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LE FINANCEMENT DES RETRAITES : de la casse des régimes spéciaux à celle de l’ensemble des retraites.

Publie le lundi 19 novembre 2007 par Open-Publishing
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José Caudron et CATHERINE MILLS

LE FINANCEMENT DES RETRAITES : de la casse des régimes spéciaux à celle de l’ensemble des retraites.

Un point central dans les plans de l’ultra-libéralisme repose sur l’idée que le financement des retraites serait devenu impossible et que la seule solution serait la remise en cause du système solidaire français. Le pouvoir a choisi la dramatisation et une fausse négociation et menace de régler par décret les prétendus « privilèges » des régimes spéciaux. En fait, si ceux-ci apparaissent quelquefois plus avantageux, c’est surtout en raison du laminage des retraites du régime général par les réformes de 1993 et de 2003.

On prétend que le financement des régimes spéciaux pèse sur le régime général des travailleurs salariés (RG), alors que les règles de compensation les mettent également à contribution et que les taux de cotisations sont souvent beaucoup plus élevés, ainsi à la SNCF où le taux global de cotisation s’élève à 41,96% alors qu’il est de 26,05% pour un salarié du régime général. Si l’État doit assurer la compensation démographique de ces régimes, ce qui coûte au total 4,4 milliards d’euros, en aucun cas le régime général n’assure le financement des dits avantages spécifiques qui sont assurés par un taux de cotisation de l’employeur généralement très élevé. C’est en adossant les régimes spéciaux au régime général, comme cela a été le cas à EDF-GDF et à la RATP, que l’on risque de faire peser la charge sur le régime général des travailleurs salariés.

Pour ce qui des « privilèges », le taux de remplacement (rapport entre la pension et le dernier salaire) atteint à peine 60% pour les roulants de la SNCF (71% en moyenne dans le privé avec 40 ans de cotisations), puisque l’essentiel des primes n’est pas intégré dans le calcul de la pension., et souvent les personnes qui prennent leur retraite à 50 ans, ou 55 ans, n’atteignent pas les 37,5 années de cotisations requises pour le taux plein. En définitive la retraite moyenne des cheminots se situe à environ 1 400 euros, ce qui ne permet guère de les considérer comme des « nantis ».

En outre, les retraités des régimes spéciaux représentent moins de 5% des retraités et ce sera moins de 2% en 2030. Le passage de 37,5 à 40 ans de cotisation pour ces régimes annonce de nouveaux durcissements pour tous : dès 2012, on atteindra 41 ans, puis 42 ans en 2020, peut-être ensuite 45 comme le veut le Medef, alors qu’aujourd’hui moins d’un salarié sur deux liquidant sa retraite dans le régime général atteint 40 années de cotisations. L’éviction des travailleurs vieillissants dès 57 ans, la précarité au travail, notamment chez les jeunes et les femmes, vont faire exploser le nombre de retraités pauvres, y compris dans la fonction publique et dans les entreprises publiques. Sous couvert « d’équité », l’objectif consiste bien à organiser la régression globale de toutes les pensions.

Quels sont les problèmes auxquels sont confrontés les régimes spéciaux de retraite comme ceux de la RATP, EDF, GDF, SNCF ?

C’est d’abord l’insuffisance des créations d’emplois et du développement des salaires. Cela est aggravé par la mise en œuvre des politiques ultra-libérales par l’Etat-Sarkozy qui cherche à casser les statuts des services publics et à réduire les emplois publics, alors que ceux-ci contribuent à la croissance et au financement de la protection sociale. On favorise ainsi la dégradation du rapport cotisants/retraités qui est au cœur du problème de financement des retraites

Les régimes spéciaux sont-ils condamnés à disparaître à cause de ce déséquilibre ?

