Accueil > L’ éthique de la sollicitude , point d’ appui pour des transformations radicales

L’ éthique de la sollicitude , point d’ appui pour des transformations radicales

par MALLERS

Publie le dimanche 6 avril 2014 par MALLERS - Open-Publishing

L’ éthique de la sollicitude , point d’ appui pour des transformations radicales

Depuis les années 90 , les sciences humaines anglo-saxonnes sont à la pointe d’ une réflexion concernant le " care "ou , traduit en français , éthique de la sollicitude en réponse critique à la notion de justice d’ après la conception libérale de John Rawls .
Reprenons la définition claire et précise qu’ en donne Joan Tronto en 1990 , élargissant cette notion déjà définie par la pionnière Carol Gilligan : cette éthique du care est " une attitude caractéristique de l’ espèce humaine qui inclut tout ce que nous faisons en vue de maintenir , de continuer ou de réparer notre " monde telle sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible . Ce monde inclut nos corps , nos individualités et notre environnement que nous cherchons à tisser ensemble dans un maillage complexe qui soutient la vie " .
Cette approche novatrice qui a récemment débarqué en Europe ne peut laisser indifférent la mouvance révolutionnaire communiste . En effet , dans la plupart de nos analyses critiques sur le fonctionnement du capitalisme , nous mettons la plupart du temps , en avant la domination et l’ aliénation qu’ exerce cette économie de la nécessité et du désir dans la continuité de Marx et Marcuse , et qui étoufferait toute perspective d’ émancipation autre que l’ organisation des rapports sociaux capitalistes marchands . Or ce point de vue sur l’ éthique de la sollicitude ( dont on retrouve une partie de cette préoccupation chez Georges Orwell avec sa " common decency ") ne peut manquer de nous interroger sur cette perspective dont l’ argumentaire avait déjà été bien exploité par Michael Seidman dans son magistral ouvrage " Contre le travail " . Ce que Seidman mettait en valeur - les formes de résistances au travail en France et en Espagne dans les années 30 - les recherches sur le care le déploient dans l’ ensemble du champ social . Une telle approche peut nous permettre de mieux cerner ce questionnement primordial pour ceux que ne satisfait pas l’ordre ambiant : face aux désastres , calamités et violences dans lesquelles la civilisation capitaliste nous enfoncent jour après jour et depuis des décennies , comment les gens font-ils pour " tenir " ? . Or , ces recherches sur le care , à l’ instar de celles menées par Seidman dans la sphère du travail , rendent visibles d’ innombrables faits quotidiens autour du maintien de la vie et de la résistance à l’ entropie sociale ( le soin apporté à soi et aux autres , le souci envers les proches , les voisins ; la responsabilité envers des collègues et des amis etc ... ) qui , même s’ils sont insuffisants à des fins de changement radical , n’ en contribuent pas moins à maintenir des bastions de qualités humaines et de sentiments aux autres . Ce point de vue décentré par rapport aux analyses classiques de la domination/aliénation assure une meilleure compréhension de ce qui permet non seulement le maintien des structures dominantes tout en freinant leur généralisation absolue à l’ ensemble de nos activités sociales .
En dépit du déferlement de technologies électroniques et numériques ambulantes qui tentent toujours plus d’ isoler les hommes dans leurs rapports sensibles entre eux et envers le monde réel , en dépit du catastrophisme spectaculaire ambiant , l’ éthique de la sollicitude vient nous rappeler que , tant que continuent de brûler des brins d’ introspection , de pensée réflexive , de responsabilité envers soi et les autres , de sentiments altruistes , le vent des révoltes populaires peut encore venir ébranler le vieux monde .
Cette éthique du souci des autres est aussi source d’ espoir pour tous ceux qui n’ont pas renoncé aux armes de la critique .

http://www.scienceshumaines.com/l-ethique-de-la-sollicitude_fr_15029.html