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La langue "macho"

Publie le mercredi 21 mai 2003 par Open-Publishing

La langue "macho"
(diffusion autorisée et encouragée)

Les groupes engagés se heurtent très souvent à des problèmes internes de
domination interpersonnelle. Si nous voulons travailler efficacement à un
changement social, il nous faut nous pencher sur notre propre comportement.
Plus souvent qu’autrement, ce sont les hommes qui, même minoritaires,
dominent les activités des groupes mixtes.

On peut presque parler d’un "schéma masculin de comportement" ; non parce qu’il n’arrive jamais qu’une
femme s’exprime de cette façon, mais parce que ce sont généralement les
hommes qui ont le privilège d’agir de la sorte impunément.

Et ces comportements ont pour effet d’entretenir ce privilège, en aliénant celles
et ceux qui recherchent des échanges plus naturels, égalitaires et
efficaces. Certains hommes ont déjà commencé à identifier leurs schémas de
pouvoir et à assumer la responsabilité de s’en défaire. Voici une liste des
comportements qu’ils cherchent à changer en eux et autour d’eux : les
caractéristiques de la "langue macho"... Commençons par arriver à
l’entendre, autour de nous et dans nos propres interventions.

JOUER AU "SOLUTIONNEUR" DES PROBLEMES
Être toujours celui qui donne la réponse ou la "solution" avant que les
autres n’aient eu quelque opportunité de contribuer à l’échange.

MONOPOLISER LE CRACHOIR
Parler trop souvent, trop longtemps et trop fort.

PARLER EN "MAJUSCULES"
Présenter ses opinions et ses solutions comme le point final sur tout sujet,
attitude renforcée par le ton de la voix et l’attitude physique.

ATTITUDE DEFENSIVE
Répondre à toute opinion contraire à la nôtre comme s’il s’agissait d’une
attaque personnelle.

COUPER LES CHEVEUX EN QUATRE
Soulever chaque imperfection des interventions des autres et une exception à
chaque généralité énoncée.

DIRIGER LA SCENE
Prendre continuellement la responsabilité des tâches-clé avant que les
autres n’aient la chance de se porter volontaires.
*
REFORMULER
Reprendre en ses propres mots ce que quelqu’un vient de dire de façon
parfaitement claire. Particulièrement utilisé contre les femmes. Noter aussi
le fait d’embarquer sur la fin de l’intervention qu’on récupère (phénomène
du "recouvrement", le fait des gars dans 95 % des interactions verbales).

CHERCHER LES FEUX DE LA RAMPE
Se servir de toutes sortes de stratagèmes, de mises en scène, pour attirer
un maximum d’attention sur soi, ses idées, etc.

RABAISSER LES AUTRES
Commencer ses phrases avec des effets du genre : "Auparavant je croyais cela,
mais maintenant..." ou "Comment peux-tu en venir à dire que..."
*
PARLER POUR LES AUTRES
Faire de ses opinions la voix d’une collectivité pour leur donner plus de
poids : "Beaucoup d’entre nous pensons que...". Interpréter à ses fins ce que
disent les autres : "Ce qu’elle veut dire, en fait, c’est que...".

FAIRE DU "FORCING"
Imposer comme seuls valables la tâche et le contenu, en éloignant le groupe
de l’éducation de chacun-e, ainsi que d’une attention au processus de
travail collectif et à la forme des productions.

DEPLACER LA QUESTION
Ramener le sujet de la discussion à quelque thème que l’on maîtrise, de
façon à briller en donnant libre cours à ses dadas.

NEGATIVISME
Trouver quelque chose d’incorrect ou de problématique à tout sujet ou projet
abordé.

N’ECOUTER QUE SOI
Formuler mentalement une réponse dès les premières phrases de la personne
qui parle, ne plus écouter à partir de ce moment et prendre la parole à la
première occasion.

INTRANSIGEANCE ET DOGMATISME
Affirmer une position finale, sur un ton indiscutable, même à propos de
sujets mineurs.

JOUER A LA HIERARCHIE
S’accrocher à des positions de pouvoir formelles et leur donner plus
d’importance qu’il ne faut.

ÉVITER TOUTE EMOTION
Intellectualiser, blaguer ou opposer une résistance passive lorsque vient le
temps d’échanger des sentiments personnels.