Ces régimes jouent un rôle décisif dans des secteurs vitaux pour le développement du pays, permettant de former la force de travail, de la renouveler, de la stabiliser, en insufflant les valeurs du service public en relation avec les statuts .Alors qu’ils constituent un instrument de la gestion des ressources humaines, on tendrait à les désorganiser complètement, même si l’on dit vouloir encourager une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les départs anticipés à la retraite, notamment pour les roulants de la SNCF, correspondent à des astreintes très lourdes, des conditions de travail et de vie qui restent extrêmement pénibles, même si ceci concerne aussi le secteur privé, le BTP par exemple, ce qui ne rend que plus urgente une véritable négociation sur la pénibilité que le MEDEF se refuse à financer

L’équité, ce n’est pas de tirer toutes les retraites vers le bas, mais de se donner les moyens de financer les retraites à 75% du salaire avec 37,5 annuités pour tous les salariés du public et du privé ? Quelles propositions peut- on faire pour en assurer le financement ?

Une refonte de progrès du financement des retraites est incontournable pour répondre aux nouveaux besoins, notamment ceux liés à l’évolution démographique. Elle permettrait de sortir des réformes Balladur-Fillon en dégageant les moyens de revenir à 37,5 annuités pour tous, à l’indexation des retraites sur les salaires et non sur les prix afin de rétablir le pouvoir d’achat des retraités, à revenir aux meilleures années pour le calcul des pensions et à mettre en chantier de véritables négociations sur la pénibilité

Nous devons faire monter les résistances pour rompre avec les mesures Balladur-Fillon et s’opposer aux nouvelles mesures annoncées par Sarkozy en travaillant à des propositions alternatives. En premier lieu une réforme du financement doit garantir la solidarité de la répartition au lieu de condamner dans l’avenir une grande part des travailleurs à de basses retraites tout en poussant ceux qui le peuvent à la capitalisation. Les réformes que nous proposons, représenteraient certes d’ici 2040, au moins 15 points de cotisations supplémentaires, mais on peut y faire face à la condition d’enclencher d’urgence une refonte de progrès et d’efficacité du financement, branchée sur un nouveau type de croissance, en relation avec un nouveau type de progression de la productivité du travail, des salaires, de l’emploi et des qualifications. Bien sûr la part des retraites dans le PIB va s’accroître de 2000 à 2040 de l’ordre de 50%, en relation avec le vieillissement de la population, et devra monter au minimum à 18%. Ceci doit être assumé en enclenchant une réforme alternative du financement, mais il convient de souligner que la réforme de progrès que nous proposons, en contribuant à un nouveau type de croissance et au renouvellement de la force de travail, peut finalement ralentir la progression relative de la part des retraites dans le PIB, celui-ci s’accroissant au-delà des prévisions généralement escomptées. Tout nouveau retard dans l’exigence d’une telle réforme ne peut que conduire, ou bien à l’explosion du taux de prélèvement des retraites par rapport au PIB, alors que ce taux peut progresser de manière raisonnable pour répondre aux besoins que suscite le vieillissement de la population, ou bien à une régression massive des retraites. Plus probablement d’ailleurs, on risquerait d’assister à la conjonction de ces deux tendances, d’où l’urgence renouvelée de nos propositions.

Devant cette urgence, nous proposons de soumettre les revenus financiers des entreprises (183 milliards d’euros en 2006) ainsi que les revenus financiers nets des institutions financières (60 milliards) au taux de cotisations des salariés, soit autour de 10%. Ceci ferait rentrer plus de 20 milliards d’euros de cotisations. Mais, notre proposition de fond c’est une réforme de l’assiette des cotisations dites patronales tenant compte de la politique d’emplois et de salaires des entreprises. L’objectif serait de relever le taux et la masse des cotisations patronales en incitant à un relèvement de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Les entreprises où cette part est élevée auraient un taux de cotisations relativement abaissé. Inversement, les entreprises qui compriment les emplois et les salaires en aggravant précarité et licenciements, au bénéfice de la seule croissance financière, seraient soumises à des taux de cotisations plus lourds. Par ce mécanisme, les 15 points de cotisation supplémentaire que nous avons évoqués ne pèseraient pas que sur la seule assiette des salaires. Le pouvoir refuse d’en débattre et il nous faut rassembler et diffuser des contre-proposistions.

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