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LE VRAI VISAGE DE DANIEL COHN-BENDIT

Publie le mercredi 24 juin 2009 par Open-Publishing
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Article paru dans La Décroissance n°56-février 2009
 http://www.ladecroissance.net/pdf/d...

Sous des dehors de garçon rebelle à la mèche folle, les options politiques de Daniel Cohn-Bendit, telles qu’il les a exposées dans un livre paru en 1998, sont dans la droite ligne du néo-libéralisme financier. L’ex-leader de Mai 68 milite au Parlement européen pour l’entrée des entreprises dans les écoles, la privatisation des services publics et le travail le dimanche. Cohn-Bendit dans le texte.

Alors que Daniel Cohn-Bendit jubile aux vues des résultats sa la liste Europe Écologie, que la tête de liste des Vert en Ile-de-France se pique d’employer de temps en temps le terme de « décroissance », il est bon de se replonger dans les écrits de l’ex-leader de Mai 68, et plus particulièrement dans un livre paru en 1998 : Une envie de politique (La Découverte). Ce livre d’entretiens servira de profession de foi pour le candidat lors de sa campagne pour les élections européennes de 1999. À l’époque, il était déjà élu au Parlement à Bruxelles par le biais des Grünen (Verts) allemands.

Une envie de politique (1998) est le cri de ralliement de l’enfant de Mai 68 à l’économie de croissance néo-libérale. « Je suis pour le capitalisme et l’économie de marché », confesse Daniel Cohn-Bendit. La société est à ses yeux « inévitablement de marché ».

Privatiser la Poste

Ce credo économique se décline dans tous les domaines. Daniel Cohn-Bendit défend la course au moins-disant social : « Si Renault peut produire moins cher en Espagne, ce n’est pas scandaleux que Renault choisisse de créer des emplois plutôt en Espagne, où, ne l’oublions pas, il y a plus de 20 % de chômage. » Sur la culture, Daniel Cohn-Bendit défend la vision selon laquelle « l’artiste doit trouver lui-même son propre marché », sans subventions. « Eurodisney, avoue-t-il, je m’en fiche. Cela relève de la politique des loisirs. Je suis allé à Eurodisney avec mon fils, je ne vais pas en faire une maladie. Eurodisney, c’est un faux problème. »
L’ex-étudiant de Nanterre n’a rien contre le fait que les jeunes soient payés moins que le SMIC « si en échange d’un salaire réduit pendant trois ou quatre ans, on leur donne la garantie d’accéder ensuite à un emploi ordinaire ». Daniel Cohn-Bendit se déclare pour l’autonomie des établissements scolaires, pour qu’ils fassent sans l’État leurs propres choix de professeurs et d’enseignements. Il n’est pas opposé à l’appel aux fonds privés pour ces établissements afin de créer de « véritables joint-ventures avec les entreprises » et ajoute que « naturellement, l’industrie participerait aussi à la définition des contenus de l’enseignement, contrairement à ce que nous disions en 1968 ». « Mieux qu’Allègre !, résume l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur (26-11-1998). Avec Cohn-Bendit le mammouth n’aurait plus que la peau sur les os. »

Daniel Cohn-Bendit ne conçoit pas l’économie autrement que l’économie des multinationales, de la pub, de la globalisation et des TGV. Il le dit lui-même avec franchise : « Je suis persuadé que si on dit non à l’économie planifiée socialiste, on dit oui à l’économie de marché. Il n’y a rien entre les deux » (Libération, 6-1-1999). Il reprend à son compte la litanie des ultra-libéraux contre la dépense publique : « Je suis très ferme sur le déficit public. Par principe, tout écologiste conséquent doit être pour une limitation des dépenses publiques. » Les marchés publics doivent être ouverts à la concurrence. « Des services comme le téléphone, la poste, l’électricité n’ont pas de raison de rester dans les mains de l’État. » Il insiste : « Il n’y a pas de raison qu’il existe un service public de télévision. »

