Accueil > La question du voile : une hystérie politique

La question du voile : une hystérie politique

Publie le samedi 31 janvier 2004 par Open-Publishing
2 commentaires

L’hystérie
politique

Dans plusieurs essais écrits au milieu du siècle dernier1,
l’historien hongrois Istvan Bibo s’est efforcé d’expliquer l’aveuglement et
l’irresponsabilité qui ont, selon lui, marqué la politique menée par les Etats
d’Europe centrale - Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie - entre les deux guerres,
et qui ont conduit ces Etats à la catastrophe. Pour rendre compte de leurs
errements, Bibo propose une catégorie originale, celle de l’hystérie politique,
dont le champ d’application me paraît déborder largement les limites du domaine
qu’il étudie.

Qu’est-ce que l’hystérie politique ? Soit une
communauté confrontée à une situation ou à un problème difficiles, qui mettent
profondément en cause, sinon son existence, au moins sa manière d’être et la
représentation qu’elle se donne d’elle-même. Si elle ne trouve pas en son propre
sein l’énergie et les moyens nécessaires pour transformer cette situation ou
résoudre ce problème, si en conséquence elle se sent à la fois menacée et
impuissante, elle peut être tentée par une sorte de conduite de fuite ; de
la situation réelle qui la met à l’épreuve, elle va se fabriquer une image
déformée et fantasmatique ; au problème réel dont elle ne vient pas à bout,
elle va substituer un problème fictif, imaginaire, construit de telle sorte
qu’il puisse être traité avec les seules ressources du discours et par le seul
maniement des symboles. Comme il est toujours possible de parler et de jouer sur
les symboles, la communauté peut ainsi se donner à bon compte le sentiment
qu’elle a vaincu la difficulté, et recommencer à vivre comme avant.

De
tels comportements sont observés dans des régions très variées de la vie
sociale. De nombreux anthropologues ont expliqué de cette façon les croyances et
pratiques magiques. Les sociétés dites « primitives » se sont senties
désarmées face à une nature qu’elles ne comprenaient pas et qu’elles ne
maîtrisaient pas ; elles l’ont alors peuplée de puissances invisibles -
divinités, génies, esprits - qu’elles ont investies du pouvoir de contrôler les
forces naturelles ; du coup, elles se sont donné le moyen, non seulement de
comprendre les événements, mais aussi d’agir sur eux, en se conciliant la faveur
de ces puissances ou en évitant de les irriter, à coup d’incantations et
d’offrandes.

Quant au terme d’hystérie, Bibo l’emprunte à la psychiatrie,
et notamment à Freud. On sait comment celui-ci décrit la phobie, qu’il regarde
comme le symptôme majeur de l’hystérie d’angoisse :

" Ce dont
on a peur, c’est manifestement de sa propre libido. La différence avec la
situation de l’angoisse réelle réside en deux points : à savoir que le
danger est interne au lieu d’être externe, et qu’il n’est pas reconnu
consciemment. Dans les phobies, on peut très nettement reconnaître comment ce
danger interne est transposé en un danger externe, comment, donc, une angoisse
névrotique est métamorphosée en une angoisse apparemment réelle. Admettons […]
que l’agoraphobe ait régulièrement peur des pulsions de tentation qui sont
éveillées en lui par les rencontres qu’il fait dans la rue. Dans sa phobie, il
entreprend un déplacement, et il est maintenant angoissé devant une situation
extérieure. Le bénéfice qu’il en retire est manifestement qu’il estime pouvoir
ainsi mieux se protéger. Face à un danger extérieur, on peut se sauver par la
fuite ; la tentative de fuite devant un danger intérieur est une entreprise
ardue. "2.

Bien que Bibo ne cite pas Freud, c’est à n’en pas douter
cette description qui inspire ses analyses et sa terminologie.

Bien
entendu, dans tous les cas évoqués, l’effet de la conduite hystérique n’est pas
de dissiper le danger qui presse ou de résoudre le problème posé ; bien au
contraire, elle représente vis-à-vis d’eux une sorte d’aveu d’impuissance. Mais
elle permet au sujet individuel ou collectif de gagner du temps, de déguiser le
danger ou le problème, de les mettre en quelque sorte à distance et ainsi de
vivre avec eux, aussi longtemps du moins qu’ils demeurent chroniques et ne
connaissent pas d’aggravation brutale.

Le recours à la notion d’hystérie
nous expose à plusieurs dérives contre lesquelles Bibo nous met en garde. Tout
d’abord l’hystérie est une maladie, et non pas une manœuvre ; même si,
objectivement, elle constitue une diversion par rapport à la réalité, elle n’est
en aucune manière une opération consciente et délibérée, et plutôt que de
diversion, il conviendrait de parler de divertissement au sens pascalien du
terme. Dans l’hystérie politique, la communauté et ses membres ne sont acteurs
qu’en apparence ; en vérité, ils sont agis. Du coup, leur sincérité,
leur bonne volonté sont entières, et c’est pourquoi il est si difficile de
combattre cette affection et de la guérir.

