Accueil > Je vous pisse dessus, dit le patron

Je vous pisse dessus, dit le patron

Publie le jeudi 10 mai 2007 par Open-Publishing
7 commentaires

SOURCE : http://www.journal-la-mee-2.info/ar...

Au tribunal pour harcèlement

Nantes, les bords de Loire. Le Palais de Justice est noir, extérieur comme intérieur. La salle d’audience n°3 est habillée de bois rouge, du sol au plafond. Elle est réservée, ce 26 avril 2007, au procès « Marie » . Une bonne cinquantaine de salariés « Révoltés d’UFM » sont là : ils l’attendent ce procès, depuis longtemps pour « harcèlement moral, dégradation des conditions de travail pouvant porter atteinte aux droits, à la dignité, à la santé, à l’avenir professionnel d’autrui »

14h10 : Le Tribunal, Levez-vous. Trois juges, le Procureur, une greffière, M. Marie et son avocate parisienne, huit salariés d’UFM et leur avocate syndicale, et trois témoins qui sont priés de sortir. Ils attendront, à la porte, plus de 3 heures, sans rien entendre des débats.

Le Président du Tribunal s’adresse à Guy Marie : « Vous êtes a ccusé de harcèlement moral sur vos salariés » . Guy Marie : « J’ai 68 ans, je ne me rappelle pas de tout » .

Patiemment le Président interroge un à un les huit salariés plaignants dont Michel Brizard, qui, le 10 novembre 2004 tomba en dépression au pied de son poste de travail. Un des témoignages écrits produits au Tribunal relatera : « quand je suis arrivé pour le remplacer, j’ai demandé à Guy Marie où était Michel : il m’a répondu : il est à l’hôpital en train de mourir . Et c’est pas mon problème » .

Michel Brizard raconte : « j’avais plus de 25 ans d’entreprise, mais ce matin-là j’ai eu Guy Marie sur le dos toute la matinée, à me dire : tu n’es qu’une merde, tu n’es plus bon à rien » . Phénomène courant : quand le patron désirait se séparer d’un salarié, il le harcelait jusqu’à ce qu’il parte de lui-même. Comme ça, pas d’idemnités de licenciement à payer.

Un autre salarié affirme « il nous disait : je vous pisse dessus, je vous crache dessus, je vous emmerde » .

Un autre : « il nous disait : vous n’êtes que des merde, des presse-boutons. A la fin je n’en dormais plus la nuit et j’avais du mal à me concentrer le jour. Le patron avait besoin de faire des exemples. Quand je le voyais en train de harceler un ouvrier, je savais que cela pouvait m’arriver et je savais que je ne tiendrais pas le coup » - « Quand il voyait la victime s’affaiblir, il s’acharnait davantage. Faut l’avoir vécu pour comprendre »

Un ancien cadre raconte : « Un matin j’ai croisé Guy Marie dans un couloir. Il m’a fixé en me disant : tu ne sais pas ce qu’est la haine. Eh bien regarde-moi dans les yeux. Tu peux crever, j’en n’ai rien à foutre » .

Les salariés disent : « Nous venions à 2 ou 3 h le matin, à la demande, y compris le dimanche s’il le fallait. Au début nos heures supplémentaires étaient payées. Puis tout s’est dégradé. Un jour il nous a convoqués pour nous dire qu’il fallait faire 20 heures supplémentaires par semaine, gratis » « Ca veut dire quoi gratis ? Pourrons-nous récupérer ? » « Ca veut dire gratis » .

Le procureur dira : c’était travailler plus sans gagner plus.

Un ancien cadre dit à son tour : « Nous avons été convoqués. Il m’a proposé une baisse de salaire de 30 %. J’ai d’abord dit non, et puis j’ai accepté car j’avais peur d’être viré. J’ai une famille à nourrir. Je désirais seulement garder mon statut de cadre » - « Il m’a proposé de me licencier, puis de me réembaucher au bout de 3 mois. J’ai refusé car, alors, je perdais tous les avantages liés à mon ancienneté » .

