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La gauche grecque et la question de l’Union européenne. Sur la sortie de l’euro

par Antonio

Publie le samedi 2 juin 2012 par Antonio - Open-Publishing

La gauche grecque et la question de l’Union européenne. Sur la sortie de l’euro et le désengagement anticapitaliste de l’UE
AFTHINOS Pantelis , MELAMPIANAKI Zeta , KOUSIANTAS Kostas
5 janvier 2012

Depuis que le capitalisme grec est entré dans le tourbillon de la crise financière mondiale, et en particulier à partir de l’éclatement de la crise de la dette, les questions de l’Union européenne (UE) et de l’euro sont apparues parmi les plus importantes dans les débats au sein des forces de gauche et du mouvement ouvrier qui tentent d’élaborer des réponses politiques et sociales radicales face aux crises du système. Ces débats ont acquis une plus grande importance encore parmi les courants politiques et les forces qui veulent forger un projet politique révolutionnaire dans l’objectif d’une transformation socialiste de la société.

C’est un débat essentiel. L’adhésion à l’UE et à la zone euro constitue un choix stratégique des capitalistes grecs. C’est la voie concrète par laquelle le capitalisme grec s’est intégré dans la chaîne impérialiste globale. C’est le processus concret par lequel le capitalisme grec participe à la concurrence internationale et au partage de la plus-value et du profit. En conséquence, il ne peut y avoir aujourd’hui un programme et une réelle perspective révolutionnaire sans faire l’analyse des formes particulières que prennent la participation et le rôle du capitalisme grec dans la division capitaliste internationale du travail, et sans tenir compte de la nécessité de rompre avec cette participation.

C’est précisément sur ces choix stratégiques de la classe capitaliste que les blocs politiques et sociaux qui s’alternent au pouvoir gouvernemental se sont forgés et c’est à partir d’eux – désignés comme des soi-disant « objectifs nationaux » - qu’ils tentent de gagner l’allégeance et le consensus de la classe ouvrière. Il ne fait aucun doute que la participation à l’UE et à la zone euro est la nouvelle « Grande Idée » du capitalisme grec, au nom de laquelle ils appellent - surtout maintenant, en période de crise - les classes subalternes à subir les sacrifices terribles qui sont imposés au travers des Mémorandums et des Programmes de stabilité.

Cette insertion dans l’UE habilite le capitalisme grec à jouer un rôle de force périphérique - un sous-impérialisme local - dans les Balkans et dans la Méditerranée orientale. La participation à l’UE a fait du capital grec le supplétif des grandes puissances impérialistes européennes et des Etats-Unis dans leurs interventions dans les Balkans et en Europe orientale (un exemple de cela est le fait que l’expansion de Coca-Cola dans ces régions se fait par le biais de la société grecque « 3E »). Même aujourd’hui, en période de crise, c’est la Grèce qui a été choisie par la Chine comme base d’opération pour pénétrer les marchés européens. L’introduction de l’euro a enrichi la classe dirigeante grecque. Elle a obtenu, avec une telle monnaie forte et des taux d’intérêts bas, les capitaux nécessaires pour prendre part aux juteuses privatisations des secteurs publics dans les pays de l’Europe orientale. Cela a fait de la Grèce, au cours de la dernière décennie, un pays exportateur de capitaux.

Sans sa participation à l’UE et à la zone euro, la Grèce ne pourrait pas jouer un tel rôle dans la région. Les difficultés que rencontre le capitalisme turc pour jouer rôle similaire – puisqu’il est toujours exclu de l’UE – montre très clairement les raisons pour lesquelles la classe dirigeante grecque veut maintenir coûte que coûte son statut en tant que pays du noyau dur de la zone euro. Si la Grèce se retrouve forcée de quitter l’euro, les résultats seront destructeurs pour la classe dominante grecque. Elle perdra à la fois son rôle géopolitique stratégique, l’accès à des fonds importants et ses avantages importants dans son conflit avec le capitalisme turc.