CONDESCENDANCE ET PATERNALISME
Surtout dirigé contre les femmes et les nouveaux arrivants. Phrase typique :
"maintenant, est-ce qu’une des femmes a quelque chose à ajouter ?"

DRAGUER
Traiter les femmes avec séduction, se servir de la sexualité pour les
manipuler. "Humour" ambigu, pro-féminisme de façade.

JOUER AU COQ
Aller chercher l’attention et le soutien des femmes en entrant en
compétition avec les hommes face à elles.

ESTUDIANTITE AIGUË
Concentrer jalousement les informations-clé du groupe entre ses mains pour
son propre usage et profit.

Ces comportements-là affaiblissent grandement la pleine richesse des
connaissances et des aptitudes que pourrait se donner le groupe. Les femmes
et les hommes qui ont moins d’assurance que les autres, surtout face à un
climat de compétition, se voient en effet exclues et exclus de l’échange
d’expériences et d’idées. Si l’on ne met pas fin au sexisme à l’intérieur
même des groupes qui visent un changement social, il ne pourra y avoir de
mouvement pour un véritable changement.

Non seulement le mouvement
s’enlisera-t-il dans des divisions, mais on n’arrivera même pas à envisager
clairement une libération des rapports d’oppression imposés aux femmes. Tout
changement de société demeure incomplet s’il n’inclut pas une émancipation
des femmes et des hommes des structures qui reproduisent ces rapports
d’oppression. Voici quelques façons concrètes de prendre enfin nos
responsabilités pour sortir de la "langue macho".

N’INTERROMPRE PERSONNE
On a remarqué qu’en groupe mixte, près de 100 % des interruptions étaient le
fait des gars. Un bon exercice à tenter : se donner une pause de quelques
secondes entre chaque intervenant-e.

OFFRIR UNE BONNE ECOUTE
Il est aussi important de bien écouter que de bien parler, autrement autant
parler tout seul chez soi... Essaie de ne pas "te retirer" quand tu ne
parles pas ; écouter attentivement est aussi une forme de participation.

RECEVOIR ET DONNER DU SOUTIEN
On peut s’entraider à acquérir plus de conscience de nos patterns de
contrôle des autres dans le but d’y mettre fin et donner un coup de main à
ceux qui en ont besoin. C’est là un boulot que les hommes doivent assumer
l’un pour l’autre, au lieu de remettre cette responsabilité aux femmes.
Cette prise en charge donnera aussi plus de place aux femmes pour sortir de
leur propre rôle qui les force à prendre soin des besoins des hommes en
ignorant les leurs.

CESSER DE PARLER EN REPONSES/SOLUTIONS
On peut communiquer ses opinions et ses idées de façon convaincue mais non
compétitive face à celles des autres. Ne pas parler de tous les sujets.
Avons-nous vraiment besoin d’exprimer chacune des idées qui nous viennent,
surtout en grand groupe ?

NE RABAISSER PERSONNE
Apprendre à se surveiller pour s’arrêter au moment où on s’apprête à
attaquer quelqu’un-e. Se demander, par exemple : "qu’est-ce que je ressens
exactement ? Pourquoi est-ce que je ferais cela ? De quoi ai-je vraiment
besoin ? Qu’est-ce qui profitera le mieux au groupe ?" Relaxer le groupe peut
très bien se passer de nos petites attaques d’anxiété et il s’en portera
d’autant mieux.

ORIENTER ET CONSEILLER
C’est important de parler aux autres garçons de tout ceci, de prendre le
temps de leur expliquer. On peut les orienter vers des réflexions plus
approfondies sur le sujet, faire naître des doutes pour piquer leur
curiosité, partir de leur propre perception de ce qui ne va pas pour les
aider à renoncer à leurs comportements dominants.

Une première version de ce texte s’intitulait en anglais : « Overcoming male
oppression », publiée en 1982 par l’Internationale des résistants à la
guerre. Sa version québécoise est l’oeuvre de Philippe Duhamel et de Martin
Dufresne, du Collectif masculin contre le sexisme. N’hésitez pas à donner
une large diffusion à ces suggestions, en y ajoutant les vôtres.