Tous les salariés qui ont subi ces pressions étaient de « vieux » salariés dans l’entrepprise. Pour l’avocate du patron, c’était presque une tare : « si la situation était aussi grave que vous le décrivez, pourquoi êtes-vous resté ? Il fallait vous plaindre » - « Nous plaindre à la Direction ? C’était la porte assurée et plus de possibilité de trouver un travail analogue à Châteaubriant »

Les salariés ont fini par monter un comité d’entreprise, en dehors de tout syndicat. Ah la la ! Certains membres ont dû partir, d’autres ont dû subir les sarcasmes « Il venait même me faire des histoires à propos des socialistes. Pourtant les socialistes n’avaient rien à voir là-dedans » dit un salarié. Pour les ouvriers, ce comportement était à la limite de l’esclavagisme.

Le jour où Michel Brizard est tombé, les salariés ont compris que leur intégrité physique allait être bientôt aussi atteinte que leur intégrité morale : une dizaine d’entre eux ont porté plainte auprès de la médecine du travail, de l’inspection du travail et auprès de la gendarmerie, appuyés par le témoignage de 32 de leurs camarades.

Appelé à la barre, l’Inspecteur du Travail relate le climat de peur qui régnait dans l’entreprise. « Une entreprise très propre. Mais quand j’ai fait le tour avec Guy Marie, personne ne m’a salué. Je n’ai pu croiser le regard d’aucun salarié. Le climat était très pesant. Par la suite, quand j’ai discuté avec M. Marie, il m’a dit que l’intérêt de sa famille passait avant celui des salariés » - « Puis j’ai rencontré une bonne trentaine de salariés. Je les ai trouvés très abattus, humiliés, humiliés d’avoir été obligés d’accepter si longtemps le comportement de leur employeur » .

Un dimanche : pointage et filmage

Retour en arrière : le dimanche 29 février 2004, tous les salariés ont été invités à venir dans l’entreprise. Pour faire le point sur la situation. Il y a eu pointage des présents et même ... filmage. « Par la suite, M. Marie a cessé de nous saluer. Nous avons compris que nous étions sur la liste rouge. » 30 septembre 2004, les salariés ont été convoqués pour une réunion : « Vous n’êtes que des merdes » leur dit Guy Marie, avec bras d’honneur et doigt d’honneur. « Moi je suis milliardaire, j’ai une belle maison et des meubles en chêne et je vous emmerde »

Interrogés comme témoins, deux cadres confirmeront le climat de tension dans l’entreprise, ils reconnaîtront les insultes de M. Marie vis à vis de ses salariés, ils avoueront avoir vu plusieurs fois des hommes en larmes. « La présence de M. Marie ne pouvait pas passer inaperçue. Il faisait régner la terreur, le dialogue était impossible » .

D’autres cadres, dans le rapport de la gendarmerie, diront, eux, qu’ils ne se souviennent de rien.

Non, rien de rien

Interrogé par le Président, Guy Marie ne se souvient pas d’avoir insulté ses salariés. « Ce n’étaient pas des insultes, mais une façon de parler particulière » . Tout juste admet-il avoir « pété les plombs » une fois. Et puis sa grande ligne de défense est celle-ci : « Moi je ne décidais rien, c’est ma fille Sandrine, qui est très capable, qui décidait tout » « Dire bonjour, ce n’est pas une obligation, j’allais pas embrasser tout le monde tous les jours » - « il y a eu des licenciements, des avertissements, mais c’était pas moi, c’était Sandrine » . « Des fois les explications avaient lieu en ma présence, c’était un concours de circonstances car souvent je n’étais pas là » « Les principaux responsables, c’étaient les cadres, s’ils avaient réussi à maintenir l’ambiance d’avant, il n’y aurait pas eu ces problèmes » . Un cadre dira pourtant que M. Marie était très présent dans l’entreprise, depuis 2003, « plus qu’avant » . Innocemment M. Marie reconnaîtra « Mon arrivée dans l’entreprise a créé une épidémie d’arrêts de travail » .

Jouant sur les mots, M. Marie dit « il n’a pas été demandé aux cadres de baisser leurs salaires, c’était seulement une proposition » . Mais ceux qui ont refusé ont été licenciés. « C’est pas moi, c’est ma fille » .

Mélangeant sciemment les dates, entre 2004 (époque des harcèlements) et 2006 (époque de la liquidation de l’entreprise), M. Marie met en avant « la campagne médiatique, les défilés dans les rues de Châteaubriant, une armée de braillards avec des drapeaux rouges » .... Ce qui s’est passé en 2006, après la liquidation contestable de l’entreprise, ne peut justifier le harcèlement moral des années 2004 !

