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La commémoration de l’Holocauste : une occasion en or pour la propagande israélienne

Publie le vendredi 5 février 2010 par Open-Publishing

AUTEUR : Gideon LEVY

Traduit par Fausto Giudice

Les grosses légumes d’Israël ont attaqué à l’aube sur un vaste front. Le Président en Allemagne, le Premier ministre, à la tête d’une énorme délégation, en Pologne, le ministre des Affaires étrangères en Hongrie et son adjoint en Slovaquie, le ministre de la Culture en France, le ministre de l’Information aux Nations unies, et même le député druze du Likoud à la Knesset, Ayoub Kara, en Italie. Ils sont tous partis faire des discours affligeants sur l’Holocauste.

Mercredi [27 janvier] était la Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l’Holocauste , et on n’avait pas vu une telle campagne de relations publiques israéliennes depuis belle lurette. Le moment choisi pour ce rush inhabituel - jamais autant de ministres n’avaient été déployés simultanément à travers le monde - n’est pas fortuit : quand le monde parle de Goldstone, nous parlons d’Holocauste, comme pour brouiller les cartes. Quand le monde parle d’occupation, nous parlons de l’Iran, comme si nous voulions la lui faire oublier.

Ça ne sera pas d’un grand secours. La Journée internationale de commémoration de l’Holocauste est passée, les discours seront vite oubliés, et la déprimante réalité quotidienne restera. Israël n’en sortira pas avec une bonne mine, même après sa campagne de relations publiques.

La veille de son départ, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a parlé à Yad Vashem. « Il y a du mal dans le monde », a-t-il dit. « Le mal doit être étouffé dans l’œuf. » Certains « tentent de nier la vérité ». De grands mots, prononcés par la même personne qui, la veille seulement, pas vraiment dans le même souffle, avait prononcé de tout autres paroles, des paroles du mal, du mal véritable, du mal qui devrait être étouffé dans l’œuf, celui qu’Israël essaie de cacher.

Netanyahou parlait d’une nouvelle « politique d’immigration », une politique qui incarne le mal. Il a amalgamé avec malveillance, les travailleurs immigrés et les malheureux réfugiés – mettant en garde contre le danger qu’ils représentent pour Israël, en faisant baisser nos salaires, en nuisant à à notre sécurité, en faisant de nous un pays du tiers-monde et nous apportant de la drogue. Il soutenait avec ardeur notre ministre raciste de l’Intérieur, Eli Yishai, qui, a parlé des immigrés comme propagateurs de maladies telles que l’hépatite, la tuberculose, le Sida et Dieu sait quoi encore.

Aucun discours sur l’Holocauste n’effacera ces mots d’incitation à la haine et de diffamation à l’encontre des immigrés. Aucun discours de commémoration ne masquera la xénophobie qui a redressé la tête en Israël, et pas seulement à l’extrême-droite comme en Europe, mais à travers tout le gouvernement.

Nous avons un Premier ministre qui parle du mal mais qui érige une barrière pour empêcher les réfugiés de guerre de frapper à la porte d’Israël. Un Premier ministre qui parle du mal mais qui prend part au crime du blocus de Gaza, aujourd’hui dans sa quatrième année, laissant un million et demi de personnes dans des conditions honteuses. Le Premier ministre d’un pays dont les colons perpètrent des pogroms contre des Palestiniens innocents avec la devise « price tag » (« étiquette de prix »=le prix à payer), qui a aussi aussi une connotation historique horrible, mais contre lesquels l’Etat ne fait pratiquement rien.

C’est le Premier ministre d’un État qui arrête des centaines de manifestants de gauche qui se battent contre les injustices de l’occupation et la guerre à Gaza, alors qu’il pardonne en masse aux gens de droite qui ont manifesté contre le désengagement. Son discours d’hier, dans lequel Netanyahu a assimilé l’Iran fondamentaliste à l’Allemagne nazie, n’était que de la propagande de bas étage. Une vraie « banalisation de l’Holocauste ». L’Iran n’est pas l’Allemagne, Ahmadinejad n’est pas Hitler, et les mettre sur le même pied n’est pas moins faux que d’assimiler les soldats israéliens aux nazis.

L’Holocauste ne doit pas être oublié et il n’est pas nécessaire de le comparer avec quoi que ce soit d’autre. Israël doit participer aux efforts pour garder son souvenir vivant, mais pour cela, Israël doit présenter des mains propres, lavées du mal de leurs propres actes. Et il ne doit pas éveiller le soupçon qu’il utiliserait cyniquement la mémoire de l’Holocauste pour occulter et brouiller d’autres choses. Malheureusement, ce n’est pas le cas.

Comme cela aurait été magnifique si, à l’occasion de cette Journée internationale du souvenir, Israël avait pris le temps de faire son examen de conscience et de se demander, par exemple, comment il se fait que l’antisémitisme ait pu redresser la tête dans le monde, juste l’année écoulée, celle qui a suivi nos bombardements au phosphore blanc sur Gaza. Comme cela aurait été magnifique si, pour cette Journée internationale de commémoration de l’Holocauste, Netanyahou avait annoncé une nouvelle politique, une politique pour intégrer les réfugiés au lieu de les expulser, ou s’il avait levé le blocus de Gaza.

Mille discours contre l’antisémitisme n’éteindront pas les flammes allumées par l’opération Plomb durci, qui menacent non seulement Israël mais l’ensemble du monde juif. Aussi longtemps que Gaza restera sous blocus et qu’Israël s’enfoncera dans sa xénophobie institutionnalisée, le discours sur l’Holocauste restera creux. Aussi longtemps que le mal sera rampant, ici, chez nous, ni le monde ni nous-mêmes ne serons en mesure d’accepter les prêchi-prêcha que nous assénons aux autres, même s’ils les méritent.

http://www.haaretz.com/hasen/spages/1145670.html

http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=9900&lg=fr