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L’Africa-Chine : nouvelle machine infernale du continent africain ?

par Afrinside

Publie le mardi 22 septembre 2015 par Afrinside - Open-Publishing

La Françafrique a longtemps fait couler beaucoup d’encre et connaît parfois quelques résurgences spectaculaires. L’effacement progressif de la France en Afrique et des pratiques politiques plus saines expliquent cette évolution positive, mais la nature a horreur du vide et c’est aujourd’hui la Chine qui se paye la part du lion sur le continent africain. Les liens économiques se développent à un rythme extrêmement soutenu. Une bonne nouvelle pour les Etats subsahariens qui cache pourtant des risques biens réels.

L’avenir (économique) de la planète est en Afrique. Mainte fois répétée par les économistes et élites occidentales, cette idée ne semble pas vraiment suivie d’effets. Les entreprises y voient un continent à peine émergent dont la réputation d’instabilité inquiète les investisseurs. La Chine, elle, prend le contre-pied des Occidentaux et multiplie depuis plusieurs années les investissements et accords commerciaux. Et il n’est pas peu dire que les Chinois ne font pas les choses à moitié. Il y a quinze ans les exportations de l’Afrique subsaharienne en direction de la Chine représentaient seulement 4,6 % des exportations de l’immense région. Le chiffre est passé à 25 % en moins de deux décennies. Une évolution fulgurante et positive pour l’Afrique, qui cache cependant certaines faiblesses.

Entre 2000 et 2013, l’Empire du milieu a investi 75 milliards de dollars sur le continent africain. L’objectif est double : s’assurer l’importation de matières premières indispensable à la croissance du pays et s’attirer la sympathie des Etats africains en lançant de grands projets utiles au développement du continent et qui n’en sont pas moins lucratifs. La Chine exporte son modèle et notamment ses travers. Le phénomène des villes champignons a beaucoup marqué les esprits. Pris d’une frénésie de construction, des dizaines de villes sont aujourd’hui inhabitées. Des villes fantômes dont les clichés sont saisissants. Mais la construction en tant que telle génère des profits et les entreprises chinoises dessinent de nouvelles villes et quartiers dans les cités africaines. C’est ainsi que la capitale kényane a connu une évolution incroyable qui a profondément transformé le paysage urbain.

Rares sont les pays qui ne sont pas dans la liste des industriels et politiques chinois. Grand ou petit, chaque pays peut apporter des bénéfices à l’affirmation de la puissance chinoise. Le Ghana est un exemple intéressant car assez caractéristique de la relation sino-africaine. Le pays de 27 millions d’habitants attire les investisseurs chinois qui étaient déjà 500 à développer des activités en 2011. Cible prioritaire de ces derniers, l’exploitation des mines aurifères et le développement de la toute jeune industrie pétrolière Ghanéenne. La construction d’infrastructures venant après l’exploitation des matières premières.

Les Forum sino-africains et bilatéraux se multiplient et la Chine sait se montrer généreuse pour amadouer des partenaires en quête perpétuelle de financements. Peu soucieuse des conditions sociales et politiques, la Chine prête beaucoup et les pays qui ne veulent pas entrer dans un dialogue avec, par exemple, une Union européenne plus tatillonne sur les droits de l’Homme, font prioritairement appel aux investisseurs asiatiques. C’est le cas du Zimbabwe qui s’est mis à la marge de la communauté internationale.

Djibouti, petit pays de 800 000 habitants de la Corne de l’Afrique est lui aussi assez représentatif de la relation sino-africaine. Longtemps chasse gardée de la France, puis des Etats-Unis – le pays accueille plusieurs bases militaires étrangères – Djibouti s’ouvre à un partenaire chinois qui en plus de faire du profit, entend bien asseoir sa volonté d’être considéré comme un Etat qui compte sur les enjeux géostratégiques. Une base militaire accueille désormais la marine chinoise qui fait ainsi jeu égal avec les Etats-Unis. Les bases sont prêtées par l’Etat pour quelques millions de dollars chaque année, mais ce dernier n’est peut-être pas aussi bon gestionnaire qu’il n’y paraît car les prêts obtenus auprès de l’Exim Bank of China (EBC) font craindre un retour de bâton violent. Contracté pour mener à bien des projets dans le domaine des infrastructures (notamment une voie ferrée qui doit permettre le développement de l’économie), le prêt de 505 millions de dollars sera difficile à rembourser dans les conditions imparties surtout que les Chinois n’ont pas la réputation d’être des créanciers souples. Dans ces conditions, il n’est pas certain que la position du président Ismaïl Omar Guelleh pour se faire réélire à un quatrième mandat soit payante.

Un retour de manivelle est tout à fait possible et la situation assez préoccupante de l’économie chinoise confirme cette hypothèse. La croissance en berne et les soubresauts de la Bourse de Shanghai ont un impact direct sur l’économie africaine. La Chine tend à réduire ses importations à cause du ralentissement économique, lequel joue à la baisse sur le prix des matières premières que l’Afrique vend à la Chine. La situation est difficile et le président du Zimbabwe pourtant en froid avec les Occidentaux « reconnaît l’importance d’un nouveau renforcement des liens avec la communauté international » pour se prémunir d’un aggravement des problèmes rencontrés par l’économie chinoise. Les liens développés depuis près de vingt ans ont permis un développement des économies africaines mais les aspects négatifs commencent à se faire voir et ce sans parler des polémiques récurrentes des pratiques sociales des entreprises chinoises qui préfèrent s’appuyer sur leur propre main-d’œuvre plutôt que sur des ouvriers locaux. L’Africa-Chine n’est finalement pas si belle qu’il n’y paraît.