En outre, elle perdra son arme la plus efficace dans sa volonté de dominer le prolétariat. Les institutions de l’UE sont les principaux organisateurs des attaques néolibérales sur tout le continent européen car elles permettent de mettre le poids combiné de toutes les classes dirigeantes européennes au service de chacune d’elle. L’exemple de la privatisation d’Olympic Airways, où l’Etat et le capitalisme grec ont systématiquement utilisés la pression de la Commission et de la Cour européenne dans le but de mettre en œuvre leur politique, illustre le rôle de ces institutions. L’euro lui-même est un instrument de subordination de la classe ouvrière et de dissolution des syndicats en les exposant à la concurrence du « libre marché » de la monnaie unique. Les combats qui ont marqué la lutte des classes en Grèce à partir de 2001 (la lutte contre la réforme néolibérale des retraites) jusqu’à aujourd’hui ont la même caractéristique : la volonté de la classe dominante de transférer le coût d’une monnaie forte - telle qu’est l’euro – sur le dos de la classe ouvrière. Le meilleur exemple en est probablement la demande permanente de la SEV (l’association des industriels grecs) que l’augmentation des salaires inscrits dans l’ESS (les accords salariaux annuels entre les syndicats et les capitalistes) soit déterminé par le taux d’inflation moyen de la zone euro et non par le taux d’inflation - beaucoup plus important - de la Grèce. Ce souhait a finalement été satisfait avec la capitulation honteuse de la GSEE (Confédération grecque des syndicats du secteur privé) en 2010.

La pire et la plus terrifiante des perspectives pour la classe dominante grecque est qu’une éventuelle sortie de l’UE de la Grèce pourrait également signifier le commencement de la fin pour cette Union elle-même. Dans les conditions actuelles, une sortie de la Grèce de l’UE pourrait provoquer une série d’événements déstabilisateurs, une tendance à d’autres sorties de l’euro qui seraient, très probablement, le signal d’un effondrement général. Le capitalisme grec se retrouverait sans le soutien de l’impérialisme international dans son offensive d’ensemble qu’il s’efforce de mener dans la région ; des intimidations contre la République de Macédoine voisine sur la question de son nom à la poursuite de sa nouvelle alliance avec l’État d’Israël dans la Méditerranée orientale ou encore dans son nouveau conflit avec le capitalisme turc autour du contrôle des ressources pétrolières de cette région.

Cela explique pourquoi, jusqu’à présent, les think tanks bourgeois n’ont pas produit de stratégie alternative sur la manière de maîtriser la crise en incluant le scénario d’une sortie de l’euro et d’un retour à la monnaie nationale, le drachme, afin de doter le capitalisme grec des instruments de mise en œuvre d’une politique de rechange. Une telle issue ne pourrait que priver les capitalistes grecs de tous les avantages décrits ci-dessus. Les seuls cas où les think tanks bourgeois seraient inévitablement forcés – même à contre-cœur – à penser à un retour au drachme seraient un effondrement complet de l’euro où le risque pour le capitalisme grec de perdre le contrôle du système bancaire.

Si le capitalisme grec se retrouve forcé de quitter l’euro et l’UE, cela provoquera une énorme crise systémique et une inévitable crise de gouvernance. Mais une sortie de l’UE ne peut représenter une avancée pour la classe ouvrière qu’à la seule condition qu’elle soit le résultat des actions d’un mouvement ouvrier luttant dans une perspective transitoire, pour des revendications qui remettent en question la propriété et la gestion capitalistes de l’économie. Sur cette base, le rapport de forces pourrait changer de façon décisive en faveur de la classe ouvrière au travers de la crise politique majeure qu’une telle issue produirait. La conscience des travailleurs un grand pas en avant vers son émancipation en brisant l’un des arguments les plus importants de la domination idéologique bourgeoise : celui du « paradis européen ». Le mouvement ouvrier européen doit se débarrasser du fardeau de la « voie unique européenne », surtout au regard de l’exemple grec.

Les « européistes » de la gauche grecque

Plusieurs courants de la gauche avancent une série de fausses objections contre la nécessité d’inclure la revendication de la sortie de l’euro et de l’UE dans un programme de transition actualisé.

A) La première et principale objection est liée à l’idée que l’Union européenne, en tant qu’institution supranationale, joue objectivement un rôle « progressiste » car elle serait en quelque sorte un dépassement de l’Etat bourgeois national.

