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La Colombie pourrait se donner son propre Chávez dans 20 mois

Publie le mardi 7 décembre 2004 par Open-Publishing

de Dick Emanuelsson, Bogotá

Des milliers de personnes ont crié " Gaviria Presidente " lors du lancement de la campagne électorale présidentielle de Carlos Gaviria [Attention ! Rien à voir avec César Gaviria (ex-président et ex-Secrétaire général de l’OEA)] pour les élections de 2006. Selon le dernier sondage réalisé par El Tiempo, le quotidien de l’oligarchie colombienne, le président Álvaro Uribe Vélez obtiendrait actuellement 39% alors que Carlos Gaviria, qui n’a même pas encore commencé sa campagne électorale, obtiendrait 30%. Et il reste encore 20 mois avant les élections.

Le rassemblement de masse tenu ce soir dans le centre de Bogotá a fait converger des secteurs très divers, syndicalistes, indigènes, afro-colombiens, mouvements de quartiers, des personnalités, des intellectuels, des étudiants, des enseignants, des universitaires, etc. Tous les intervenants, des sénateurs et des représentants au parlement, ont tenu à adresser des remerciements à Uribe qui a favorisé la naissance d’un large front unitaire de gauche, démocratique et progressiste. Mais le jugement sur le président et sa politique était dure : " Le gouvernement et le président représentent le fascisme colombien, la soumission à l’impérialisme nord-américain et au Fonds monétaire international ".

La candidature de Carlos Gaviria, ex-membre de la Cour Constitutionnelle et actuellement président du Front Social et Politique, mouvement qui regroupe des syndicats, des mouvements et des partis politiques de gauche (comme le Parti communiste colombien, parmi d’autres), a été considérée comme la seule option pour battre le président Uribe.

Parmi les orateurs présents à la tribune se trouvait Piedad Córdoba, présidente du Parti libéral officiel et qui représente un courant de la social-démocratie colombienne dans ce parti. Elle a eu de fortes critiques pour le gouvernement et elle a qualifié le président de " dictateur " : " Je ne savais pas si Álvaro Uribe était paramilitaire ou si les paramilitaires étaient uribistes ! ", a-t-elle exprimé, propos qui ont été salués par les applaudissements du public.

Jorge Enrique Robledo, sénateur du MOIR, a signalé qu’il ne s’agit pas seulement de battre nettement Uribe, mais aussi le contenu de sa néfaste politique néolibérale : " L’affrontement avec Uribe est un affrontement de fond. Nous sommes en désaccord avec le programme économique, social et politique d’Álvaro Uribe Vélez ". Robledo a ajouté qu’Uribe est vendu au FMI et à Washington : " Il est le représentant de l’impérialisme nord-américain, il vend le pays au maître du nord ".Le sénateur a appelé a l’unité de la gauche et il a félicité les représentants du Pôle Démocratique qui étaient présents au rassemblement, comme Diego García. " Le pays en a assez de l’uribisme, le pays en a assez du néolibéralisme et de l’impérialisme nord-américain ", a-t-il ajouté.

Au bout de deux heures et après dix interventions, Carlos Gaviria est monté à la tribune sous les exclamations de " Presidente ! Presidente ! Presidente ! ". Carlos Gaviria, avec son portrait de Père Noël, va offrir une dure bataille au président Uribe. Ce soir il a confirmé qu’il n’est pas le politicard habituel, comme c’est le cas d’Uribe qui a acheté les sénateurs afin d’obtenir une majorité entérinant le principe de sa réélection. Uribe, qui s’était présenté en 2002 comme le candidat opposé à la corruption et à la politicarderie, est le président qui a le plus été impliqué dans la corruption et qui a le plus favorisé le clientélisme.

Le précandidat Gaviria a déclaré qu’il ne perçoit pas les autres précandidats potentiels du Pôle Démocratique (comme ceux qui sont issus de l’ex-mouvement guérillero M19) comme des adversaires durant la campagne électorale, tout au contraire. L’unité de ce large front démocratique, de gauche, populaire, est décisive pour pouvoir vaincre l’uribisme, qui bénéficie du soutien de l’establishment, du gigantesque pouvoir militaire et de l’oligarchie qui contrôle presque tous les moyens à tous les niveaux pour déterminer le choix d’un président. Mais, tout comme un large mouvement a pu vaincre le candidat uribiste Juan Lozano à la mairie de Bogotá, le mandat électif le plus important du pays après celui de président, il n’est impossible de vaincre Uribe aux élections présidentielles.

Si la tendance indiquée par El Tiempo se renforce, Carlos Gaviria pourrait devenir président de la Colombie. Le grand danger c’est qu’il soit assassiné avant d’être élu.

A deux reprises pendant la prise de parole de Gaviria la lumière a été coupée, ce qui a inquiété les milliers de participants. Coïncidence ou pas, tout le quartier autour de la Convention Gonzalo Jiménez de Losada est resté sans lumière. La rencontre, qui s’est achevée dans l’obscurité, a été conclue par Gaviria qui, devant plusieurs milliers de Colombiens, s’est engagé à travailler non pas « pour le peuple » mais « avec le peuple ». Son objectif est de modifier le modèle d’Etat élaboré par Uribe qui abandonne toutes ses responsabilités sociales.

Gaviria sera-t-il un Chávez colombien, marginalisant les partis traditionnels de l’oligarchie, le Parti libéral et le Parti conservateur ?

Traduction : FAL 9.3

Source : colombia.indymedia.org

Vous pouvez écouter le discours de Carlos Gaviria à l’adresse :

http://ajpl.nu/radio.htm