En second lieu, Bibo est
conscient des questions de méthode que soulève l’utilisation d’une notion
empruntée à la psychologie de l’individu pour rendre compte d’un comportement
collectif. Même si l’hystérie politique offre une tribune et un tremplin de
choix aux personnalités hystériques, elle ne naît pas de l’agglomération des
hystéries individuelles. Elle a une origine, des causes, un développement qui
lui sont propres. Elle atteint sinon l’ensemble, du moins la grande majorité des
membres de la communauté, y compris, parmi eux, de très nombreux individus qui,
sur le plan personnel, demeurent parfaitement sains et équilibrés, même
lorsqu’ils se font les agents actifs de sa propagation. En la circonstance,
entre l’individuel et le collectif, Bibo veut éviter aussi bien l’identification
pure et simple que la dissociation absolue, et sa réponse peut passer pour un
modèle de prudence épistémologique :

" Les concepts
psychologiques que nous avons utilisés jusqu’à présent étaient applicables aussi
bien à l’individu qu’à la communauté. Mais pour éviter de tomber dans une sorte
de mysticisme communautaire, il est important de connaître jusqu’où va ce
parallélisme. Ses limites sont simples à fixer. L’âme, la conscience, la peur,
l’action sont le propre de l’individu. La conscience, la peur, la réaction, le
caractère de la communauté ne sont que la somme des données individuelles, étant
entendu que celles-ci peuvent soit se juxtaposer simplement, soit constituer une
unité supérieure. Les processus communautaires ainsi observés montrent
quelquefois d’étonnantes analogies avec les processus psychologiques
individuels. L’homme qui, effarouché, recule devant la tâche à entreprendre,
mais qui fanfaronne et devient agressif pour détourner l’attention de sa propre
peur, est le modèle de certains comportements communautaires. Mais cela ne
signifie pas que la communauté a une âme comme l’individu et que les deux types
de comportements, celui des communautés et celui des individus, obéissent aux
mêmes règles. Le processus communautaire additionne et structure les réactions
individuelles, ce qui implique un plus grand nombre de combinaisons possibles,
et aussi un rôle plus important de la conscience, de l’intention, des
conventions et objectifs communautaires. "3.

Les problèmes
initiaux : panne de l’intégration, stagnation de la cause des
femmes.

Ces préalables posés et ces précautions prises, il devient
tentant d’analyser le récent débat sur le voile islamique comme un épisode
manifeste d’hystérie politique. A elles seules, l’ampleur de la discussion, la
passion qui l’anime, la quasi-unanimité qui s’en dégage, par-delà les clivages
habituels, pour prôner l’adoption d’une loi, sont autant d’indices qui suggèrent
une interprétation pathologique. Je voudrais ici, de façon très hypothétique, en
esquisser les grandes lignes.

Quel est tout d’abord le problème initial,
celui qui est à l’origine de l’hystérie ? Pour ma part, j’en aperçois deux.
Le premier est ce qu’il est convenu d’appeler la " panne de
l’intégration ", le fait qu’en France aujourd’hui une grande partie des
personnes issues de l’immigration, qu’elles soient françaises ou étrangères,
sont de facto des citoyens de seconde zone, concentrant sur eux
discriminations et exclusions. On connaît les multiples aspects de cette
" panne " : la ségrégation urbaine, la formation de
" poches " irréductibles de chômage et de misère, les écoles-ghettos
et l’échec scolaire, la discrimination à l’embauche et dans l’attribution des
logements, le racisme au travail, et pour finir le cortège de rancœurs et de
violences que ces phénomènes provoquent chez ceux qui en sont victimes, en
particulier les jeunes.

Le second problème tient au ralentissement ou à
la stagnation que connaît aujourd’hui le processus d’égalisation entre les
sexes. Depuis ses succès des années soixante dix en matière de contraception et
d’I.V.G., la cause des femmes n’a plus guère progressé ; l’écart entre les
salaires masculins et féminins reste considérable, les femmes demeurent
largement exclues des échelons les plus élevés de la hiérarchie politique,
administrative et économique ; les violences à leur encontre se
poursuivent ; la publicité sexiste et l’industrie pornographique sont plus
prospères que jamais. Bref, ici encore il y a blocage. Enfin, les deux
problèmes, bien que distincts, se rejoignent au moins en un point, puisque c’est
assurément dans les cités et les quartiers dit " sensibles " que la
condition des femmes est la plus dégradée, et que la contrainte
" machiste " se fait la plus lourde.

Les deux problèmes
présentent deux caractères communs. En face d’eux, tout d’abord, la collectivité
nationale est comme frappée de paralysie. Les initiatives se succèdent, mais
paraissent toutes vouées à l’enlisement et à l’échec. C’est qu’en la matière les
lois cadres, les plans, les projets - bref, l’arsenal classique des parlements,
des gouvernements et des administrations - sont très insuffisants, pour ne pas
dire entièrement inefficaces. Dans les deux cas, en effet, il faut changer en
profondeur les mentalités et les comportements ; il faut heurter de front
un énorme conglomérat de préjugés, d’habitudes et d’intérêts. Pour m’en tenir à
deux exemples, la suppression des quartiers ghettos n’exigerait rien de moins
que le réaménagement de l’espace urbain, la redistribution systématique des
logements sociaux sur l’ensemble des communes, la mise en œuvre d’une politique
résolue de mixité sociale, et, au terme du processus et pour lui donner tout son
effet, l’application stricte de la carte scolaire. De même, l’avènement de
l’égalité des sexes dans le monde du travail remettrait en cause quantité de
routines et d’"avantages acquis". Dans les deux cas, au total, il s’agit d’un
travail que la société doit faire sur elle-même, que chacun d’entre nous doit
faire sur lui-même, et aucun pouvoir, si bien intentionné et puissant soit-il,
ne saurait le faire à notre place.