Une première remarque préliminaire à ce sujet : le concept d’institutions supranationales bourgeoises qui pourraient faire contrepoids aux États nations est un reflet du cosmopolitisme bourgeois et non de l’internationalisme prolétarien. L’internationalisme prolétarien a été condensé dans des mots d’ordre tels que « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » ; « L’unité nationale est un piège, les prolétaires n’ont pas de patrie », « L’ennemi est dans notre propre pays » ; « La défaite de « notre » gouvernement dans une guerre est le moindre mal ». Ce sont des mots d’ordre internationalistes qui rompent avec le consensus national bourgeois pour promouvoir la solidarité des travailleurs. L’internationalisme n’a rien à voir avec la défense de l’ONU, de la Cour internationale de La Haye et d’autres institutions européennes bourgeoises.

La réponse à cette fausse approche de la nature de l’UE est résumée par un document important adopté par le 14e Congrès mondial de la Quatrième Internationale. Selon cette déclaration :

« Loin de répondre aux aspirations sociales et internationales des travailleurs, des femmes, des jeunes et des nationalités opprimées, l’Union européenne est l’expression régionale de la globalisation de l’économie mondiale. C’est un instrument des secteurs les plus puissants du grand capital pour la concurrence inter-impérialiste et pour une lutte tous azimuts contre la classe ouvrière européenne et le Tiers Monde. » [1]

Cette analyse repose sur les thèses de Lénine sur l’importance et le rôle d’une possible unification de l’Europe (à son époque). Lénine écrivait en 1915 à propos du mot d’ordre sur les « États-Unis européens » : « Du point de vue des conditions économiques de l’impérialisme, c’est-à-dire des exportations de capitaux et du partage du monde par les puissances coloniales « avancées » et « civilisées », les États-Unis d’Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires. (...) Certes, des ententes provisoires sont possibles entre capitalistes et entre puissances. En ce sens, les États-Unis d’Europe sont également possibles, comme une entente de capitalistes européens ... dans quel but ? Dans le seul but d’étouffer en commun le socialisme en Europe, de protéger en commun les colonies accaparées contre le Japon et l’Amérique, extrêmement lésés dans l’actuel partage des colonies, et qui se sont renforcés au cours de ces cinquante dernières années infiniment plus vite que l’Europe monarchique et arriérée, laquelle déjà pourrit de vieillesse. Comparée aux États-Unis d’Amérique, l’Europe dans son ensemble signifie stagnation économique. Sur la base économique d’aujourd’hui, c’est-à-dire en régime capitaliste, les États-Unis d’Europe signifieraient l’organisation de la réaction en vue de contenir le développement plus rapide de l’Amérique. Les temps sont révolus où l’œuvre de la démocratie et celle du socialisme étaient liés uniquement à l’Europe. » [2]

Il suffit de jeter un regard superficiel sur l’UE pour comprendre qu’elle n’est en aucun cas un dépassement de l’Etat nation. En effet, elle reste au stade d’une union lâche d’Etats indépendants, au sein de laquelle les principaux outils des politiques bourgeoises (justice, armée, police, bureaucratie d’Etat et budget) sont toujours dans les mains des Etats nationaux. Il ne s’agit même pas d’une union ayant une économie cohérente puisque les niveaux de productivité, de concurrence et d’impact de la crise restent inégaux. Et, bien entendu, il n’existe toujours pas de classe capitaliste européenne au-dessus des Etats-nations.

En réalité, l’UE est une instance de coordination des classes capitalistes nationales dans leurs actions contre la classe ouvrière, contre leurs concurrents internationaux et contre les peuples d’autres pays. Des actions communes qui alimentent et sont alimentées par un processus parallèle de subversion de la démocratie parlementaire bourgeoise la plus élémentaire au niveau des Etats nationaux, étant donné que les décisions importantes concernant chaque Etat bourgeois sont prises dans les réunions du Conseil de l’UE, tandis que dans le même temps les institutions de l’UE sont utilisées comme un obstacle aux revendications des travailleurs. Dans ce sens, la construction de l’UE et de la zone euro est une stratégie nationale pour les capitalistes, et non pas une stratégie supranationale qui entre en conflit avec leurs solutions au niveau national.

