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La campagne présidentielle se concentre sur l’Amérique indécise
Publie le samedi 21 août 2004 par Open-PublishingLe président George Bush et son rival démocrate John Kerry se livrent à d’intenses chassés-croisés dans les "swing states", les Etats-charnières dont le basculement dans un camp ou dans l’autre entraînerait un apport de grands électeurs. Le scrutin du 2 novembre risque d’être très serré
de Jean-Michel Dumay
A deux mois et demi de l’élection, républicains et démocrates se livrent une bataille acharnée pour convaincre les électeurs des 18 ou 19 Etats américains particulièrement divisés politiquement et susceptibles de basculer dans un camp ou dans un autre lors du scrutin du 2 novembre. Au coude-à-coude dans les sondages, George Bush et son opposant démocrate, John Kerry, se sont souvent retrouvés ces derniers jours dans les mêmes "Etats charnières" (swing states), du Maine à l’Est, à l’Oregon à l’Ouest, en passant par l’Ohio, l’Iowa ou le Wisconsin.
Chaque bataille, dans ces Etats indécis, se révèle d’autant plus âpre que le système électoral américain accorde au candidat qui y arrive en tête la totalité des "grands électeurs" qui les représentent pour déterminer au niveau fédéral le choix du président. Une faible avance peut donc faire toute la différence. John Kerry aurait aujourd’hui, dans ces Etats, un léger avantage. Selon certaines projections, il obtiendrait près de 300 grands électeurs et George Bush environ 200 sur un total de 538, le reste se situant dans des Etats trop indécis pour être attribués.
Signe de l’attention particulière que chaque camp porte à ces terres, le président américain tenait meeting, mercredi 18 août, pour la troisième fois en cinq semaines dans le Minnesota, traditionnellement démocrate, mais où les sondages extrêmement serrés lui laissent espérer une victoire possible - ce qui n’est pas arrivé ici au camp républicain depuis 1972. Lors de l’élection présidentielle de 2000, 60 000 voix seulement l’avait séparé de son opposant Al Gore. Le président peut même, depuis le 1er août, compter sur le ralliement inattendu de Randy Kelly, maire de la capitale administrative, Saint Paul, un démocrate de longue date, dont plusieurs voix réclament désormais la destitution.
HAPPENINGS ÉLECTORAUX
Chaque jour, les journaux locaux n’en finissent pas d’opposer le nombre des happenings électoraux de chaque camp, souvent décidés à la dernière minute : de véritables chassés-croisés, organisés dans des lieux choisis en fonction des cibles électorales potentielles, fermes en zones rurales, places publiques urbaines, vérandas chez des particuliers pour plus d’apparente intimité, etc. - pour mieux pouvoir l’emporter médiatiquement.
Ainsi, la visite de George Bush à Saint Paul succédait-elle à celle de l’autre figure du "ticket" présidentiel démocrate, le sénateur John Edwards, candidat à la vice-présidence, intervenue seulement cinq jours auparavant. Axant essentiellement son discours sur des questions de politique intérieure, et notamment la politique de santé publique menée par les républicains, M. Edwards avait choisi d’attiser la flamme démocrate dans une lointaine banlieue de Minneapolis, très middle class, où un millier de personnes s’étaient rassemblées dans le gymnase d’une école, dans une atmosphère bon enfant, quoique tiraillées entre la prestation du très souriant avocat de Caroline du Nord et la retransmission de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques diffusée sur grand écran. L’équipe démocrate locale assurait que John Kerry "ne tarderait pas à revenir", son dernier déplacement remontant au 2 juillet.
Outre ses propres interventions, George Bush a pu également compter sur les récentes visites, dans la région, de son vice-président Dick Cheney et de son épouse Laura. Tout aussi impliquée que son mari dans la campagne, Laura Bush a fait une halte dans une usine textile, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest des "Twin Cities", Minneapolis et Saint Paul, pour défendre la politique économique des républicains. S’adressant à un parterre de femmes d’affaires, la First Lady assurait combien son mari était conscient que les femmes accédant à des responsabilités étaient "vitales pour la démocratie", que ce soit en Afghanistan ou aux Etats-Unis.
De son côté, délégué pour faire contre-feu à la prestation de George Bush, le vétéran et ex-sénateur de Géorgie, Max Cleland, pilier de la campagne de John Kerry, a fait plusieurs apparitions sur deux jours, en différents points de l’Etat, pour faire barrage aux attaques visant à jeter le doute sur le passé militaire du candidat démocrate.
"Je n’ai pas souvenir d’une campagne aussi intense dans le Minnesota, et surtout aussi négative par les arguments qui sont avancés, les attaques personnelles qui sont proférées envers chaque candidat, confie Steven Schier, professeur de sciences politiques au Carleton College de Northfield (sud de Minneapolis). Les divisions sont prononcées. Et il y avait bien longtemps que les affaires étrangères n’avaient pas tenu une place aussi importante dans le discours."
Selon un sondage, les affaires étrangères et les questions de sécurité nationale constituent pour les électeurs américains une priorité sur l’économie. Ce qui ne s’est pas vu depuis la guerre du Vietnam.
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3222,36-376246,0.html