Or une culture politique vieille de
plusieurs siècles amène les Français à surestimer le rôle de l’Etat et de la loi
dans la conduite des affaires publiques ; ils sont donc désarmés en face de
problèmes dont la solution appelle à l’évidence d’autres modalités de l’action
collective : la pédagogie, la persuasion, l’exemple. Par ailleurs,
précisément parce qu’elles bousculeraient les modes de vie et les usages, les
égoïsmes et les privilèges, les transformations requises seraient nécessairement
impopulaires ; dans une "démocratie d’opinion" comme la nôtre, où les
élections se succèdent tous les deux ou trois ans, et où les sondages se
multiplient dans l’intervalle, on ne voit guère qui, dans l’establishment
politique, intellectuel et médiatique, prendra le risque de les proposer et de
les défendre. A elles seules, ces deux remarques suffisent, me semble-t-il, à
expliquer notre impuissance, et l’immobilisme qui est le nôtre depuis des
décennies sur les deux fronts.

Au surplus, la persistance et l’ampleur
des deux problèmes évoqués mettent à rude épreuve notre amour-propre national.
Nous aimons à nous représenter la France républicaine comme une terre d’accueil
et d’asile ; elle reste pour nous l’héritière de la Grande Révolution, la
patrie des droits de l’homme, le royaume béni de la liberté, de l’égalité et la
fraternité ; aussi sommes-nous portés à la proposer en exemple au monde
entier. Il nous est donc pénible de constater que ce portrait complaisant est
cruellement démenti par la réalité : chez nous, comme ailleurs, la lèpre de
l’exclusion se répand, les inégalités se creusent, le racisme est virulent, et
nous ne sommes guère qualifiés pour faire la leçon à nos
voisins.

L’hystérie politique, avions-nous dit, surgit à deux
conditions : il faut que, d’un côté, la communauté éprouve un sentiment
d’impuissance devant une situation qu’elle ne maîtrise pas ; il faut que,
de l’autre, elle se sente, sinon menacée dans son existence, du moins blessée
dans son narcissisme, atteinte dans l’image qu’elle se donne d’elle-même. A
l’évidence, ces deux conditions sont réunies dans la France
d’aujourd’hui.

Le problème de substitution : la question du
voile.

Confronté à des difficultés qu’elle ne parvient pas à
surmonter, la communauté hystérique leur substitue un problème fictif, qu’elle
est à même de traiter avec les seules ressources du discours et du
symbole : elle peut ainsi se donner l’illusion de franchir victorieusement
l’obstacle. A mon sens, la question du voile joue très précisément ce rôle de
problème de rechange. Pour être un substitut crédible, le nouveau problème doit
remplir plusieurs conditions. Tout d’abord, il doit entretenir un rapport
manifeste avec les problèmes qu’il est appelé à remplacer ; de telle sorte
qu’en parlant de lui, on aura le sentiment de parler d’eux, sans pourtant les
prendre explicitement pour objet. La question du voile satisfait cette
exigence : le voile est porté par des jeunes filles de confession
musulmane, qui appartiennent dans leur quasi-totalité à des familles issues de
l’immigration ; par ailleurs, seules des jeunes filles le portent, et il
apparaît donc comme une "marque" de la condition féminine, quelle que soit la
signification qu’on lui donne - on y reviendra. Du coup, la question du voile
permet bien d’ évoquer - au sens où l’on évoque un esprit - aussi bien les
difficultés de l’intégration que celles de l’égalité entre les sexes.

Au
départ cependant, la question du voile semblait mal se prêter au rôle qui lui
était destiné, en raison de la minceur des événements qui lui servaient de
support. On le sait, les recensements disponibles - ceux des Renseignements
Généraux comme ceux de l’Education Nationale -dénombrent pour l’année 2003
quelque douze cents cas, parmi lesquels deux douzaines sont devenus litigieux et
ont abouti à quatre exclusions4. Ils indiquent en outre que le nombre annuel des
cas signalés n’a guère varié depuis 1989. A l’évidence, un tel socle était
beaucoup trop étroit pour donner lieu à un"grand débat national", et il a fallu
commencer par l’agrandir. A cette fin, deux procédés ont été utilisés, que nous
pouvons voir à l’œuvre dans le rapport de la commission Stasi5 ; celui-ci a
le mérite de refléter très fidèlement la montée en puissance et la rhétorique de
l’hystérie, et je lui emprunterai la plupart des exemples dont j’ai besoin pour
illustrer mon hypothèse.

