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L’UNI, le creuset de la droite et de l’extrême droite
par Abel Mestre
Publie le mardi 19 novembre 2013 par Abel Mestre - Open-PublishingDepuis la mobilisation contre le mariage pour tous, loin des accords entre appareils, des militants de droite « dure » et d’autres d’extrême droite ont noué un dialogue, milité ensemble. L’exemple le plus parlant est celui de l’Union nationale interuniversitaire (UNI). Cette association proche de l’UMP, bien que plus droitière, regroupe étudiants et enseignants. Elle a été très active contre le mariage gay début 2013. Si elle met en avant son « légitimisme » et rejette toute proximité avec l’extrême droite, une partie de ses troupes se fait le relais de théories radicales comme celles du Bloc identitaire.
Les manifestations contre la loi Taubira ne sont plus qu’un souvenir. Les militants ne battent certes plus le pavé ensemble, mais continuent à se parler. Tout cela se fait au grand jour, les relations sont assumées, notamment sur les réseaux sociaux. Des responsables locaux de l’UNI n’hésitent pas à poster des messages à la limite du racisme sur Twitter.
Telle cette jeune militante d’Assas, reprenant les visuels FN, discutant régulièrement avec ses responsables jeunes et se plaignant du « grand remplacement ». Cette expression – véritable marqueur politique – est un euphémisme qui dénonce l’immigration comme un supposé « remplacement » de la population blanche par des Noirs et des Maghrébins. Une thématique centrale de l’extrême droite identitaire. Un autre militant UNI, plus âgé, a été vu lors du lancement du Collectif Racine, satellite du FN dans le monde enseignant. Beaucoup aussi diffusent les communiqués du site Novopress, faux nez du Bloc.
MILITANTS RADICALISÉS
Olivier Vial, président de l’UNI, refuse de voir son organisation assimilée à l’extrême droite et rappelle qu’il est contre toute « alliance et accord » avec cette famille politique. Il use aussi de la méthode Coué : « Nous n’avons pas constaté ce genre de rapprochement. »
Convaincu que « la droite gagne un combat idéologique », M. Vial estime qu’il faut « de la clarté à droite, il faut assumer ses valeurs ». Et de préciser : « Nos militants n’ont pas besoin d’aller chercher ailleurs la fermeté dans l’opposition. » Il est vrai que l’UNI n’est pas une organisation modérée.
Et a une longue histoire derrière elle. Créée en 1969, en réaction aux événements de mai 1968 et au poids de l’extrême gauche sur les campus, elle est née dans l’orbite du Service d’action civique (SAC), qui fut le bras armé du parti gaulliste. Aujourd’hui, l’association ne rechigne pas à un certain activisme. « On le fait de temps en temps pour bien médiatiser les combats. Mais on ne confond pas militantisme et activisme stérile. Il ne faut pas devenir les idiots utiles du gouvernement », précise M. Vial.
Depuis toujours, des militants UNI radicalisés flirtent avec l’extrême droite voire, la rejoignent. Ainsi, Paul-Alexandre Martin, numéro 2 du Front national de la jeunesse, est issu de l’UNI. Mais l’exemple le plus parlant est la création du Rassemblement étudiant de droite (RED), au mitan des années 2000.
« LES MECS CHERCHAIENT DE LA TESTOSTÉRONE »
Une militante UNI de l’époque, qui souhaite garder l’anonymat, avait suivi de près la création de ce groupe, qui s’est illustré contre les manifestants anti-contrat première embauche en 2006 ou par des actions homophobes. Elle analyse comment les ponts se construisent entre ces deux familles politiques. « Le milieu militant est un espace limité de personnes, ce sont de tout petits réseaux, explique-t-elle. On se connaissait tous et on s’appréciait. Quelques-uns étaient à l’UNI, d’autres venaient des milieux catholiques “tradis”. Les mecs cherchaient de la testostérone. L’adrénaline joue beaucoup. »
Que des rapprochements aient lieu par la base, entre l’UNI et l’extrême droite radicale comme le Bloc identitaire, notamment depuis La Manif pour tous, ne l’étonne pas. Elle a suivi la contestation anti-mariage gay et a observé les acteurs. « Il ne faut pas oublier le déterminisme social. Les petits bourgeois de l’UNI ne sont pas habitués à se prendre des gaz lacrymogènes. Cela les indigne, ils étaient outrés. Et ils se sont radicalisés. Autre facteur du rapprochement : la cristallisation autour de Taubira », assure-t-elle.
Elle conclut : « Comme toute organisation structurée, l’UNI est le réceptacle de toutes les tendances. Une séparation naturelle se fait toujours : ses militants les plus radicaux s’en vont. C’est la droite qui s’encanaille. »