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La haine anti-fonctionnaire

par ACRIMED

Publie le lundi 5 mai 2014 par ACRIMED - Open-Publishing
4 commentaires

française ?

par Mathias Reymond, le 17 mars 2014

Naviguer sur le site du Point est souvent l’occasion de découvertes cocasses. Le 20 février 2014, un article de Jean Nouailhac était mis en ligne avec un titre (légèrement) provocateur : « Combien coûte vraiment un poste de fonctionnaire ? ». L’article accumule amalgames, idées reçues, désinformations et conclusions erronées… Cela valait bien un petit démontage de texte.

D’emblée, lepoint.fr annonce une « enquête » dont le résultat est « effrayant ». Lisons donc « l’enquête ».

« Partons déjà d’une information méconnue fournie par Xavier Bertrand, qui fut pendant de nombreuses années ministre du Travail et des Affaires sociales dans les gouvernements Villepin et Fillon. Il connaissait parfaitement le problème quand il développait récemment l’idée qu’il faudrait cesser d’embaucher des fonctionnaires d’État pour des fonctions non régaliennes et quand il déclarait : "Un fonctionnaire, c’est 42 ans de carrière, 21 ans de retraite et 10 ans de réversion." (Source : Challenges du 19/12/2013.) »

En effet, Xavier Bertrand a bien déclaré que « Un fonctionnaire, c’est 42 ans de carrière, 21 ans de retraite et 10 ans de réversion. » Toutefois, il ne l’a pas dit en tant que ministre du Travail, mais comme candidat à la primaire UMP pour l’élection présidentielle de 2017. L’auteur de l’article présente cette déclaration comme une « information méconnue » alors que c’est plutôt un avis… Mais attardons-nous plutôt sur la démonstration.

« Un fonctionnaire moyen émarge donc au budget de l’État, directement ou indirectement, pendant 73 ans, ce qui est énorme, dont 31 ans de non-activité. On sait que les fonctionnaires, par rapport au privé, travaillent moins et moins longtemps, sont mieux payés, bénéficient de nombreux privilèges particuliers pendant leur carrière et partent à la retraite plus tôt. Ce que l’on sait moins, c’est que, contrairement au privé, leurs pensions de retraite sont indexées sur les augmentations de salaire des actifs et au minimum sur l’inflation ; et que, pour eux, la réversion au conjoint survivant est automatique, alors que, dans le privé, elle est soumise aux conditions de ressources du survivant. »

Bigre ! « On sait » que les fonctionnaires travaillent moins. « On sait » qu’ils sont mieux payés. « On sait » qu’ils bénéficient de nombreux privilèges. « On sait » aussi que les femmes conduisent moins bien que les hommes, et « on sait » que les voitures allemandes sont bien meilleures que les voitures françaises…

D’abord, si « on sait » que les fonctionnaires travaillent moins longtemps, ils ne peuvent donc pas travailler 42 ans comme indiqué plus haut. Ensuite si les années de retraites sont des années de « non-activités », elles le sont autant dans le public que dans le privé, les fonctionnaires – comme les travailleurs du privé – ont cotisé tout au long de leur vie pour toucher ces pensions !

Concernant la rémunération : en moyenne, les fonctionnaires ont un salaire plus élevé que dans le privé. Cela s’explique par la différence de besoin des emplois : il y a plus de cadres dans le public. De plus, les fonctionnaires sont plus âgés que les travailleurs du privé, ce qui justifie des rémunérations plus hautes. Enfin, l’existence d’un chômage élevé en France (de l’ordre de 10 %) permet aux entreprises d’exercer une pression à la baisse des salaires, ce qui est impossible dans le public [1], aussi la comparaison aurait été plus pertinente en confrontant des professions identiques (privée/publique).