Un premier argument a consisté à mettre en doute
la valeur des statistiques officielles, selon la méthode classique qui prescrit
de briser le thermomètre lorsqu’il ne donne pas les résultats escomptés. La
commission a préféré s’en remettre à la parole des "acteurs de terrain",
donc chacun faisait état, pour l’établissement où il travaillait, d’une
situation beaucoup plus tendue. Si, sur le plan qualitatif, cette parole est
effectivement irremplaçable, il n’est pas sûr qu’il en soit de même sur le plan
quantitatif : en 1815 déjà, pour connaître les pertes subies à la bataille
de Waterloo, il valait mieux s’adresser à l’Empereur ou au Maréchal Ney qu’à
Fabrice del Dongo…Quoiqu’il en soit, la commission a préféré conclure que
l’administration était dépassée par les événements, et que la crise avait fini
par échapper aussi bien à sa connaissance qu’à son contrôle. Conclusion bien
naturelle : si la commission avait admis l’extrême exiguïté du phénomène,
elle aurait du même coup sapé sa propre raison d’exister, et par un étrange
renversement, il semble que, lors de l’audition du ministre Ferry, c’est la
création même de la commission qui a été invoquée pour démontrer la gravité du
problème…(Le Monde, 12/12/2003, p.6).

Divers commentateurs ont
alors estimé qu’il fallait multiplier au moins par quatre les chiffres fournis
par l’administration. Même après cette opération, le total obtenu reste peu
impressionnant. Un second argument est alors appelé à la rescousse : ce
total, assure-t-on, représente le sommet d’un iceberg dont nous ne mesurons pas
la masse immergée ; nous n’observons en effet que l’avant-garde d’une armée
dont le gros est encore dans la tranchée. C’est que derrière cette avant-garde
se dissimulent des forces obscures qui "tirent les ficelles" et qui cherchent en
un premier temps à éprouver nos défenses avant de donner le signal de l’assaut.
Ces forces obscures, nous les rencontrons presque à chaque page du rapport
Stasi : "activistes politico-religieux" (p. 18, col. 1), "tendances
politico-religieuses extrémistes" (p. 20, col. 3), "minorité activiste" (p. 21,
col. 6), "groupes organisés qui testent la résistance de la République" (p. 22,
col. 1), "groupes communautaristes politico-religieux" (p. 22, col. 3), etc. Le
rapport se garde bien de préciser plus avant leur identité : de fait, leur
anonymat ne les rend que plus redoutables. Tout au plus nous laisse-t-on
supposer que ces groupes appartiennent à la nébuleuse de l’intégrisme islamiste,
dont - nous le savons tous - Al Qaeda forme en dernière instance le noyau…Et ils
ne visent rien de moins que la déstabilisation de nos institutions et de notre
démocratie : "c’est l’avenir même des services publics qui est en jeu",
nous dit-on (p. 21, col. 5), et au-delà, "les menaces ébranlent l’ensemble de
notre édifice juridique" (p. 23, col. 2). Dans ces conditions, ceux qui
s’obstineraient à minimiser la menace en rappelant les évaluations officielles
du phénomène ne feraient que démontrer leur propre aveuglement…

Dans
L’Ancien Régime et la Révolution, Tocqueville écrit : "En politique,
la peur est une passion qui s’accroît souvent aux dépens de toutes les autres.
On a volontiers peur de tout quand on ne désire plus rien avec ardeur" (Ed.
Gallimard, 1953, vol.II, p.280). De fait, comment émouvoir un people aussi
désenchanté et blasé que le nôtre, sinon en le faisant périodiquement trembler
devant des périls imaginaires ? Le procédé est d’autant plus efficace que,
comme l’observe de son côté Guizot (Mémoires, éd. Paléo, 2003, vol. II,
p.18), "Les hommes sont ainsi faits que les dangers chimériques sont pour eux
les pires ; on se bat contre des corps ; on perd la tête, soit de
peur, soit de colère, devant des fantômes."

La neutralisation du
problème initial.

Il faut cependant relever ici une différence
essentielle entre l’hystérie individuelle et l’hystérie collective. Dans la
première, le problème initial est proprement refoulé dans l’inconscient, et le
problème de substitution occupe désormais seul le devant de la scène. Une telle
occultation ne peut se produire à l’échelle de la communauté, ne serait-ce que
parce qu’il n’y a pas d’inconscient collectif ; le problème initial
continue donc d’attirer l’attention par ses effets, et il reste toujours
quelques observateurs épargnés par l’hystérie pour rappeler son existence. Dans
l’hystérie collective, il y a donc moins refoulement que neutralisation, selon
ce que j’appellerais volontiers la technique du « coup de chapeau donné en
passant » : le problème initial est certes évoqué, mais un artifice
rhétorique vient bientôt le mettre en quelque sorte entre parenthèses, et le
discours peut alors se tourner vers le problème de substitution et poursuivre
son cours comme si de rien n’était.

De cette technique et de sa mise en
œuvre, le rapport Stasi nous offre un véritable cas d’école. Bien loin de passer
sous silence les difficultés de l’intégration, il nous en propose une
description très précise et très pertinente. Il note très justement qu’en raison
de son contexte urbain, le repli communautaire est davantage subi que voulu, et
il caractérise fort bien la démarche qui consiste à transformer le stigmate en
emblème, selon l’adage connu black is beautiful. Au terme de son analyse,
le rapport rend un verdict catégorique :

"La laïcité n’a de sens et
de légitimité que si l’égalité des chances est assurée en tout point de notre
territoire." (p. 22, col. 6).

