois plus grandes villes du pays, Tokyo, Nagoya et Osaka.

Avant le séisme de juillet 2007, un autre s’était produit en août 2005, affectant la centrale d’Onagawa, au nord de Fukushima ; encore un autre en mars 2007, dont l’épicentre était à 16 kilomètres de la centrale de Shika. Et cela s’est répété l’année suivante, avec une secousse de magnitude 6,8 à l’est de Honshu, près d’Onagawa et de Fukushima. Même s’il n’y a pas eu de dégâts importants, Tepco a signalé alors trois fuites de liquide radioactif à Fukushima Daini.

Ainsi, l’accident qui vient de se produire à Fukushima ne peut être considéré comme une véritable surprise, même s’il a pris de court les opérateurs de la centrale comme les autorités. Cet accident est la reproduction, en beaucoup plus grave, d’événements qui se sont répétés au moins depuis 2005.

Ishibashi Katsuhiko avait analysé le risque, expliquant que, dans les différents cas, « le mouvement sismique à la surface du sol causé par le tremblement de terre était plus important que le maximum prévu dans la conception de la centrale ». Lors du séisme qui a affecté la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, le pic d’accélération sismique était plus du double de la valeur que la centrale était censée supporter. « Ce qui s’est passé à Kashiwara-Kariwa ne devrait pas être qualifié d’inattendu », écrivait le sismologue.

Les manquements de la société Tepco

C’est malheureusement encore plus vrai du drame actuel, dont Katsuhiko avait anticipé la possibilité : « Si l’épicentre du séisme avait été un peu plus proche du site de la centrale et si la magnitude avait atteint 7,5 [...] , il aurait pu se produire un “genpatsu-shinsai”, un événement catastrophique associant tremblement de terre et fusion partielle ou complète du cœur d’un ou plusieurs réacteurs. »

C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui, et le séisme est encore plus puissant que ce qu’avait imaginé Katsuhiko. En 2007, il estimait que les centrales devaient être conçues pour résister à un mouvement de surface du sol d’une vitesse de l’ordre de 1000 gal, alors que les normes de 2006 ne prévoyaient que 450 gal (le gal est une unité utilisée pour mesurer l’accélération du sol et correspond à 1 centimètre par seconde carrée).

L’une des raisons pour lesquelles les centrales japonaises sont vulnérables aux séismes est qu’elles ont été construites pendant une période où il s’est trouvé que l’activité sismique était relativement faible – du moins pour le Japon. On s’est basé sur cette activité pour définir la résistance anti-sismique des installations nucléaires, et on en a construit 55, ce qui fait du Japon le troisième producteur mondial d’électricité nucléaire.

Or, à partir de 1995 et du grand tremblement de terre qui a dévasté la ville de Kobe, il y a eu un regain d’activité sismique sur l’archipel. Il aurait été donc nécessaire de revoir à la hausse la protection anti-sismique des centrales. Pour Katsuhiko, les centrales qui ne pouvaient pas être suffisamment sécurisées devaient être fermées. Cela n’a pas été fait. Et Tepco n’a pas pris en compte les failles sismiques sous-marines, notamment dans la zone de Kashiwazaki-Kariwa. Le risque lié aux tremblements de terre a été systématiquement sous-estimé, aussi bien par les experts nationaux de la sûreté nucléaire que par l’industriel.

Au demeurant, Tepco n’en est pas à son premier manquement en matière de sécurité. En 2002, l’entreprise a été au centre d’un scandale après avoir falsifié des documents d’inspection pour dissimuler des problèmes survenus sur certains de ses réacteurs. Le PDG, le vice-président et le président du conseil d’administration durent démissionner en chœur. La falsification concernait au moins trois incidents qui affectaient déjà les centrales de Fukushima et de Kashiwazaki-Kariwa…

http://www.mediapart.fr/journal/international/150311/japon-la-catastrophe-nucleaire-avait-ete-prevue?page_article=2

15 Mars 2011 Par Michel de Pracontal

Messages

  • Les évacués de Fukushima appellent le monde "à l’aide"

    TOKYO - "J’aimerais lancer un appel au monde : nous avons besoin d’aide", a déclaré mercredi le maire d’une petite ville japonaise qui accueille des milliers de personnes évacuées des environs de la centrale de Fukushisma.