Travail le dimanche

Alors que Sarkozy a dû lui-même reculer sur cette question fin 2008, dix ans plus tôt, Daniel Cohn-Bendit se déclare pour le travail le dimanche. « Il faut admettre que les machines travaillent sept jours sur sept, donc admettre le travail du week-end. » La légalisation du travail le dimanche est avant tout profitable aux multinationales contre les entreprises de type familial. Mais l’eurodéputé met sur le même plan ces deux économies différentes, argument connu et honteux pour faire avaler cette destruction du droit au repos : « J’ai toujours été hostile aux horaires obligatoires d’ouverture des magasins (…) Tout le monde est scandalisé par le travail le dimanche, mais un Français serait aussi scandalisé de ne pouvoir faire son marché ou acheter son pain le dimanche. » Au travers de son argumentation sur le travail le dimanche, on comprend mieux la logique « libérale-libertaire » de Cohn-Bendit et l’immense danger qu’elle comporte sous couvert de modernité et de rébellion. Dans l’extrait suivant, le côté « libertaire » prend appui sur la critique de la famille traditionnelle et le désir du « jeune » de s’amuser pour mieux avancer ses pions ultra-libéraux : « Les parents ont besoin d’être avec leurs enfants, mais il ne faut pas réduire les besoins des gens à ceux de la famille traditionnelle, parents avec enfants (…). Bien des jeunes, qui n’ont pas de contraintes ou de besoins familiaux sont prêts à travailler en VSD (vendredi-samedi-dimanche) comme on dit, pour être libres à un autre moment, voire travailler sept jours d’affilée s’ils ont ensuite une semaine de congés pour aller faire de la marche, de l’escalade ou toute autre chose dont ils ont envie. »

Le moderne contre l’archaïque

Daniel Cohn-Bendit reprend la rhétorique connue du modernisme contre l’archaïsme : la protection sociale doit « évoluer », la gauche défend « une vision bloquée de la société », l’extrême-gauche est « une forme de réaction conservatrice »…
Concernant l’Europe, il faut savoir que Daniel Cohn-Bendit a été un grand défenseur de l’euro et de l’indépendance de la Banque centrale européenne, qui empêche tout contrôle des États membres sur leur politique monétaire. En 1998, avec Olivier Duhamel, professeur à Sciences-Po Paris, il publie un Petit Dictionnaire de l’euro (Le Seuil). On peut y lire : « Chacun demeure libre de rêver d’un monde sans marchés financiers internationaux, sans libéralisation des échanges, sans globalisation de l’économie. Mais que gagnerait l’Europe, et chacun de ses peuples, à s’inscrire dans cette nostalgie ? »

Les contempteurs de l’Union européenne seraient des nostalgiques. Dans une tribune publiée dans Le Monde du 26 novembre 1998 « Pour une révolution démocratique », Daniel Cohn-Bendit s’en prend aux « antieuropéens » : « Selon eux, l’Europe organiserait le démantèlement des États-providence et servirait de marchepied à la mondialisation sauvage, caractérisée par la libre circulation des marchandises, des capitaux et par le pouvoir absolu des marchés financiers. Face à une Europe qui ne serait qu’un facteur de régression sociale, le cadre national resterait le plus approprié pour défendre les droits des salariés menacés par le capitalisme. » L’ex-rebelle choisit son camp : « Les pro-européens (…), pour qui l’Europe rend possible le progrès social dans le cadre d’un espace d’intégration supranational. Pour nous, elle agit comme un bouclier face au libre-échangisme, prend progressivement la place des États-nations traditionnels dans le domaine social et, à leurs faiblesses, substitue une nouvelle capacité d’action économique et financière. » Ici encore, le côté libertaire – l’attaque de l’État-nation – sert avant tout à permettre de déposséder les peuples de leur destin politique.

BHL a tout compris

En somme, si l’on me permet cette comparaison publicitaire, Daniel Cohn-Bendit, c’est le Canada Dry de la politique : ça a la couleur de la rébellion, l’odeur de la rébellion, le goût de la rébellion, mais ce n’est pas de la rébellion ; c’est juste l’idéologie capitaliste classique sous une face souriante et décoiffée. Un produit marketing redoutable.

L’éditorialiste Bernard Guetta ne se trompe pas quand il voit en lui l’image d’une génération « radicale dans le ton mais consensuelle et modérée dans ses solutions »(Le Nouvel Observateur, 26-11-1998). Bernard-Henri Lévy, lui, résume le phénomène Cohn-Bendit de manière lumineuse : « Il tient à peu de chose près le discours des gentils centristes, mais de façon tellement plus séduisante et convaincante. Il dit ce que les centristes disent depuis des années. Il tient sur l’euro des propos qu’eux-mêmes hésitent parfois à tenir. Et, miracle de la musique politique : les mêmes mots qui, dans leur bouche sonnaient économiste, marchand... apparaissent dans la sienne ludiques, sympathiques, généreux » (Le Point, 21-11-1998).