L’UE n’est donc pas une construction « objectivement progressiste », elle est réactionnaire et doit être renversée, c’est à dire dissoute. En raison du fait que la lutte des classes s’effectue principalement au niveau national - pour les raisons que nous avons déjà décrites - et d’une manière inégale entre les différents mouvements des différents pays, la dissolution de l’Union européenne ne peut pas être un processus se déroulant de manière simultané dans toute l’Europe. Il passera d’abord au niveau national par la sortie de l’UE des pays où la lutte de la classe ouvrière mettra en déroute les politiques de la classe dominante, sapant ainsi les fondements de la fonction de l’État national bourgeois et provoquant une crise dans les institutions de l’UE.

B) Il existe une autre objection selon laquelle la revendication d’une sortie de l’UE n’est pas une revendication transitoire car elle peut être également adoptée par des forces politiques bourgeoises.

Théoriquement, cette position exprime la conception erronée selon laquelle les revendications transitoires ne peuvent jamais, par définition, être adoptées par un gouvernement bourgeois. Ce n’est pas exact. Un programme de transition inclus d’une manière unifiée et combinée plusieurs types de revendications. Il s’agit de revendications qui visent à un transfert effectif des richesses de la classe capitaliste aux travailleurs, des exigences qui pourraient être intégrées dans le système capitaliste « en général », mais qui dans le contexte actuel entrent directement en conflit avec les choix stratégiques de la classe dominante et provoquent un affaiblissement et une déstabilisation importante du système. Il s’agit de revendications qui contestent directement la propriété et la gestion capitalistes de l’économie dans son ensemble et qui sapent les fondements de l’Etat bourgeois. La mise en avant de ces exigences par le mouvement ouvrier implique le développement d’une dynamique anticapitaliste qui conduit les deux principales classes de la société à entrer dans un conflit qui pose la question du pouvoir.

Il existe donc des revendications qui, d’une manière générale, peuvent être intégrées dans le capitalisme, mais qui dans le contexte actuel vont à l’encontre des choix essentiels de la classe bourgeoise. La sortie de l’UE est une revendication transitoire cruciale dans la période actuelle, mais bien entendu sous la seule condition qu’elle soit intégrée dans un programme anticapitaliste plus large - c’est pourquoi nous parlons d’un « désengagement anticapitaliste de l’UE ».

Le fait que cette revendication est également avancée par des forces nationalistes ou d’une manière réformiste n’implique pas automatiquement qu’elle ne devrait pas être avancée par les internationalistes. Dans le même sens, l’exigence d’une sortie de l’OTAN a, pour les internationalistes, une dimension profondément anti-impérialiste et internationaliste, tandis que pour le Parti communiste grec et pour Synaspismos/SYRIZA, il s’agit principalement d’une demande en faveur d’une défense nationale plus efficace de la Grèce contre la Turquie. En outre, la sortie de l’OTAN pourrait également être une option pour la classe dirigeante grecque. Rappelons que K. Karamanlis voulait que le capitalisme grec sorte de l’aile militaire de l’OTAN en 1974, huit ans après que de Gaulle l’ait décidé pour la France. Aujourd’hui, dans ce dernier pays, Le Pen soutient également la sortie de l’UE et de l’OTAN. Ce genre de positionnement n’a pourtant pas empêché la gauche radicale et révolutionnaire française de mener campagne pour le « Non » à la Constitution européenne - alors que l’extrême droite se prononçait également en ce sens - ou d’exiger de quitter l’OTAN.

C) Dans la même logique, il y a également objection selon laquelle exiger la sortie de l’UE et de l’euro est une sorte de subordination de la stratégie révolutionnaire à la théorie réformiste « d’étapes » intermédiaires bourgeoises sur la voie au socialisme.

Comme nous l’avons déjà souligné ci-dessus, un programme de transition peut inclure des revendications qui peuvent être intégrées dans le capitalisme, c’est à dire qu’il peut inclure des éléments qui pourraient être présentes dans un programme réformiste de gauche « étapise ».

La différence est que le programme de transition lutte pour ces demandes en les articulant avec d’autres qui portent directement atteinte aux principes fondamentaux de la propriété et de l’Etat capitalistes et qui s’accompagnent – surtout - du mot d’ordre de contrôle des travailleurs.

Aucune revendication - même l’arrêt unilatéral du remboursement de la dette et l’annulation de cette dernière, avec laquelle l’OKDE est bien entendu d’accord – n’est pas, en soi et à elle seule en faveur des intérêts du peuple et de la classe ouvrière si elle n’est pas accompagnée par l’exigence du contrôle des travailleurs, si on ne sait pas qui va contrôler (pour nous : le prolétariat) ces mesures et qui va en subir les conséquences (les capitalistes).

