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L’ EVALUATION : UNE STRATEGIE DE LA PUNITION GENERALISEE

Publie le dimanche 4 mai 2008 par Open-Publishing
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LA STRATEGIE DE LA PUNITION DES FONCTIONNAIRES

LA REFORME DE L’EVALUATION POUSSEE AU TERME DE SA LOGIQUE INTERNE, NEOLIBERALE ET SPENCERIENNE

Vouloir une force de travail plus soumise (pour les causes de cette exigence du capital cf. ci-dessous en 1) suppose un fort « assouplissement » des règles protectrices de la force de travail tant pour le privé que pour le public. L’assaut est donné depuis les années 80 avec la promotion de l’idéologie de l’entreprise (conçue comme unifiée et sans rapports sociaux antagoniques internes) . Cette dynamique de contre –réformes atteint aujourd’hui un seuil, marqué par un renversement des protections dans la mesure ou d’une part le capital financier cherche à garantir ses exigences de sur-profit et ou d’autre part le salariat perd ses codes et statuts comme conquêtes de compromis relativement protecteur pour se retrouver quasiment comme une vulgaire marchandise .

Dans ce cadre s’intéresser au statut de la fonction public d’Etat n’est pas anodin car c’est le plus protecteur. D’ou ce bref rebond sur le texte syndical « Riposte syndicale contre la Casse du statut de la Fonction Publique » posté le vendredi 2 mai 2008 (16h04) :

http://bellaciao.org/fr/spip.php?article65632

L’ évaluation des fonctionnaires peut aboutir demain à l’exclusion . Ainsi l’aguichante « stratégie de la récompense » (2) qui - comme celle du co-développement ou de la « politique de civilisation » - va déboucher sur son inversion et sur une double punition généralisée : le moindre salaire généralisé et le licenciement au-dessus des têtes.

Dans le privé la précarité, la précarisation et les licenciements vont bon train le tout sur fond de chômage structurel maintenu ce qui signifie une très très forte insécurité économico-sociale d’une grande partie du salariat qui constitue grosso modo 90 % de la population des pays capitalistes du Nord, les 10 % restant formant la paysannerie, la petite bourgeoisie libérale et la bourgeoisie. Comme le capital connaît une crise de rentabilité sans précédent l’Etat français et son gouvernement veulent instaurer une forme de licenciement dans les administrations.

C’est donc par le biais de l’évaluation et sous couvert de performance et de récompense des meilleurs que l’on instaure à la fois le mécanisme d’exclusion - après avoir organisé en mars 2002 l’exploitation accrue par sous-paiement de la force de travail - et que ce faisant l’on bafoue le principe selon lequel "chacun et chacune doit apporter sa contribution à la production sociale de l’existence". Cette nouvelle contre-réforme va n’être que l’aboutissement logique de ce qui a été entrepris en 2002 pour accroître l’exploitation du travail salarié public, pour le rendre "performant". Il y aura enfin une unité logique qui va en faire la vérité néolibérale du système de gestion de la force de travail salarié dans le public.

 Un nouveau pas contre le statut et vers l’insécurité économico-sociale.

Si l’entretien d’évaluation est mauvais il sera proposé une mutation à l’agent et en cas de deux refus consécutifs ce dernier sera licencié. Le système d’évaluation qui s’inscrivait dans le cadre de l’individualisation des postes de travail et d’une rémunération au mérite notamment depuis le décret de mars 2002 va connaître une nouvelle étape réactionnaire, ie d’un retour vers la vérité du capitalisme incapable. Un nouveau pas est bien franchi puisque le "payer moins" pour les travailleurs du public ne suffit plus, il importe aussi de pouvoir licencier. Ce faisant la Haute administration d’Etat qui n’est que la classe d’appui de la bourgeoisie fait coup double : d’une part elle jette à la rue ses "bras cassés" au lieu de trouver des lieux d’intégration, d’autre part elle instaure la menace de licenciement pour les autres agents travailleurs . Car ce qui est insupportable pour un certain patronat c’est de pouvoir travailler "debout" sans craindre le licenciement à la moindre parole de travers, à la moindre journée de grève faite, au moindre retard dans le travail, etc...