    "A l’heure actuelle, nous avons reçu quelque 9.000 personnes", a indiqué à l’AFP Masao Hara, le maire de Koriyama, bourgade située à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de la centrale.

    Elles sont arrivées depuis que le gouvernement a ordonné l’évacuation de tous les habitants résidant dans un rayon de 20 km autour du site où les accidents s’enchaînent dans les réacteurs nucléaires endommagés par le séisme et le tsunami de vendredi.

    Les évacués ont été "installés dans des centres d’accueil", notamment le stade de baseball qui, fortuitement, avait été récemment rénové dans l’éventualité d’un désastre naturel.

    "Les gens sont préoccupés mais ils restent calmes. Il n’y a aucune panique. Ils sont plus inquiets lorsqu’ils regardent la télévision et constatent l’angoisse qui a saisi le pays", témoigne M. Hara.

    La vie s’est rapidement réorganisée, conformément à l’esprit de discipline et de solidarité de la société nipponne. Les évacués se voient offrir des examens médicaux et des tests de radioactivité.

    "Ce dont nous avons besoin urgemment, c’est de l’essence, du kérosène, de l’eau et de la nourriture", a indiqué M. Hara. "Plus que tout, nous manquons de kérosène parce qu’on ne peut rien faire sans.

    Nous ne pouvons pas nous chauffer ou faire fonctionner les pompes à eau", a-t-il ajouté, alors qu’il fait encore froid dans cette région du nord du Japon........

    http://www.romandie.com/ats/news/110316055410.fmos

    • Je cite Paul Jorion http://www.pauljorion.com/blog/

      "il nous faudra faire un jour le constat que la seule énergie digne de ce nom est
      -renouvelable,

      -neutre du point de vue de l’environnement, et

      -propriété commune de l’humanité.

      Ce jour devrait être aujourd’hui,

      -par respect pour le peuple japonais et les épreuves qu’il traverse

      -en raison d’une part de la manière dont est faite notre planète,

      -mais aussi d’autre part en raison de ce que nous avons fait de celle-ci jusqu’ici."

      Pour moi le "nous" veut dire : nous n’avons pas (encore) réussi à désarmer la caste capitaliste, qui n’a cure du bien commun, autrement qu’en termes d’image. Le capitalisme est bien à l’origine de cette catastrophe, via le choix de l’investissement nucléaire. Les peuples ne sont pas visés, simples victimes collatérales, ils ne comptent simplement pas dans le calcul, à ma connaissance aucune compagnie d’assurance n’assure le risque nucléaire. Les Japonais étaient antinucléaires.

  • La catastrophe nucléaire avait été prévue ? Voilà qui, du coup, jette un autre éclairage sur la question de produire de l’énergie à partir du nucléaire :

    1. Les critères qui ont été choisis sont économiques et se sont fondés sur l’intérêt financier au détriment de l’intérêt du peuple, potentiellement victime. Preuve s’il en est besoin que la gestion capitaliste choisit les intérêts du monde de l’industrie et de la finance contre ceux, vitaux, du peuple et de la nation.

    2. Ce qui met en valeur le fait que ce système économico-politique est antidémocratique. Si la population était invitée à prendre les décisions réellement, informée et documentée, ayant un réel pouvoir de décision, la catastrophe aurait été anticipée et n’aurait pas eu lieu.

    Observons qu’il est plus que connu que le Japon est exposé aux séismes et aux tsunamis. Aussi est-il étrange, pour le moins, que des centrales aient été bâties si près des côtes où peuvent intervenir ces tsunamis.