C’est exactement avec cette même logique nous abordons la sortie de l’UE. Nous ne pouvons la concevoir que comme le résultat d’un mouvement qui lutte et qui impose un programme anticapitaliste contre « sa » classe dominante. En conséquence, nous le concevons comme une « rupture anticapitaliste », comme le résultat d’une lutte anticapitaliste plus générale et non comme une « étape nécessaire » qui devrait être atteinte avant que le mouvement ouvrier puisse lutter dans de meilleures conditions ou dans le cadre d’une situation « objectivement meilleure » pour la classe ouvrière.

C’est précisément parce que la sortie de l’UE doit être la conséquence d’une lutte anticapitaliste que nous ne saurions, par exemple, jamais apporter notre soutien à un gouvernement simplement parce qu’il conduirait la Grèce à sortir de l’UE tout en appliquant des politiques néolibérales afin de faire payer le coût d’un tel choix à la classe ouvrière.

Par contre, pour la gauche patriotique, pour qui la sortie de l’UE est conçue comme une étape stratégique, son soutient à un tel gouvernement constituerait un fâcheux dilemme. Un bon exemple de cela est le soutien que cette gauche patriotique apporte au gouvernement du Sud de la Chypre de Tassos Papadopoulos parce qu’il s’est opposé au Plan Anan dans le référendum qui a été organisé en 2004. Entraînée par la théorie selon laquelle le capitalisme grec serait entièrement subordonné aux pays impérialistes et aurait perdu sa souveraineté nationale, la gauche patriotique voit l’adhésion de la Grèce à l’UE comme une sorte de mise sous tutelle de la classe capitaliste grecque et non comme un outil décisif au mains de ces capitalistes grecs pour renforcer leur politique offensive dans la région. La gauche patriotique considère la sortie de l’UE comme une condition préalable pour un développement des luttes du mouvement ouvrier et non comme le résultat de ces luttes. Ainsi, à partir de ce point de vue, la sortie de l’UE représente une solution réformiste qui doit créer de meilleures conditions pour mener des politiques plus favorables à la classe ouvrière.

En réalité, les choses sont différentes. Nous ne pouvons pas avancer dans notre lutte pour la socialisation des banques, sans compensation et sous contrôle des travailleurs, tout en restant dans l’Union européenne. Il n’est pas possible d’avancer dans le contrôle des travailleurs sur le système monétaire et de crédit si au même moment la politique de taux de change et des taux d’intérêts sont définis par la Banque centrale européenne. Il ne peut pas y avoir de contrôle des travailleurs sur la monnaie en restant dans la zone euro. Il n’y a aucune chance de voir un gouvernement de partis ouvriers qui applique un programme anticapitaliste, ni un gouvernement révolutionnaire des comités des travailleurs, tout en restant dans les carcans des programmes de stabilité, des traités de Maastricht et de Lisbonne. Il est évident qu’une rupture avec ces traités fondamentaux de l’UE signifie nécessairement une sortie de cette Union.

De tout ce qui précède, il est clair qu’un programme d’expropriations contre la classe capitaliste et un programme de contrôle des travailleurs ne sont pas possibles dans le cadre de l’UE et de la zone euro. Toute avancée en direction d’un tel programme permettra de créer les conditions pour la sortie de ces institutions. C’est pour cette raison qu’un programme anticapitaliste contemporain doit inclure d’une manière claire la sortie de la zone euro en tant que revendication étroitement liée à celle du contrôle des travailleurs sur l’économie.

D) Certains secteurs argumentent qu’il serait préférable que ce soit l’UE elle-même qui fasse le choix d’expulser un pays plutôt que de mettre en avant un tel mot d’ordre.

Mais pourquoi un gouvernement de partis ouvriers qui met en œuvre un programme anticapitaliste ou un gouvernement révolutionnaire des comités de travailleurs tolérerait l’humiliation d’être exclu par des impérialistes ?