 Un autre modèle pour travailler à son rythme, en paix et vivre bien hors du travail.

Apporter sa contribution ne signifie pas travailler intensément avec des journées de travail de 10 H 00 et ce 6 jours sur 7 ce que rêve Nicolas SARKOZY et tous les patrons qui veulent (re)mettre la France (salariée) au travail (intensifié et de de plus longue durée). Le principe selon lequel "chacun et chacune doit participer à la production sociale de l’existence" est plus compatible avec un système de RTT généralisé qui fait travailler tous les salariés pendant 30 heures par semaine sans annualisation. Evidemment un tel principe est appelé à être oublié tant par le patronat que par le salariat puisque ces derniers sont soumis au principe de la marchandisation contrainte : ils doivent impérativement vendent leur force de travail pour vivre. Dura lex sed lex ! Le mode de production capitaliste dominant dans la société instaure un salariat très majoritaire avec les rapports sociaux antagoniques qui lui sont consubstantiels.

 Entre Spencer et Darwin il faut choisir !

L’unité logique comme vérité néolibérale du système de gestion de la force de travail salarié dans le public est une "vérité" calée sur celle qui prévaut dans le privé, là ou les rapports sociaux sont part en part soumis à la logique capitaliste. Les services publics ont en principe une logique de base non capitaliste mais la tendance du néolibéralisme -nommée crise du service public par les juristes libéraux dans les années 80 - a été de les soumettre de plus en plus à une logique marchande et à ce qui se fait dans le privé conçu comme modèle. Il y a eu inversion du modèle . Le modèle du privé et des néolibéraux est hobbésien - l’homme est un loup pour l’homme - et spencérien celui de la survie normale des plus aptes dans un monde ou règne nécessairement la loi de la jungle économique. Nous préférons le modèle darwinien fondé sur les "instincts sociaux", la sympathie pour les faibles et dit de façon plus moderne la protection de tous, l’égalité et la laïcité, le tout dans une perspective marxiste d’émancipation sociale du salariat à l’encontre du capital.
Le statut du fonctionnaire devrait être défendu comme étant sous le capitalisme dominant le modèle du travail sous des conditions de travail relativement pacifié ou chacun travaille en fonction de ses qualifications sans être soumis au zèle et à la survalorisation de ses capacités mais le néolibéralisme comme idéologie du capital en crise de rentabilité veut le faire voler en éclat. Chaque année qui passe connaît une attaque contre lui comme d’ailleurs sur le code du travail (devenu charte du capital). Les générations à venir vont ainsi connaître la vérité du capitalisme qui n’a pu connaître qu’un temps pendant 30 ans sous la pression du camp dit "communistes" un système de protection des salariés relativement avantageux.

Christian DELARUE

Syndiqué CGT Finances

1) LES CAUSES ET LES EFFETS :

 Les causes : La mondialisation du capital renvoie à la globalisation financière, à la marchandisation du monde (services publics, force de travail,...), à la privatisation des moyens de productions, aux délocalisations. Elle accroît férocement la concurrence entre les travailleurs et les fragilisent tous quoique différemment..
La concurrence des travailleurs s’inscrit à la fois dans la crise de rentabilité du capital et dans le cadre de la nouvelle concurrence systémique qui a succédé à la concurrence internationale classique au sein du système capitaliste mondialisé . Pour Odile CASTEL, cette concurrence systémique se réalise à l’intérieur et entre trois grands ensembles d’acteurs : les firmes, les Etats et les Institutions et Organisations Multilatérales. C’est la concentration mondial du capital qui est à l’origine de ce changement . Plus précisément cinq phénomènes caractérisent la mondialisation libérale.

1 - La formation d’oligopole mondiaux suite à la crise de rentabilité. De nombreuses entreprises font faillites mais d’autres se restructurent via de méga fusions-acquisitions . Les oligopoles nationaux disparaissent sous les effets de ce processus de concentration mondiale du capital.

2 - La globalisation financière, car sans cette libéralisation des marchés financier mise en place au cours des années 80 le processus de concentration n’aurait pu se faire. Cette globalisation a permis aussi le développement sans précédent des fonds de pension.

3 - L’importance du commerce intra firme . Les échanges commerciaux se font de moins en moins entre pays et de plus en plus entre établissements.