Un esprit naïf serait tenté de d’en
conclure que, puisque de l’aveu même du rapport, l’égalité des chances est bien
loin d’être assurée en tout point de notre territoire, la laïcité n’a pour
l’instant ni sens ni légitimité. Las ! pour le rapport Stasi c’est tout le
contraire :

"Certaines situations sociales rendent peu crédibles les
droits, et de ce fait disposent mal ceux qui en sont victimes à assumer leurs
devoirs. Mais on ne saurait s’en prévaloir pour déclarer les exigences de la
laïcité illégitimes et renoncer à les affirmer au prétexte qu’existe l’injustice
sociale." (p. 22, col. 5).

Ainsi le tour est joué : l’injustice
sociale, dont l’éradication était présentée tout à l’heure comme une condition
nécessaire de la laïcité, est à présent métamorphosée en un simple prétexte, que
l’on est en droit d’écarter sans autre forme de procès. On peut donc la déclarer
hors jeu - et poursuivre son chemin.
S’il faut en croire la commission Stasi,
la méthode peut être appliquée en toutes circonstances, car, déclare-t-elle
joliment, "la grandeur des principes ne saurait être en aucun cas démentie par
la bassesse des pratiques." (p. 22, col. 5) ; comme la proposition réciproque
n’est pas moins vraie - la grandeur des principes n’empêche en rien la bassesse
des pratiques -on pourra continuer du même pas de proclamer les principes et
d’abandonner les pratiques à leur bassesse : tel était sans doute le
résultat visé.

Ainsi s’explique l’extrême pauvreté du rapport Stasi dès
lors qu’il s’efforce de formuler des propositions concrètes en matière
d’intégration. La commission "souhaite que la politique de lutte contre les
discriminations urbaines soit une priorité nationale" (p. 23, col. 1) ; elle
rejoindra ainsi la lutte contre l’insécurité routière, la promotion des
handicapés, le combat contre le cancer, la solidarité avec les personnes âgées,
la répression de l’insécurité, la réforme de l’assurance maladie et bien
d’autres priorités nationales dont la liste peut être allongée d’autant plus
généreusement que, de toute manière, les ressources manquent pour les mettre en
œuvre. Par ailleurs, nous dit-on,

"La future haute autorité indépendante
qui sera compétente à l’égard de toutes les formes de discriminations devra
modifier les pratiques et faire évoluer les comportements en matière notamment
de racisme direct ou indirect et d’intolérance religieuse." (p. 23, col.
1).

On songe à la méthode de Descartes telle que la résumait Leibniz :
prenez ce qu’il faut, faites comme il convient et vous obtiendrez ce que vous
cherchez. De quels moyens la haute autorité sera-t-elle dotée ? Agira-t-elle par
la persuasion ou par la contrainte ? Aura-t-elle un pouvoir de sanction ? Qui la
représentera sur le terrain ? Disposera-t-elle d’un personnel propre ? Qui aurait
été heureux de recueillir sur ces points l’avis de la commission Stasi attendra
une autre occasion.

Des principes aseptisés.

Le réel ainsi
écarté, le discours peut désormais se maintenir dans la sphère éthérée des
grands principes. La mobilisation à tout propos de ceux-ci est une spécialité
reconnue de la rhétorique politique française, et le rapport Stasi ne déroge pas
à la règle : la liberté de conscience, l’autonomie de la personne, l’esprit
critique, la tolérance, l’égalité des chances et celles des sexes, la laïcité de
l’école et de l’Etat, toutes les grandes valeurs de la République sont au
rendez-vous, à la seule exception - pas tout à fait innocente - de la
fraternité. Mais encore faut-il que l’exaltation des principes ne réintroduise
pas, si j’ose dire, par la fenêtre, une réalité que l’on a pris grand soin de
chasser par la porte. Le risque n’est pas négligeable, car lorsqu’on affirme un
principe, on est tôt ou tard amené à évoquer sa traduction dans les faits. Ainsi
s’explique une nouvelle caractéristique du rapport Stasi, très représentatif,
ici encore, de l’argumentation commune des partisans d’une loi contre le voile.
En un premier temps, on invoque un principe auquel on attribue une valeur
absolue et une portée universelle, mais en un second temps on en limite
strictement l’application au seul cas du voile islamique à l’école publique, à
l’exclusion de tout autre objet, situation ou circonstance.