On ne peut le concevoir que dans le seul cas où ce choix d’une sortie de l’UE de sa propre initiative impliquerait que ce gouvernement se place en confrontation avec le mouvement ouvrier du reste de l’Europe. Mais ce ne sera sans doute jamais le cas car l’UE est dans un processus de délégitimation rapide aux yeux des travailleurs européens. Le soutient envers l’euro et l’UE est en baisse constante tandis que les luttes contre les mesures dictées par les traités européens augmentent sans cesse.

Dans ces conditions, si un gouvernement ouvrier ne prend pas l’initiative de sortir de l’UE et se laisse expulser par les capitalistes, cela revient à légitimer l’UE en tant qu’institution (et dans les fait, c’est comme si ce gouvernent demandait à l’UE de le maintenir dans l’Union alors que les capitalistes veulent l’expulser), ce qui constituerait un coup irréparable contre le mouvement ouvrier européen.

Notre objectif : La dissolution de l’Union européenne

L’objectif du mouvement ouvrier européen et grec devrait être la dissolution de l’Union européenne. Les crises structurelles profondes que traverse le capitalisme illustrent l’incapacité de ce dernier à unifier harmonieusement les peuples d’Europe et brisent les illusions réformistes selon lesquelles les capitalismes européens pourraient sereinement surmonter leur concurrence et unifier le continent européen. Tout cela confirme les thèses marxistes révolutionnaires selon lesquelles l’unification de l’Europe ne peut être obtenue qu’au travers d’une révolution socialiste qui brise l’UE et démantèle les Etats bourgeois.

Le mot d’ordre stratégique pour l’Europe doit être « NON à l’Europe du capital, de la guerre, du racisme et de la répression - OUI à l’Europe des travailleurs et des mouvements sociaux » ; c’est le mot d’ordre des « États-Unis socialistes d’Europe ».

La concrétisation de ces mots d’ordre ne peut pas passer par la réforme de l’UE, mais seulement par sa dissolution et par la construction d’une nouvelle union, basée sur des institutions de démocratie directe qui pourraient surgir dans la lutte contre les programmes néo-libéraux promus par l’UE et la zone euro.

Nous affirmons résolument la nécessité stratégique de développer des liens étroits et organiques entre les travailleurs et les mouvements sociaux en Europe, car aucune victoire contre le néolibéralisme ne peut être durable - même dans les pays en dehors de l’UE - sans l’extension de cette victoire dans le reste de l’Europe. Nous savons qu’une telle extension victorieuse ne peut être viable sans l’extension d’une révolution dans tout le continent.

Mais, en tous les cas, nous devons préciser les mesures qui conduiraient à une telle dissolution de l’Union européenne. Puisque l’arme principale des capitalistes pour la mise en œuvre de leurs attaques contre la classe ouvrière demeure l’Etat national et que la lutte des classes se développe principalement au niveau national, un programme anticapitaliste doit préciser à ce niveau là la revendication qui mènera à cette dissolution de l’UE. Et, puisque l’UE n’est pas un Etat unique supranational, mais une union d’États, la manière dont elle pourra être dissoute ne peut être que par le biais de la sortie de ses membres.

Les revendications en faveur de la désobéissance et de la rupture avec l’UE, du désengagement anticapitaliste et l’appel simultané aux mouvements sociaux européens pour une action commune visant à la dissolution de l’Union européenne sont autant d’applications concrètes au contexte politique actuel de la Grèce.

Il est temps que la gauche grecque évalue à sa justesse la place de cette question politique. Non comme une « étape » afin que le peuple grec se débarrasse de sa « dépendance », ni comme une voie garantissant le développement de la production capitaliste et offrant ainsi de meilleures conditions aux mouvement ouvrier, mais comme la conséquence logique de la lutte anticapitaliste pour la transformation et pour le contrôle des travailleurs sur l’économie et la société.

Pantelis Afthinos, Kostas Kousiantas, Zeta Melampianaki

[1] Voir (version anglaise de ce docment) sur ESSF (article 23979), The European Union – Document adopted at the 14th World Congress of the FI.

[2] Lénine « A propos du mot d’ordre pour les Etats-Unis d’Europe ».
http://www.marxists.org/francais/le...

* Traduction : Ataulfo Riera et Sylvia Nerina.

Pantelis Afthinos, Kostas Kousiantas et Zeta Melampianaki sont membres de l’OKDE-Spartakos, section grecque de la Quatrième Intenationale.