Sur la scène politique française, Daniel Cohn-Bendit servira de fait à affaiblir les alliés de la gauche traditionnelle dans le gouvernement de Lionel Jospin : les communistes et les chevènementistes. Georges-Marc Benamou l’explique le 26 novembre 1998 : « [Cohn-Bendit] est-il à même de gagner son second pari : dépasser le Parti communiste, son rival de trente ans ? Ce serait un véritable séisme pour la gauche qui gouverne (…) En introduisant son libéral-libertarisme, son anti-étatisme, son réformisme économique, Cohn-Bendit fendille le bloc des certitudes de la gauche social-démocrate frileuse. »
Les éditorialistes parisiens oublient un détail : les Verts avaient déjà devancé les communistes en 1989, lors de la candidature d’Antoine Waechter aux élections européennes. Les écologistes avaient obtenu 10,5 % contre 7,7 % pour le PCF. Mais Robert Hue était repassé à nouveau devant les Verts à la présidentielle de 1995 (8 % contre 3 % pour Dominique Voynet). Le 13 juin 1999, Daniel Cohn-Bendit change une deuxième fois le rapport de force entre les Verts et le PCF, en obtenant 9,7 % des voix, contre 6,7 % pour Hue. L’ex-leader de 68, avec tout son arsenal médiatique, fera moins qu’Antoine Waechter. Un détail que les journalistes ne mentionnent pas.

Au vu des options politiques de Daniel Cohn-Bendit, il faut inscrire sa victoire dans la lutte interne du parti socialiste entre les tenants d’une politique sociale véritable et les défenseurs du « socialisme moderne ». Alain Madelin, président de Démocratie libérale, résume très bien cette perspective politique : « Il est clair que sur certains sujets, comme les privatisations d’EDF ou des chemins de fer, la retraite par capitalisation, la concurrence et la sélection dans les universités, l’autonomie des établissements scolaires, Daniel Cohn-Bendit développe une approche libérale en contradiction avec le PS et les Verts. Puisse cette évolution permettre l’arrivée d’un libéralisme de gauche dans ce pays » (Le Figaro, 1-12-1998). Lionel Jospin, et Ségolène Royal après lui, choisira la voie du social-libéralisme en 2002. Avec le succès que l’on sait.

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A voir à ce sujet le film éclairant « Le vrai visage de Daniel Cohn-Bendit »
 http://www.decroissance.org/

Messages

  • et ajoute que « naturellement, l’industrie participerait aussi à la définition des contenus de l’enseignement, contrairement à ce que nous disions en 1968 ».

    Est-ce que LUI aurait aimé recevoir un enseignement dans de telles conditions, qui réduise l’esprit critique ? C’est facile après, mais avant !!!

    Ouvrir les magasins à des horaires différents, ça existe déjà, et c’est parfois la pagaille quand on oublie son heure d’ouverture ou de fermeture, comme si on avait que ça à penser !

    L’écologie en prend un coup avec sa vision du monde, qui n’organise plus mais laisse tout faire ! Tu m’étonnes qu’il plaise à la droite !

  • Comme je fais partie des cinglés puisque c’est ainsi qu’il a désigné ceux qui parlent de décroissance. Il a même prétendu que c’était un gros mot. C’est tout à fait paradoxale car dans le programme d’Europe écologie certains on quand même abordé le sujet, du bout des lèvres certes, mais disons que devant la force des choses ils ne peuvent pas rester indifférents. Il y a que Bendit qui persiste et signe, sous un aspect qui se veut parfois radical, son discours est en réalité populiste. Cet homme est dangereux car, à l’instar de Sarkozy dont le discours est tout aussi populiste, il est un promotteur acharné de l’ultralibéralisme, ce qui implique qu’il ne s’agit que d’un écolo de salon puisque le productivisme capitaliste est une antinomie de la véritable écologie..

    La politique spectacle, l’écologie spectacle est une véritable scène médiatique pour les grandes geules populistes comme Bendit et Sarkozy, malheureusement il y a beaucoup de naïfs qui s’y laissent prendre !