Parmi les
adversaires du voile, beaucoup soulignent qu’il est un symbole provocant de
l’oppression et de l’humiliation des femmes, et qu’à ce titre on ne saurait le
tolérer dans notre République."Objectivement, déclare par exemple Bernard Stasi
à Ouest France, le voile traduit l’aliénation des femmes" ;
"objectivement", c’est-à-dire pris en lui-même, indépendamment du statut, des
sentiments et des convictions de celles qui le portent. Mais s’il en est ainsi,
le voile devrait être interdit, non seulement à l’école publique, mais partout,
à toutes et en toute circonstance : à l’université, dans l’entreprise, dans les
transports, dans la rue, sur les marchés, etc. En particulier, j’y reviendrai,
ne faudrait-il pas l’interdire dans les écoles privées sous contrat, qui sont
financées par la République et qui, au dire même de la loi, concourent au
service public ? Par ailleurs, ne devrait-on pas se demander ce que signifient
d’autres voiles, non islamiques ceux-là, comme par exemple les cornettes portées
par certaines religieuses catholiques. Bien entendu, les adversaires du voile
n’ont jamais envisagé de généraliser ainsi l’interdiction qu’ils proposent, mais
on peut du même coup se demander dans quelle mesure ils adhérent vraiment au
principe qu’ils proclament.
La question est d’autant plus pertinente que
d’autres symboles manifestes de la dégradation des femmes - la publicité sexiste
ou l’industrie pornographique par exemple - sont bien loin de susciter des
débatsaussi passionnés, et que ceux qui ont suggéré de les interdire par la
voie législative ont été aussitôt stigmatisés comme des partisans attardés de
l’ordre moral.

D’autres adversaires du voile se fondent sur le principe
de laïcité pour exiger que tous les signes d’appartenance religieuse soient
proscrits dans l’école publique, mais ici encore il est clair que seul le voile
est visé, la mention des grandes croix et des kippa étant une fausse fenêtre qui
ne trompe plus personne. Mais de nouveau, pourquoi s’en tenir aux seuls signes
vestimentaires ?

La commission Stasi se félicite que "les administrations
prennent en considération davantage que par le passé les interdits alimentaires
liés aux convictions religieuses" (p. 21. col.2). Pourtant le refus de partager
le repas commun n’est-il pas un signe d’appartenance au moins aussi "ostensible"
que le port du voile ?

Par ailleurs, pourquoi n’interdire le voile que
dans l’enseignement public ? Dans un récent débat, Jack Lang rappelait que,
depuis la loi Debré de 1959, les établissements privés sous contrat remplissent
une mission de service public et "doivent accueillir tous les enfants, sans
distinction d’origine, d’opinion ou de croyance […] dans le respect total de la
liberté de conscience" ; c’est précisément pour cette raison qu’ils bénéficient
du financement de l’Etat. Mais s’il en est bien ainsi, pourquoi seraient-ils
dispensés d’appliquer une laïcité qui doit être la règle dans tout le service
public ? De son côté, le rapport Stasi souligne que les "obligations de
neutralité" qui s’imposent au service public "devraient être mentionnées dans
les contrats conclus avec les entreprises délégataires de service public ou
celles concourant au service public" (p. 23, col. 3). Si vous vous imaginez que
cette dernière formule inclut les écoles privées sous contrat, détrompez-vous
vite : pour Jack Lang comme pour les auteurs du rapport Stasi, les principes de
laïcité et de neutralité ne s’appliquent pas à ces établissements, du fait de
leur "caractère propre". Bien mieux, le rapport Stasi les considère comme la
véritable garantie de la liberté religieuse :

"L’existence d’un
enseignement confessionnel sous contrat d’association avec l’Etat permet que
s’affirme pleinement la liberté religieuse avec la prise en compte du caractère
propre de la religion ;" (p. 19, col. 4).

Du coup le rapport souligne qu’
"aucune disposition juridique ne s’oppose à la création d’écoles musulmanes" (p.
19, col. 4), et il assure d’un revers de plume que "l’argument selon lequel la
loi pourrait favoriser l’enseignement privé n’est plus dirimant", puisque
"certains parents musulmans préfèrent déjà recourir à l’enseignement catholique
pour que leurs enfants y bénéficient d’un enseignement des valeurs religieuses"
(p. 23, col. 5).

N’est-ce pas suggérer que la question du voile pourrait
trouver une réponse acceptable par la multiplication d’écoles confessionnelles
musulmanes sous contrat, où le port du voile, serait, non seulement autorisé,
mais prescrit, au nom du "caractère propre" de ces écoles ? Quant aux effets
qu’une telle solution produirait sur l’intégration des jeunes filles concernées,
la commission, semble-t-il, n’a pas jugé opportun de s’interroger sur ce
point.

De même, le rapport Stasi se garde bien de mettre en question le
statut de l’Alsace et de la Moselle concordataires. Comme ces trois départements
font effectivement partie de la République française, on voit que cette dernière
sait pratiquer sa laïcité de bien des manières différentes, et qu’elle ne
dédaigne pas à l’occasion de faire largement place aux particularismes. La
commission Stasi ne voit là rien d’anormal :

"La commission estime que la
réaffirmation de la laïcité ne conduit pas à remettre en cause le statut
particulier de l’Alsace-Moselle, auquel est particulièrement attachée la
population de ces trois départements." (p. 22, col. 6).

Que l’attachement
d’une population suffise à justifier une dérogation à la loi commune est un
argument étrange dans un texte tout entier consacré à la dénonciation du
communautarisme… Bien qu’elle ne l’ait pas explicitement précisé, il apparaît
donc que, pour la commission Stasi, l’Alsace et la Moselle ne devraient pas être
concernées par une loi interdisant les signes religieux à l’école.

