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La situation des Roms de Roumanie en France

Publie le samedi 12 avril 2003 par Open-Publishing

COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME
Cinquante-neuvième session
Point 14 à l’ordre du jour
Genève, 11 avril 2003

Groupes vulnérables : Minorités

Exposé oral par Médecins du Monde - International, organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif général

La situation des Roms de Roumanie en France

Madame la Présidente,

Médecins du Monde voudrait attirer l’attention de la Commission à la situation de la minorité Rom en France, et notamment au cas des Roms Roumains.

Pour rappel, les Roms sont deux millions en Roumanie (10% de la population) et ne sont que quelques milliers en France, vivant principalement en Ile-de-France et dans la région lyonnaise. Depuis septembre 2002, ils font l’objet de pressions policières croissantes, d’expulsions répétées de leurs lieux d’habitat et de renvois forcés en Roumanie sans considération de leurs conditions de vie dans ce pays.

Les familles Roms roumaines viennent en France pour fuir la misère et les discriminations dont elles sont victimes dans leur pays. Traumatisés par l’exil, les Roms font le choix de se regrouper pour mieux résister, et, en l’absence complète d’accueil, d’hébergement ou de logement, s’installent sur des terrains délaissés dans les interstices des villes, dans des carcasses de caravanes (alors qu’ils sont sédentaires dans leur pays), dans des baraquements qu’ils construisent, plus rarement dans des squats. Ainsi apparaissent les bidonvilles, lieux sordides de vie, à juste titre dénoncés par tous.

Face à cet intolérable situation, les seules solutions répressives mises en œuvre par le gouvernement français sont inadmissibles, et qui plus est, inefficaces.

Madame la Présidente, Médecins du Monde considère inadmissibles :

 Les expulsions des terrains, réalisées par une mobilisation totalement démesurée de fonctionnaires de police (les Roms ne sont pas violents), à l’abri des regards tant des associations que de la presse, voire même des élus, tous soigneusement mis à l’écart lors des opérations dites de " nettoyage ".
 Les arrestations collectives, le tri des personnes, les séparations de familles, la destruction de leurs maigres biens.
 Le traumatisme psychologique infligé aux enfants qui sont témoins de ces expulsions manu militari et empêchés d’aller à l’école (à Choisy le Roi), voire recherchés jusqu’à l’école (à Achères).
 L’absence de considération pour les efforts d’intégration de cette population : les projets d’alphabétisation et d’éducation à la santé sont arrêtés, la scolarisation des enfants est mise en péril, voire interrompue.

Les Roms roumains vivent dans la terreur permanente des contrôles policiers, des arrestations, des menaces d’expulsion et de destruction de leurs caravanes.

Qui plus est, ces mesures s’avèrent parfaitement inefficaces. Exclusivement répressives, elles n’entravent en rien les motivations des Roms, qui, même renvoyés en Roumanie, reviennent, se regroupent à un autre endroit, et essayent de rebâtir des projets, cherchant avant tout, comme ils le disent eux-mêmes, un avenir meilleur pour leurs enfants. Quand allons nous prendre conscience que le tout répressif ne sert qu’à déplacer des îlots de misère, ne résout aucunement les questions de fond que nous posent ces familles roumaines en errance ?

C’est sans doute conjointement aux niveaux européen et national que les solutions doivent être envisagées. L’Europe ne saurait éluder les problèmes de sa minorité Rom, constituée de 8 à 10 millions de personnes en prise à une persécution raciale et non à un " simple " problème économique et social comme tentent de le faire croire la plupart des gouvernements européens. Un travail de fond doit être entrepris sur le long terme, dans la mesure où, parallèlement aux réformes nécessaires, il faut essayer de susciter une prise de conscience dans la population autochtone non Rom. L’exemple des discriminations subies par les Roms en Roumanie illustre l’ampleur du problème : discriminations à l’embauche, à l’école où la présence des enfants Roms n’est pas considérée comme souhaitable, interdiction d’accès à certains lieux publics, invectives de la part d’une partie de la population qui traite les Roms de " brunets " en allusion à la couleur de leur peau. La médiatisation des accords franco-roumains, dénonçant publiquement les Roms comme étant venus en France pour mendier ou commettre des larcins, accentue encore la stigmatisation, certains n’hésitant pas à dire que l’intégration de la Roumanie dans l’Union Européenne est mise en danger par ses Roms…

La France continue de se targuer de sa dénomination de " pays des Droits de l’Homme ". C’est en vertu de ceux-là qu’elle doit agir avec les Roms, et les soutenir dans leurs projets. Les exemples de Lieusaint et Fontenay-sous-Bois (dans la région parisienne) où des familles ont eu accès à des formations et des emplois témoignent de l’intérêt et de la faisabilité d’une telle démarche.

Deux niveaux d’action doivent être envisagés : l’un en urgence par l’amélioration des conditions d’accueil, l’accès aux droits fondamentaux que sont le logement, la santé, la scolarisation des enfants, l’accès à des ressources minimales pour assurer le quotidien ; l’autre à court et moyen terme par le développement de projets d’intégration, réunissant plusieurs départements et plusieurs communes, à partir de conventions impliquant la délivrance de titres de séjour et d’un droit au travail.

Pour l’heure, les reconduites à la frontière sont désormais effectuées au motif de ressources insuffisantes. Ceci équivaut à reconnaître que la liberté d’aller et venir en Europe ne vaut que pour ceux qui en ont les moyens et crée par soi-même un délit de pauvreté. Faudra-t-il attendre que la Cour européenne des Droits de l’Homme soit saisie pour renoncer à tant d’inhumanité ?

Toutes les interventions orales et écrites de Médecins du Monde-International sont disponibles : www.mdm-international.org