    Concluons enfin par l’idée qu’à contrario des écologistes, le problème n°1 qui se posent à nos sociétés, c’est moins le recours à l’énergie nucléaire qu’à l’absence de toute décision réellement démocratique du fait des raisons de certains choix pourtant essentiels : la sécurité nationale en matière d’énergie subordonnée aux décisions prises par les décideurs, les gouvernants et les actionnaires.

    Ne nous trompons pas de cible : la catastrophe actuelle ne doit rien au nucléaire mais tout au mode de gestion capitaliste qui tourne le dos à la véritable démocratie. Dans une perspective de gauche, il importe de recentrer les problèmes réels qui se posent réellement. Accuser le nucléaire, c’est se tromper de combat et confondre la conséquence et sa cause. C’est commettre un contresens total sur les sociétés modernes et technologiques.

    N’appelons pas à la fermeture des centrales, appelons à la démocratie populaire, au savoir scientifique majoritairement partagé, à l’extinction du profit privé et de l’actionnariat.

    • l’exploitation de l’énergie atomique est anti-démocratique par définition, tout comme le capitalisme. Elle suppose pour prospérer la rareté et l’élimination des énergies concurrentes, elle monopolise les capacités d’investissement du pays par le biais de lobbyes maffieux qui agissent au plus haut niveau et elle sacrifie l’avenir des populations à la rentabilité immédiate

    • l’exploitation de l’énergie atomique est anti-démocratique par définition c’est pas une définition, tout juste un slogan. Toute production n’est pas désincarnée mais s’inscrit dans les rapports capitalistes dont l’anti démocratie est une expression particulière. D’ailleurs par le biais de lobbyes maffieux, tout est dit, c’est bien cet état capitaliste très bonapartiste dont qu’il convient de ce débarasser en premier. EC

    • c’est se tromper de combat et confondre la conséquence et sa cause.

      C’est un peux comme dire : "combattre le stalinisme, c’est se tromper de combat et confondre la conséquence et sa cause."...

      Font pitié les gens de la CGT énergie et certaine membre du PCF que même devant l’évidence ne démorde pas avec leur position farouchement pro nucleare...

  • eclaires moi (!)

    je croyais que c’etait le tsunami qui avait noyé les équipements de refroidissement et que les centrales avaient resisté aux seismes...

    on nous aurait menti ? :))

  • à lire certains commentaires sur le site de Bellaciao, il semblerait que certains n’ont pas encore compris qu’il y a des sujets qui dépassent la problématique capitalisme/socialisme.

    le problème ne vient pas du fait qu’aucune sureté à 100% n’existe pas

    il est pitoyable d’entendre des arguments du type : on a des accidents d’avion , ce n’est pas pour autant qu’on interdit les avions !

    le problème vient du fait qu’après un accident nucléaire le problème radio_actif perdure pendant des milliers d’années

    même s’il n’y avait aucun risque d’accident ( ce qui est impossible ! ) , resterait la gestion des déchets nucléaires !!!!!!!

    donc , l’émancipation sociale ne peut absolument pas se satisfaire du nucléaire énergétique ( et bien sûr militaire, cela va de soi )

    il est temps que chacun prenne enfin ses resposabilités ; en particuliers les scientifiques, les ingénieurs et techniciens qui savent mais se voilent la face

    socialisme ou barbarie

    PS : ce midi, un haut ponte de la sécurité nucléaire a indiqué sur la télé que jamais ce qui arrive au Japon n’avait été envisagé ( 4 réacteurs 4 !!! pas 1 comme à Tchernobyle ) ; à voir son expression on voyait bien qu’il était ébranlé dans ces certitudes

    alors je me répète , ce sont des ingénieurs et techniciens du nucléaire que peut venir le coup final qui achèvera cette monstruosité !

    ils se doivent de plonger au plus profond de leur ame/coeur !

  • C’est intéressant constate que les agents de Areva viens sur Bellaciao pour publie leur propagande pro nucleare... Merci d’avoir vire leurs commentaires du site...