Au
total, entre les principes universels et absolus dont on se réclame et
l’application très limitée dont on se contente, il y a un hiatus qui doit être
expliqué. Certains parlent de cynisme ou d’hypocrisie. A mon sens, l’essentiel
est ailleurs. Encore une fois, l’hystérie est une affection pathologique, et les
inconséquences relevées ne sont que les symptômes de cette affection. La
communauté hystérique éprouve un besoin compulsif de se réciter ses principes et
ses valeurs, pour se rassurer et réaffirmer la représentation qu’elle se donne
d’elle-même. Mais il ne s’agit pas pour autant d’accepter la confrontation avec
une réalité ressentie comme pénible, dangereuse ou hostile : si la mise en œuvre
des principes semble conduire à cette confrontation, on y renoncera sans
hésiter. Quel est le gouvernement qui, au nom de la cohérence laïque,
envisagerait de remettre en cause le statut de l’Alsace-Moselle ou la loi Debré
de 1959 ? Ici, quelles que soient les déclarations d’intention, le principe
d’opportunité reprend tous ses droits, et le souci de la rigueur logique a tôt
fait de s’effacer devant une aspiration bien compréhensible à la tranquillité.
Rien là que de très naturel ; simplement, ne serait-ce que pour éviter de
troubler les âmes candides, on aurait peut-être dû se montrer moins catégorique
dans l’énoncé des principes…

La loi et ses effets.

On peut
enfin s’interroger sur la portée et les conséquences exactes de la loi proposée.
Concernant l’école, qui est au cœur du débat, on en connaît la disposition
principale : "Sont interdits dans les écoles, collèges et lycées les tenues et
signes manifestant une appartenance religieuse ou politique […] Les tenues et
signes religieux interdits sont les signes ostensibles…" (p. 23, col. 4). Par un
étrange remords, le rapport assure dès le paragraphe suivant qu’ "il ne s’agit
pas de poser un interdit" (p. 23, col. 4) : bel exemple de dénégation freudienne,
dans laquelle on nie haut et fort ce que l’on veut précisément affirmer… Mais
si ! Il s’agit bien de poser un interdit, et on peut essayer d’en mesurer les
effets.

Tout d’abord, la loi est supposée apporter aux enseignants et aux
chefs d’établissement une règle claire qui leur permette de trancher sans
hésiter les cas litigieux. Sur ce point, les discussions que provoquent d’ores
et déjà l’interprétation du terme "ostensible" et la détermination de la
frontière exacte entre l’ostensible interdit et le discret autorisé ne sont
guère rassurantes, et il faudra sans doute attendre quelques décisions du
Tribunal Administratif et un arrêt du Conseil d’Etat pour qu’une jurisprudence
soit fixée.

Enumérant les "difficultés" de la situation qui prévalait
depuis 1989, le rapport Stasi souligne de façon un peu étrange que "l’adoption
d’une démarche au cas par cas supposait la possibilité pour les chefs
d’établissement de prendre des responsabilités." (p. 19, col. 6). Il n’est pas
sûr que la possibilité pour un chef de prendre des responsabilités puisse être
considérée comme une difficulté, et j’y verrais plutôt pour ma part la
définition même de sa tâche ; mais quoiqu’il en soit, les chefs d’établissement
ne seront pas déchargés de tout souci en la matière, puisque le dialogue et la
médiation devront demain encore précéder la sanction.

Cependant la loi ne
sera pas inutile : selon toute vraisemblance, les exclusions se feront un peu
plus nombreuses et plus expéditives. A deux reprises, la commission Stasi
s’alarme dans son rapport du développement de la déscolarisation (p. 21, col. 5 ;
p.23, col. 6), mais si ses propositions sont retenues, elle aura
incontestablement contribué elle-même à l’aggravation du phénomène qu’elle
dénonce.

Par ailleurs, la commission Stasi s’est déclarée sensible au
drame que vivent les adolescentes et les jeunes femmes issues de certaines
cités, et l’on ne peut ici que lui donner raison. Mais en quoi l’interdiction du
voile à l’intérieur de l’école transformera-t-elle la vie dans les
cités ?
Elle constituera, nous dit-on, un "signe fort" à l’adresse des
"groupes islamistes" (p. 23, col. 4) ; à mon sens, elle leur permettra bien
plutôt de dénoncer l’atteinte ainsi portée à la liberté des croyantes, et de
souligner que l’intolérance des pouvoirs publics rend illusoires les efforts des
musulmans modérés pour adapter l’islam à la République.

Au total, la
future loi n’apportera guère de changements effectifs, et il n’y a pas lieu de
s’en étonner, puisque pour l’essentiel elle sera qu’un exercice de
"gesticulation" politique. Sur le problème de l’intégration, sur celui de
l’égalité des sexes, elle n’aura aucune influence, car -il faut le redire- les
progrès qui peuvent intervenir dans ces domaines ne dépendent que très peu de la
loi. Quant à la question du voile, elle ne disparaîtra pas par un coup de
baguette magique, même si elle perdra sans doute un peu de son acuité, ne
serait-ce que parce qu’elle n’occupera plus le devant de la scène
médiatique.