Ainsi, l’auteur semble s’attacher aux fonctionnaires « qui émargent au budget de l’État ». Si l’on met de côté les fonctionnaires territoriaux et ceux de la fonction publique hospitalière, on remarque qu’un cadre de la fonction publique d’État touche en moyenne 3042 euros nets par mois contre 3988 dans le privé – soit un écart de 30 % en faveur du privé, tout de même... Ensuite, l’écart entre les ouvriers et employés du public et du privé n’est pas gigantesque avec respectivement 1609 et 1596 euros nets. Idem pour les professions intermédiaires : 2240 euros nets contre 2182 euros nets. Pas de quoi écrire que les fonctionnaires sont beaucoup mieux lotis que les salariés du privé.

« Ce fonctionnaire moyen, au final, combien va-t-il donc coûter au budget de l’État, en argent d’aujourd’hui ? (…) On peut arrondir le coût annuel net moyen pour l’État patron, sans trop se tromper, à 48 000 euros par tête. Multiplions par les fameuses 73 années : nous obtenons 3,5 millions d’euros, ce qui est précisément le chiffre d’Agnès Verdier-Molinié dans son livre Les Fonctionnaires contre l’État (Albin Michel, 2011). Celle qui dirige l’institut de recherche iFRAP et qui est sans doute la meilleure observatrice de la fonction publique française y écrit en effet : "Là où un grand nombre de nos voisins en Europe réduisent leurs effectifs, suppriment leurs statuts à vie ou les réservent aux agents ayant réellement des missions régaliennes, la France continue à embaucher à... 3,5 millions d’euros le poste de fonctionnaire pour une vie !" »

Le biais dans cette démonstration fumeuse est de ne parler que du « coût ». Entendrait-on Le Point et Agnès Verdier-Molinié couiner contre le coût de la découverte du vaccin contre le SIDA sans parler des bénéfices marchands et non marchands d’une telle avancée ? Leur viendrait-il à l’idée de geindre contre le coût des phares maritimes ou des feux de signalisation routière sans parler de leur utilité pour éviter des accidents ? Dans l’emploi d’un fonctionnaire, il y a certes les coûts engendrés mais on retrouve aussi des avantages collectifs produits… et parfois ces avantages sont même marchands. Le cas des inspecteurs des impôts et du trésor est intéressant : plus il y aura d’inspecteurs pour contrôler (et récolter) les impôts, plus les rentrées fiscales seront élevées. CQFD.

Par ailleurs, l’auteur présente Agnès Verdier-Molinié comme « la meilleure observatrice de la fonction publique ». À quel titre ? Certainement parce que cette dernière a écrit plusieurs ouvrages anti-fonctionnaires et qu’elle éructe régulièrement dans les médias sa haine de l’État obèse.

En conclusion, Jean Nouailhac sort de ses gonds :

« (…) En langage "normal", comment appelle-t-on cela ? De l’inconscience ? De la mégalomanie ? De l’irresponsabilité ? De l’incompétence ? Quand on sait qu’au cours des 30 dernières années, le nombre de fonctionnaires est passé de 3,86 à 5,3 millions (chiffre au 31 décembre 2007), ne serait-ce pas plutôt un hold-up contre la France, un vol à main armée contre les Français, un véritable crime contre l’économie ? Combien de temps va-t-on laisser encore impunis ces crimes contre l’économie ? »

Le chiffre de 5,3 millions de fonctionnaires peut paraître colossal, mais il ne l’est pas quand on le lie au nombre d’habitants sur le territoire. Avec cette lecture plus fine, la France a 8 fonctionnaires pour 100 habitants : elle se situe au même niveau que la Belgique, à la neuvième place européenne.

Enfin, ce « vol à main armée contre les Français » dont parle Jean Nouailhac avec tant de verve, Le Point y contribue grandement aussi chaque semaine. En effet, chaque semaine, via les aides publiques (indirectes) à la presse, les Français soutiennent financièrement les journalistes du Point pour que ceux-ci insultent ceux qui les nourrissent. Chaque semaine, chaque Français aide Le Point à financer des espaces publicitaires pour des châteaux vendus plusieurs millions d’euros, pour des montres bradées quelques dizaines de milliers d’euros, ou pour des livres (ratés) de Franz-Olivier Giesbert.