Dignité : on ne va pas sur son lieu de travail pour pleurer

L’avocate des salariés évoque au contraire la souffrance des salariés : un contrat de travail est, par nature, déséquilibré. C’est pourquoi il donne le devoir à l’employeur de respecter la dignité des salariés. « Ceux-ci peuvent accepter les sautes d’humeur de l’employeur, quand cela reste supportable mais, à partir de 2003, les tensions vont s’accentuer » .

« Que l’employeur demande de travailler, c’est normal » et à UFM les salariés n’ont jamais refusé, « mais leur dire, à répétition, " ton boulot c’est de la merde ", n’est pas acceptable » . Insultes, pression, chantage à l’emploi, « on ne va pas sur son lieu de travail pour en sortir en pleurant » . L’avocate parle de pratiques d’un autre âge conduisant, pour les salariés, à une implosion psychique.

Le Procureur, lui, estime que la crise économique ne peut expliquer le harcèlement moral. « La force d’une entreprise ce sont les hommes, les dirigeants qui prennent des risques mais aussi les salariés qui doivent être respectés » . Il pense que M. Marie était au moins le gérant de fait de l’entreprise et explique que l’accusation de harcèlement, dans la loi, ne vise pas uniquement les chefs ! Il relève tous les mots contenus dans les témoignages à l’égard de M. Marie : autoritaire, vulgaire, lunatique, agressif, méchant, ne cherchant qu’à faire peur, ne se souciant que de son argent.

Pour lui, M. Marie est incapable de reconnaître la souffrance de l’autre (c’est caractéristique d‘ailleurs des harceleurs) et sa façon de répéter aux salariés « je suis milliardaire » est une façon de les humilier, de montrer son intérêt pour l’argent, quitte à adopter un comportement excessif à leur égard.

L’avocate de M. Marie, tout en relevant son « autorité rétrograde » , essaiera, elle, de le défendre et montrera que les plaintes des salariés ne sont que des broutilles.

Chacun sait bien qu’un coup d’épingle, ça fait mal mais ce n’est pas grand chose. Mais une répétition de coups d’épingle peut vite faire un grand trou....

Le Procureur a demandé 5000 € d’amende et 9 mois de prison avec sursis. Dommage : un mois ferme aurait donné le temps à M. Marie de réfléchir.

B.Poiraud

Messages

  • Un tel témoignage, puni si légèrement, au regard d’immenses souffrances, aller jusqu’à "faire pleurer des hommes", va faire "péter les plombs" à plus d’un !!! Sans commune mesure, jeter une canette de bière dans le vide, coûte à son auteur 1 mois de prison ferme. Les juges ont choisi leur camp. Fouetteraient-ils devant Sarko ?

    Ne va-t-on pas être nombreux à consulter dans les jours qui viennent, les PRUD’HOMMES, car on assiste depuis quelques temps à une dérive des patrons. Ces derniers sont en train de passer par dessus (ou contourner) les conventions signées entre les deux parties, pour grignoter les salaires d’une façon minable. Par exemple, au nom de "transfert de charges" incompréhensibles quand les salariés ont bien travaillés créant du bénéfice, les patrons ont décidé d’emputer la prime annuelle, certe moins forte, mais il y a 2 ans, elle avait réduite au minimum de 50 % à 100 %. La réponse avait été une grève, sans toutefois en voir la restitution. Si je vous dis qu’il est d’origine chinoise...

    Ce comportement coupable de la part de ces patrons va générer de la violence dans le pays, les étudiants étant le reflet de cette violence faite à leurs parents.J’ai peur que les juges épicent la sauce par rapport aux jeunes. Attention, on marche sur des oeufs en ce moment.

    Alors, quand j’entends ce matin sur les ondes que c’est antidémocratique de bloquer les facs, que Sarko a été élu démocratiquement, certes, il faut aller au delà, pour en comprendre toute la signification et surtout ne pas s’arrêter aux apparences, qui sont trompeuses, comme vous le savez tous (les 53 % vont pas tarder à comprendre ce que je veux dire).

    Le "il faut liquider le MAI 68 de l’Histoire de notre pays" est une véritable déclaration de guerre à tous ceux qui n’ont pas voté pour lui. C’est complètement irresponsable. Il devra assumer aussi les conséquences désastreuses de ses propos.