4 - Le partage des marchés mondiaux car les grands groupes collaborent pour se protéger de l’intrusion de nouvelles entreprises. Ils défendent des intérêts communs pour le partage du monde.

5 - Le passage d’une logique géopolitique à une logique géo-économique dans les relations internationales. Le politique se met au service de l’économie.

 Les effets : La crise de rentabilité du capital impose une organisation plus "performante" (plus exploitante).

Il n’y a pas de bonne organisation du travail sous la domination du capital, y compris dans les secteurs qui ne sont pas directement soumis à la concurrence. Reste que le néolibéralisme, qui procède à une généralisation du marché et de la concurrence, crée des organisations et une idéologie légitimante qui aggrave les mauvaises conditions de travail tant dans le privé que dans le public.

Certains services connaissent un "néo-taylorisme de bureau", combinaison du taylorisme classique en usine mais transféré dans le tertiaire avec des modifications comme la polyvalence (au lieu de la spécialisation) et l’individualisation qui laisse le salarié seul devant les contraintes du travail. S’y ajoute en arrière plan les évolutions contemporaines : intensification du travail notamment en compensation de la RTT, contrôle du travail en temps réel via l’informatisation des opérations. Ces processus sont aussi mis en application dans les Administrations.

 Dans le public aussi.

Ces dernières ont peu à peu intégré la logique du privé en faisant fonctionner les services non marchands comme s’il devait faire du profit. C’est l’application de la logique cout-rendement.
Sans être exhaustif on voit que de nombreux changements ont aussi modifiés en profondeur le travail des fonctionnaires : outre l’intensification et le contrôle du travail il faut évoquer le "contrat d’objectifs", la réduction des effectifs, la mise en concurrence des agents via l’évaluation notation, et via la dégénérescence des doctrines d’emploi.

Le statut des fonctionnaires tel qu’il est appliqué ne protège donc plus les agents du stress, du harcèlement. Au contraire le harcèlement est quantitativement plus présent et "qualitativement" plus long dans la FP. Dans la FPT, le statut est m^me un vecteur du changement ! Ce sont tous ces points qu’il faut reprendre approfondir et articuler pour faire un état de la dégradation des conditions de travail.

Le mal vivre au travail provient donc de dispositifs complexes mis au point par les experts et les directions générales tant du privé que du public pour augmenter la rentabilité de la force de travail. Notamment les "stats" sont le nouveau Dieu qui sanctionne (négativement souvent) les salariés des lieux de production, les résultats qui en sont tirés sont le fétiche devant lequel tous doivent s’agenouiller .

Une recherche plus approfondie devrait faire place à l’ambivalence du comportement des cadres qui tout à la fois tendent à refuser le "sale boulot" (Christophe DEJOURS) mais néanmoins transmettent les consignes et la pression. Une distinction est à faire entre les cadres en fin de carrière et les nouveaux venus qui d’une part aspirent à monter dans la hiérarchie et d’autre part n’ont pas connu une administration fonctionnant principalement selon des règles juridiques qui orientaient l’activité vers l’intérêt général et qui ne faisaient quasiment pas intervenir les soucis de rentabilité.

2) « Stratégies de la récompense » ESF 1990 est un ouvrage de Concetta Carestia LANCIAUX une DRH d’entreprises transnationales nord-américaines qui développe la problématique sur plus de 230 pages.

En 1994 un haut fonctionnaire publiait dans une revue juridique (AJDA) un bilan de la modernisation de la fonction publique indiquant que l’on en était resté « au milieu du gué ». Depuis la régression sociale - qui pourrait se nommé désaffiliation généralisée et exploitation salariale maximale - s’est poursuivie sans faiblir avec la droite et la gauche, y compris d’ailleurs pendant la période RTT, la RTT la plus perverse du siècle.

LA MISE EN CONCURRENCE DES COMPETENCES ou LES DEVOIEMENTS DE LA RECONNAISSANCE LIBERALE

http://www.france.attac.org/spip.php?article6574

Une défense de la qualification contre la compétence

Pas d’augmentation de salaires ! Nous n’iront pas aux entretiens-évaluation.

http://www.bellaciao.org/fr/spip.php?article61818

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