Beaucoup de bruit pour pas grand chose, alors ? Pas tout à
fait. Imaginons un hystérique dont la phobie porte sur les salissures
corporelles : sous l’empire d’une impulsion irrésistible, il se lave les mains
cinquante fois par jour. Ce rituel le protège contre son angoisse intérieure,
mais en outre, chaque fois qu’il l’accomplit, il se procure un moment de répit
qui lui vaut un soulagement provisoire. C’est exactement ce qui va se produire
avec l’interdiction du voile. La loi interviendra au terme d’un débat prolongé ;
au cours de ce débat, beaucoup auront changé d’avis, ce qui est, nous dit-on, la
preuve d’une discussion ouverte et sans a priori ; comme, jusqu’à présent
au moins, toutes les évolutions ont eu lieu dans le même sens - du refus vers
l’acceptation de la loi - j’y verrais plutôt l’indice que l’hystérie est
redoutablement contagieuse. A l’arrivée, hommes politiques, journalistes et
intellectuels venus de tous les horizons auront - une fois n’est pas coutume -
communié dans la même célébration des valeurs républicaines. De tels instants
d’unanimité et de fusion sont rares, et ils sont déjà en eux-mêmes une
récompense. En outre, face aux forces obscures qui rôdent autour de nous, les
adversaires du voile auront le sentiment d’avoir vaillamment combattu pour la
pensée libre et pour la cohésion nationale. Bref, le vote de la loi leur
apportera de grandes satisfactions ; ce sera son résultat le plus clair, mais il
ne serait pas convenable de le dédaigner.

Certes, ce résultat se paiera
d’un certain prix, mais seuls les sceptiques s’en soucieront, et ils admireront
que, pour l’atteindre, il ait fallu, au nom de la liberté et de l ’intégration,
voter une loi dont l’effet le plus direct sera d’interdire et
d’exclure.


Emmanuel Terray

P.S. Je ne fait pas état du
discours prononcé le 17 décembre par le Président de la République, car il
n’apporte rien de nouveau par rapport aux conclusions de la commission Stasi, et
fait jouer les mêmes ressorts qu’elle : hommage appuyé, mais sans conséquences,
aux grands principes, stricte limitation de leur application. La seule
originalité du Président est d’avoir renoncé à quelques-uns des ingrédients que
la commission Stasi avait imaginés pour "dorer la pilule" aux
musulmans.

Notes

1. Istvan Bibo, Misère des petits Etats
d’Europe de l’Est
, traduction György Kassai, Paris, l’Harmattan, 1986.
2.
Sigmund Freud, Nouvelles Conférences sur la Psychanalyse, traduction
Rose-Marie Zeitlin, Paris, Gallimard, 1984, p.115-116.
3. Istvan Bibo, op.
cit
, p. 436
4. Le Monde, 11/12/2003, p.11
5.
Le Monde, 12/12/2003, p.17 à 24.

Messages

  • Admettons tout ce que vous dites.
    Pourquoi en tirer une conclusion aussi pessimiste ? La loi ne demande pas d’apostasier, elle demande d’être discret. Il n’est donc pas du tout impossible que les filles croyantes obtiennent comme c’est aujourd’hui le cas, l’autorisation de porter un signe discret, et qu’elles admettent satisfaire ainsi à leur obligation morale. Il n’est pas impossible que des filles tentées par le port du voile, acceptent de ne pas le mettre à l’école.
    Surtout, le port du voile ne sera plus un enjeu, ni pour les contre, ni pour ses partisants. La question même risque de disparaître.
    Donc, il n’est pas sûr du tout que la loi entraine une plus grande exclusion des filles de l’école. ( A supposé que le voile hors de l’école et ce qui l’accompagne ne soit en rien une exclusion).

    J’entends dire que l’échec de l’intégration serait la raison d’une recherche de recours dans certaines formes religieuses. Ne faisons pas semblant de croire que les politiques d’immigration massives ont eu d’autres but que d’alimenter le marché du travail en main d’oeuvre docile et bon marché. Il n’y a pas eu échec de l’intégration, car il n’y a jamais eu projet d’intégration. L’aparthed social est un vrai projet de société qui s’exprime bien dans l’urbanisme et les temps de transport. Pour autant cela n’excuse pas les victimes d’avoir abandonné toute dignité propre dans le confort des croyances.

    Surtout votre article dissimule l’enjeu véritable dont la loi n’est qu’un petit épisode. Si le clergé catholique s’est abstenu de monter d’avantage au créneau, c’est qu’il en a obtenu la non application dans ses établissements. Mais la question est bien plus fondamentale : Il s’agit de savoir si les religions vont continuer à imposer leur loi aux sociétés humaines, ou si elles vont définitivement y renoncer.
    S’agit-il encore de maladie sociale ou non je ne me sens pas compétent pour psychanalyser l’ensemble d’une nation, mais il s’agit assez surement de liberté humaine tout court face au dogme intangible derrière lequel de vieux barbons ont dissimulé leur volonté de puissance.

  • Cet article fait partie du recueil *Le foulard islamique en questions* paru aux Editions Amsterdam, sous la direction de Charlotte Nordmann, avec des contributions notamment d’Etienne Balibar, Pierre Bourdieu (texte posthume !), Christine Delphy, Françoise Gaspard, Nacira Guénif, Pierre Tévanian, etc.

    Certaines contributions et d’autres textes sur le même sujet sont disponibles sur le site des Editions Amsterdam à l’adresse suivante :

    http://www.editionsamsterdam.fr

    (sections catalogue, et extraits et entretiens)