    Il faut qu’il comprenne dès maintenant qu’on ne touche pas à notre Histoire nationale. MAI 68 a existé, comme la collaboration a existé. Il n’a qu’une chose à faire, en prendre bonne note. Punto final. j

  • la trés grande réspensabilité c"est les syndicats qui ont tahient les salariés,les gens s’organisent en dehord pourquoi ?quand on a vu le chef d’un grand sydicat appeller à voté OUI au réferendum de la constitution europeenne.il faut revoir tout et partout,si non il y aura plus de partis plus de syndicat plus de démocratie.DES GENS PLEURER AU TRAVAIL on croit raivé.pardon pour hortograph je suis ouvrier du batiment.SAM

    • Ce qui se passe aujourd’hui sur le terrain, c’est vrai de le rappeler, c’est le résultat d’une grande méfiance à l’égard des syndicats et des partis, qui ont failli à leur mission. Pourquoi ? Sans doute la cuisine bruxelloise pour conduire le(s) peuple(s) vers une forme de libéralisme, pour soit-disant contrer les USA, qui en fait se sont installés chez nous.

      C’est en abandonnant les couches populaires (pourtant pas plus cons que les autres), cassant les acquis sociaux, en appauvrissant les salariés, jusqu’aux cadres (4000 euros, c’est quoi ?), plus de 17 % touchent le smig, les rmistes n’en parlons pas, créant la zizanie entre gens de même condition sociale (faut le faire), que s’est créé les conditions pour l’avènement d’un président-paillettes-décomplexé-ambitieux-aimant le luxe.

      En fait, Sarkozy a bien maoeuvré, pour nourrir son ambition. Il a été le premier à constater les dégâts, voir qu’il y avait un bon humus (le nombre de salariés appauvris) pour faire pousser son ambition de rafler la mise. La gauche n’a pas vu venir, alors qu’elle avait tous les instruments en main pour analyser et contrer l’ambition démesurée de ce p’ti mec.

      A gauche, et notamment au PS, mais chez les Verts aussi, les dirigeants n’ont pensé qu’à leur poire, à leurs ambitions personnelles, alors que de faire de la politique devrait être "un sacerdoce", dépourvu de tout artifice (paillettes, luxe, belles voitures, beau yacht), une sorte de "don de soi", de "se mettre au service d’un groupe", sans arrières pensées intéressées (se constituer une fortune, par délit d’initié), avec surtout un "parler-vrai" ,sincère, désintéressé, et bien-sûr aimer servir le peuple, l’éclairer dans ses choix.

      Mais que voyons nous, rien de tout cela. Les dirigeants nous renvoient juste leurs magouilles et calculs,dont ils ne se cachent plus, et même les "comptes d’apothicaire", pour savoir qu’en réalité, ce qui importe c’est de franchir les 5 % aux présidentielles pour être remboursés de ses frais de campagne. A ce sujet d’ailleurs, lors d’un reportage de Moati, j’ai bien noté que Le Pen s’en fout complètement du sort des français et du pouvoir , du moment qu’on lui rembourse 8 millions d’euros pour ses frais. Il pourra finir sa luxueuse maison dans le midi.

      Et hier soir, nous apprenons les nouvelles bagarres pour la survie des partis, et des euros qu’on leur versera pendant 5 ans, si les candidats-députés dépassent un certain pourcentage pour les législatives. Voilà la réalité des choses, et je dirais même la dégénérescence du système ! On court après l’argent, peu importe le contenu. Alors que s’ils résonnaient à l’envers, ils auraient moins de souci à se faire pour le fric. Mais peut-être que je rêve ! J.

    • J’aurai bien aimé, mais pleins de choses m’arrêtent ! j

    • Ici, en l’occurrence, les salariés se sont d’abord organisés sans syndicat parce que le patron avait dit qu’il refusait les syndicats. Et comme il a aussi refusé le comité d’entreprise, les salariés se sont adressés à la CFDT et ont été très bien soutenus.

      Un jour j’ai voulu prendre l’enseigne de la boite en photo. Il m’a vue et est sorti comme un diable : si vous publiez cette photo, je licencierai la moitié d emon personnel !

      Eh bien c’est ce qu’il a fait, en 2006, par simple haine des syndicats, haine de tout salarié qui aurait pu oser lever un sourcil devant lui. Lui, le maître !

      Voir toute l’histoire ici :http://www.journal-la-mee-2.info/article.php3?id_article=572

    • Adhérez au PCF DEPROFESSIONNALISE,un PCF de militants, et non de carriéristes , comme au PS, ce parti d’élus professionnels .

      PIERROT DE B. ET A.