Est-il « normal » que les Français, via leurs impôts, financent un tel magazine ? Que Le Point assume réellement ses choix (libéraux) et refuse d’approfondir la dette de l’État en rejetant toutes les aides à la presse qu’il perçoit !

Autrement dit, pour que cesse la gabegie de l’État, il est temps que Le Point rende enfin les 4,8 millions d’euros par an qu’il coûte à la nation française.

Mathias Reymond

Nota Bene : Merci au correspondant qui nous a signalé cet article du Point.

Notes

[1] Du moins en principe. Les fonctionnaires grecs ou espagnols, passés à la moulinette de la Commission européenne ou de leur propre gouvernement, prenant prétexte de la (prétendue) crise des dettes publiques, ont ainsi vu leurs traitements revus à la baisse ces dernières années. Qui sait si un jour, un gouvernement « courageux » n’engagera pas ce type de mesure en France…

Messages

  • Ce genre de "papier" évite de distinguer les très hauts fonctionnaires qui eux perçoivent des traitements très élevés des autres fonctionnaires y compris d’ailleurs des A+, qui effectivement font monter le revenu moyen.

    Les profs agrégés fin de carrière à 4000 euros net et les cadres à ce niveau n’ont pas se plaindre de leur traitement - c’est certain - mais ce ne sont pas eux qui sont les prédateurs ! Il faut cibler ceux qui sont payés 5 à 6 fois plus pour mener des politiques néolibérales dans la FPE !

    Ce qui importe ce n’est pas de mettre le "privé" contre le "public" mais de relever les bas et moyens salaires du privé comme du public !

    • Bonsoir,
      La haine, dîtes-vous, non, simplement un constat de voir ces incapables en recherche de justificatifs de leur utilité et à la poursuite d’une ambition qu’ils n’atteindront jamais.
      Autrement dit, je prétends que la fonction publique n’est qu’une association de malfaiteurs au travers de l’horizon socio-pro-culturo-intellectuel.
      Je lève mon majeur en signe de compassion.

    • Votre propos est totalement exempt de raisonnement, de preuve quelconque, et de la moindre parcelle de réflexion. L’ensemble des personnes et services que vous visez étant totalement inutiles, cela devrait vous amener : à cesser d’emprunter la moindre voie publique et à n’emprunter aucun transport public, à retirer immédiatement vos enfants de tout établissement scolaire public, à résilier dans l’heure vos abonnements d’eau potable et à récolter et épurer vous-même vos eaux usées, à tenir votre propre registre d’état civil ainsi qu’à archiver l’historique complet des transactions immobilières ayant concerné votre terrain depuis Napoléon, refuser toute aide pour vos parents âgés dépendants ou handicapés, ainsi que toute indemnité de chômage si cela vous arrive, payez également intégralement vos soins si jamais vous tombez malade, et surtout si jamais vous avez un accident ou un infarctus, refusez systématiquement le moindre appel des secours, éclairez vous-même votre chemin à la lampe de poche en ville la nuit, tracez et défrichez vous-même vos chemins de randonnée le week-end, si jamais on vos escroque ou vous agresse, défendez-vous vous-même et faites ensuite justice, enfin lorsque vous ou un de vos proche mourra, creusez vous-même la tombe. Alors seulement, vous pourrez d’un revers de main balayer la simple existence de personnes qui gagnent leur vie en travaillant normalement, se payent en partie eux-même par leurs impôts (!), dépensent leur argent auprès des 90% de la population travaillant dans le privé, et qui en plus sont insultés par cette même majorité.
      Et c’est bien connu : la totalité et même l’écrasante majorité des escrocs, malfaiteurs et criminels de tout poil est composée de fonctionnaires.
      Mais réfléchissez 2 secondes que diable !

  • pourquoi financer le "point" via leur impôt ?
    pas compris...
    le coût des espaces de pub sont totalement privés
    et ne peuvent pas être déduits ou défiscalisés !
    merci !