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L’extrême droite radicale en ébullition
par Abel Mestre et Caroline Monnot
Publie le vendredi 24 mai 2013 par Abel Mestre et Caroline Monnot - Open-Publishing
Le climat se tend à quelques jours de la manifestation des opposants au mariage gay, dimanche 26 mai à Paris, une semaine après la promulgation de la loi. Propos vengeurs, menaces diverses, exaltation et rancoeurs, échauffent les esprits, parmi les militants les plus radicaux. Le geste de l’historien d’extrême droite Dominique Venner, qui s’est suicidé en public mardi 21 mai à Notre-Dame de Paris, est venu électriser une ambiance déjà lourde.
L’agitation des "ultras"
Le Printemps français, dissidence de La Manif pour tous depuis le 24 mars et qui a toujours lié – y compris par son appellation – combat contre le mariage gay et changement de régime, est monté d’un cran. Mercredi, son site a publié un communiqué baptisé "Ordre du jour numéro un", à la manière d’une armée secrète. Ce texte se veut le manifeste fondateur d’une "nouvelle résistance".
"Des partis politiques annoncent déjà leur collaboration (...), en affirmant faussement que la loi Taubira ne pourra pas être abrogée. En se plaçant dans le camp ennemi, ils se désignent eux-mêmes comme des adversaires", écrivent les auteurs du texte, visant l’UMP.
S’ensuit la proclamation suivante : "Le Printemps français énonce donc que seront tenus pour cibles : le gouvernement actuel et tous ses appendices, les partis politiques de la collaboration, les lobbies où s’élaborent les programmes de l’idéologie et les organes qui la diffusent. Cet ordre du jour est immédiatement exécutoire."
Dans la même veine, le Printemps français entend manifester vendredi devant le siège du Grand-Orient à Paris. Béatrice Bourges, sa très présentable porte-parole, n’a pour le moment pris aucune distance avec ces initiatives.
D’autres mouvances appellent à "venger" le suicide de Dominique Venner. "Il sera donc nécessaire, en bons légionnaires, de le venger, d’une façon ou d’une autre. Il est mort au combat, en service commandé", indique par exemple une figure de l’extrême droite néopaïenne. Ce type de déclarations n’est pas pour apaiser les craintes des spécialistes de la mouvance qui redoutent que certains profils un peu fragiles passent à l’acte par mimétisme.
Frigide Barjot menacée
Sa défense d’une union civile pour les couples de même sexe lui avait déjà attiré les foudres des plus radicaux et de personnalités comme Christine Boutin. A tel point qu’à Lyon, le 5 mai, la porte-parole de La Manif pour tous avait dû quitter un rassemblement sous les huées de l’extrême droite.
Mais Frigide Barjot a encore aggravé son cas aux yeux de la frange la plus dure, en raison de ses déclarations sur le suicide de Dominique Venner. Voulant tenir "son" mouvement à l’écart, Mme Barjot a parlé d’un acte émanant de quelqu’un d’"un peu dérangé". "Frigide Barjot confirme sa position de pion du système. Le 26 mai ne la laissons pas s’exprimer", a déclaré Alexandre Gabriac, chef des Jeunesses nationalistes (pétainistes).
Lors d’une conférence de presse mercredi, elle a fait état de "menaces" à son encontre émanant de "l’extrême droite" et a demandé publiquement à Manuel Valls, le ministre de l’intérieur, de renforcer sa sécurité. Jeudi, sur Radio Notre-Dame, Frigide Barjot a déclaré n’être plus certaine de participer à la manifestation de dimanche "à cause des attaques au sein même du mouvement" contre elle et les homosexuels.
Le durcissement de Marine Le Pen
La présidente du Front national a adoubé le geste de Dominique Venner sur Twitter : "Tout notre respect à Dominique Venner dont le dernier geste, éminemment politique, aura été de tenter de réveiller le peuple de France." Même si elle a voulu corriger quelques minutes plus tard en ajoutant en direction des catholiques que "c’est dans la vie et l’espérance que la France se redressera et se sauvera", Mme Le Pen a signifié qu’un suicide en public pouvait être une réponse politique.
Elle a ainsi mis de côté sa stratégie dite de "dédiabolisation" en rendant hommage à un penseur aux convictions antiégalitaires et antidémocratiques. Une sortie d’autant plus étonnante que l’ancienne prétendante à l’Elysée s’était par ailleurs tenue à l’écart du mouvement antimariage gay, évitant ainsi d’être mise en cause dans les débordements de fins de manifestations.
Une radicalité partagée notamment par Julien Rochedy, le patron des jeunes lepénistes, qui s’est rendu mardi soir à l’hommage de l’extrême droite radicale à Dominique Venner. Le président d’honneur du FN, Jean-Marie Le Pen a eu, lui, une réaction plus mesurée : "Il faut rester vivant, il faut se battre. Et peut-être en acceptant que les autres vous tuent et pas se tuer soi-même. Ce n’est pas ma philosophie ça".
L’UMP dépassée
Avec La Manif pour tous, l’UMP pensait tenir son mouvement de contestation anti-Hollande. Si dans un premier temps, l’opération a fonctionné, la direction du parti s’est in fine fait déborder. Certaines de ses figures ont multiplié les déclarations incendiaires, droitisant le message du parti. Jean-François Copé a parfois semblé leur donner quitus en évoquant par exemple la nécessité d’un nouveau 1958 ou en appelant à faire de la manif du 26 mai une grande démonstration anti-Hollande. Il a, depuis, rétro-pédalé. C’est que l’activisme antimariage gay n’est pas sous contrôle et vient désormais parasiter ses primaires à Paris.