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L’économie vénézuélienne : une reprise providentielle

Publie le lundi 30 août 2004 par Open-Publishing

Luciano Wexell Severo*

Carta Capital (Brésil) repris par Le Courrier International (19 août)

La réactivation de l’économie vénézuélienne représente l’une des
principales victoires d’Hugo Chávez, même si ses opposants n’ont cessé de
la minimiser. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Pour le premier trimestre
2004, le PIB est supérieur de 29,8 % à celui de la même période en 2003,
avec une croissance de 72 % pour l’activité pétrolière et une chute de 3,5
points du taux de chômage et de 3,4 points de l’indice d’inflation. La
production du secteur public a progressé de 42 % et celle du secteur privé
de 23,4 %. On enregistre une croissance de l’industrie (+ 48 %), du
commerce (+ 27,9 %) et du bâtiment (+ 19,5 %). Le chômage est passé de
19,1 % à 15,6 % grâce à la création de 520 000 emplois. Quant à
l’inflation, qui était repartie à la hausse après la tentative de coup
d’Etat d’avril 2002, elle a finalement été maîtrisée.

Les débuts du gouvernement Chávez (en février 1999) avaient été
extrêmement difficiles. Après l’"ouverture" économique des années 90, le
Venezuela s’enlisait dans un contexte catastrophique. Le prix du baril de
pétrole ne dépassait guère les 9 dollars le baril, et le carcan législatif
empêchait tout changement structurel plus profond. Le retour de l’OPEP sur
la scène mondiale a heureusement permis d’obtenir des prix plus
rémunérateurs et donc de nouvelles ressources pour la mise en place d’une
politique de relance. En 2000 et 2001, le PIB a augmenté chaque trimestre.
La croissance moyenne a été de 3 %, avec en tête les activités non
pétrolières. Les secteurs les plus prospères ont été le bâtiment (+ 5,2
%), le commerce (+ 4,8 %) et l’industrie (+ 3,4 %), ce qui a permis
d’accroître la part du PIB hors pétrole. Les indicateurs montraient une
chute visible et soutenue du nombre des chômeurs (- 13,4 %), une réduction
de l’inflation (- 12,3 %) et des taux d’intérêt de base (- 13,1 %), ainsi
qu’une augmentation du revenu par habitant et du PIB.

Toutes les projections pour l’année 2002 annonçaient une amélioration
encore plus nette. La crise a commencé fin 2001, lorsque le gouvernement a
montré qu’il était vraiment déterminé à nationaliser le groupe Petroleos
de Venezuela (PDVSA). La loi de nationalisation, qui avait été ratifiée
par le président Carlos Andrés Pérez en 1976, était en effet fondée sur un
système de "contrats stratégiques" entre PDVSA, propriétaire unique des
ressources nationales, et les sociétés Shell, Creole, Mobil, Texaco,
Philips, Chevron et Amoco, chargées de l’exploitation, ce qui permettait
aux dirigeants de ces compagnies d’influer très largement dans les
décisions de l’entreprise publique. Les menaces contre les secteurs qui
avaient jusqu’alors bénéficié de la situation antérieure étaient déjà
contenues dans les objectifs de la nouvelle loi sur les hydrocarbures :
restituer au gouvernement son rôle central dans la question pétrolière ;
augmenter les recettes fiscales, qui dégringolaient depuis les années 70 ;
bloquer la privatisation de PDVSA ; et encourager la participation des
entreprises nationales dans ce secteur. Le pétrole représente en effet 80
% des exportations, près de 30 % du PIB et plus de 50 % des recettes
fiscales de l’Etat. Après deux années de croissance (du premier trimestre
2000 au quatrième trimestre 2001), il y a donc eu sept trimestres
consécutifs d’affaiblissement de l’économie et de détérioration des
principaux indicateurs (l’année 2002 et les trois premiers trimestres de
2003).

LES ACTIONS DE L’OPPOSITION ONT EU DES RÉSULTATS CATASTROPHIQUES

Cette période recouvre les moments de préparation du coup d’Etat, qui
s’est produit en avril 2002, et les trois mois de grève générale (de
décembre 2002 à février 2003). Les actions de l’opposition ont eu des
résultats catastrophiques. Au cours du premier trimestre 2003, le PIB a
chuté de 27,8 % : une chute de 47,0 % pour les produits pétroliers et de
19,2 % pour les produits non pétroliers. Tous les secteurs de l’économie
nationale ont été violemment touchés : bâtiment (- 60,4 %), industrie (-
31,1 %) et commerce (- 30,5 %). Les mauvais résultats ont perduré durant
la moitié de l’année.

Après avoir mis fin aux sabotages, aux explosions d’oléoducs, aux
détournements de pétroliers et avoir arrêté les conspirateurs, le
gouvernement a licencié plus de 15 000 employés de la gigantesque
compagnie pétrolière, raffermissant ainsi son pouvoir au sein de la
société. La nouvelle direction de PDVSA s’est ensuite engagée dans une
politique de réduction de ses coûts de fonctionnement et une augmentation
de la contribution fiscale versée à l’Etat. Ces mesures ont permis au
gouvernement de relancer l’activité pétrolière et de stimuler le reste de
l’économie. C’est à partir de ce moment-là qu’a pu être entamée une
difficile reprise. Dès le quatrième trimestre 2003, on a pu observer une
croissance de 8,6 % du PIB, avec une hausse de 25 % pour le secteur du
pétrole. L’industrie a progressé de 15,7 % et le commerce de 12,2 %.

On constate donc que la situation de la postcrise, autour du mois de mars
2003, était extrêmement favorable au gouvernement, puisque ce dernier
contrôlait totalement PDVSA, la plus importante source de richesse
nationale. Etant donné que le budget 2004 a été calculé sur la base d’un
baril de pétrole à 20 dollars et qu’aujourd’hui son prix est bien
au-dessus des 30 dollars, les fameuses "ressources exceptionnelles" se
sont révélées bien plus élevées que prévu. L’opposition accuse le
gouvernement d’utiliser ces ressources pour ses vastes programmes sociaux,
en affirmant qu’il s’agit de détournements illicites. Des programmes parmi
lesquels on peut citer : Barrios adentro (santé publique), Misión Robinson
(alphabétisation de masse), Misión Ribas (formation médicale), Misión
Sucre (enseignement supérieur) et Misión Identidad (assistance sociale).
Pour l’économiste D. F. Maza Zavala, directeur de la BCV, les résultats du
second trimestre 2004 devraient présenter une hausse de 15 %. La
Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL) annonce, quant à
elle, une croissance de l’économie du Venezuela de 10,3 % pour cette
année, ce qui devrait faire grimper la moyenne latino-américaine.

* Economiste formé à l’Université pontificale catholique de São Paulo,
auteur de travaux sur le Venezuela.